frontispice

Crises terroristes
et ambiances urbaines
Quelles marques les attentats
laissent-ils aux villes ?

• Sommaire du no 13

Angeliki Drongiti Damien Masson

Crises terroristes et ambiances urbaines : quelles marques les attentats laissent-ils aux villes ?, Riurba no 13, janvier 2022.
URL : https://www.riurba.review/article/13-crise/terroristes/
Article publié le 1er nov. 2023

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Angeliki Drongiti, Damien Masson
Article publié le 1er nov. 2023
  • Abstract
  • Résumé

Terrorist crises and urban ambiances: What traces do attacks leave in cities?

Which crisis(s) urban life, and its management, are going through an era of 'political climate of counter-terrorism? First, the article shows what forms the counterterrorism takes in the city, by describing some evolutions in the ways of producing urban space to integrate security logics. From there, the ways in which these evolutions contribute to modifying the frameworks of ordinary experience and urban atmospheres are developed. These two entries allow for the development of a discussion on the urbanistic crisis induced by the terrorist threat and the fight against terrorism, which goes far beyond the duration of the event-attack to the point of questioning the limits of the “post-attack” and has a long-term influence on the city, as a produced, material, discursive, political space, etc., and on urban life, as a space of practices, representations, affects and emotions.

Quelle(s) crise(s) traversent la vie urbaine et sa gestion à l’heure d’un « climat politique d’antiterrorisme » ? Dans un premier temps, l’article montre quelles formes prend la lutte contre le terrorisme en ville, en décrivant certaines évolutions des manières de produire l’espace urbain à des fins d’intégration de logiques sécuritaires. À partir de là, sont développées les manières par lesquelles ces évolutions contribuent à modifier les cadres de l’expérience ordinaire et les ambiances urbaines. Ces deux entrées permettent l’élaboration d’une discussion sur la crise urbanistique qu’induisent la menace terroriste et la lutte antiterroriste, qui excèdent largement la durée de l’événement-attentat au point de questionner les limites du « post-attentat », et influent à long terme sur la ville, comme espace produit, matériel, discursif, politique, etc., et la vie urbaine, comme espace de pratiques, représentations, affects et émotions.

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post->ID de l’article : 2520 • Résumé en_US : 2541 • Résumé fr_FR : 2537 •

Introduction

Les attaques terroristes qu’ont connues les villes européennes au cours des dernières années ont reconfiguré la vie urbaine ordinaire. On observe, notamment en France, deux conséquences remarquables. Au niveau de la production de l’espace urbain, d’une part, nous assistons à une intégration des mesures de lutte contre le terrorisme – qui relèvent habituellement de l’urgence, et apparaissent selon un régime exceptionnel – dans les modes d’aménagement et de gestion ordinaires de l’espace. Cela concerne le déploiement de dispositifs matériels (portiques, blocs béton, barrages filtrants, etc.), humains (multiplication des personnels sécuritaires, patrouilles de militaires en armes), symboliques (campagnes d’affichage sécuritaires, discours multiples sur l’antiterrorisme). D’autre part, au niveau des pratiques ordinaires, les logiques sécuritaires s’invitent jusque dans les corps des citadins, dans les modes de vigilance qui leur sont suggérés, dans les reconfigurations des modes de coprésence, et plus largement dans le renouvellement des logiques de mobilité et de gestion des flux.

À travers ces deux registres, on constate que l’antiterrorisme fait l’objet d’actions protéiformes, qui se distribuent par des entités matérielles, symboliques, corporelles, discursives, technologiques et légales. Nous faisons l’hypothèse que ces entités, caractérisées à la fois par leur diffusion et leur distribution à tous niveaux, ont des effets qui dépassent largement les registres du visible et du dicible. En ce sens, cette lutte contre le terrorisme participe également à la reconfiguration de l’urbain aux plans des pratiques, du sensible, des affects et des émotions. Dit autrement, parce qu’elles touchent les corps et les intensités qui les lient, ces politiques sécuritaires reconfigurent les environnements sensibles ordinaires et semblent participer à la création d’un climat urbain nouveau.

L’enjeu de cet article est de consolider l’hypothèse suivante : les réponses apportées aux attentats terroristes reconfigurent de manière durable les espaces urbains et les manières de les habiter. Par cette affirmation, nous proposons de comprendre « l’urbanisme de crise » à travers deux dimensions. Premièrement, comme un processus instable, fondé sur des régimes temporels aux célérités excédant celles des modes habituels de production des espaces urbains. Secondement, comme un ensemble de réponses, à la fois visibles et invisibles, dont les conséquences débordent les périmètres des intentions les justifiant. Dans ce cadre, la mobilisation de la notion d’ambiance permet un examen de la relation qui articule la gestion urbaine de la crise terroriste à la question des usages de l’espace public et des sensibilités qui y sont associées.

À visée programmatique, cet article entend poser un constat et étayer les bases d’une réflexion mobilisant des approches urbanistiques, géographiques et sociologiques. Pour cela, ce texte propose un état de l’art transversal[1]Ce texte ne développe ainsi pas d’étude de cas détaillée. Le propos est néanmoins étayé par la mobilisation de différents exemples issus d’observations faites à l’occasion d’un contrat de recherche européen en cours de réalisation, intitulé Atmospheres of (Counter)Terrorism in European Cities, réalisée dans le cadre du programme européen ORA 6e édition, cofinancée par l’Agence nationale de la recherche (décision ANR : 20-ORAR-0006-01), la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG : PN 440838216) et le Economic and Social Research Council (ESRC : ES/V01353X/1). Le travail empirique de cette recherche articule des monographies d’espaces urbains avec des entretiens auprès d’acteurs de la production et de la gestion urbaine, des acteurs de la sécurité civile, et des ethnographies sensibles et sociales. concernant les modes d’appréhension des crises terroristes et de leurs effets sur les espaces urbains. Le premier temps s’attache à montrer en quoi les attaques terroristes sont compréhensibles en tant que crises sociales et urbaines dont les effets débordent les temps et lieux des attentats. Dans un deuxième temps, nous déplaçons l’attention sur la valeur heuristique d’une approche par les temporalités des crises pour illustrer le décalage existant entre les temps des réponses aux crises et ceux de la production de l’espace urbain. La troisième partie du texte est consacrée à l’antiterrorisme et ses pratiques : ces dernières, mises en place pour sécuriser l’espace public et protéger ses usagers, se traduisent par des effets visibles et invisibles qui s’impriment dans l’espace urbain ordinaire. Enfin, la dernière partie propose d’élargir la palette des travaux existants qui interrogent les crises terroristes urbaines aux approches en matière d’ambiances urbaines, lesquelles permettent de saisir les mutations plus que matérielles, sensibles et interactionnelles, que connaissent certains espaces publics urbains.

Les attentats terroristes : des crises sociales et urbaines

Crise du terrorisme, crise terroriste (Bassani et al., 2019[2]Bassani V, Burgorgue-Larsen L, Kahn S et al. (2019) « L’Europe a l’épreuve des crises », Conférences de l’IREDIES / IREDIES, n° 1[En ligne), crise sécuritaire[3]Interview d’Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique à “Gazeta Wyborcza” sur les manifestations contre le projet de réforme du code du travail, sur le lancement de son mouvement, En marche, et sur le fonctionnement de l’Europe, 2016.. Ces mots, qui sont revenus de façon brutale et soudaine dans nos vies depuis 2015, qualifient la situation politique et sociale à laquelle la société française a fait, et continue à faire, face. Les réponses institutionnelles aux attentats terroristes soulignent l’enjeu d’une gestion à long terme fondée sur la préparation en se référant à la nécessité de les considérer comme « une situation de crise qui relève de la planification »[4]Gouvernement.fr : la mobilisation de l’État [En ligne.

La notion de crise renvoie à un événement majeur qui menace l’existence d’une organisation, ses services ou sa réputation, comme d’un groupe de personnes (Fearn-Banks, 2007, p. 48[5]Fearn-Banks K. (2007). Crisis communications: A casebook approach, 3rd edition, Mahwah (N.J.), Routledge.). Elle se qualifie également par son caractère imprévu (Lagadec, 2015[6]Lagadec P. (2015). Le Continent des imprévus : journal de bord des temps chaotiques, Paris, Manitoba.), d’urgence (Dravigny, 2017[7]Dravigny J. (2017). « De quelles crises parlons-nous ? La gestion des frontières extérieures de l’Union européenne face aux “crises” terroriste et migratoire », communication, 14e congrès de l’AFSP, session thématique 15, « L’État au prisme de l’urgence et des crises », Association française de science politique, juillet 2017, Montpellier, halshs-02269584.), inattendu et extraordinaire qui crée de l’incertitude chez les populations concernées (Fink, 2000[8]Fink S. (2000). Crisis management: Planning for the inevitable, Lincoln (Neb.), iUniverse.com ; Coombs et Holladay, 2006[9]Coombs TW, Holladay SJ. (2006). « Unpacking the halo effect: reputation and crisis management », Journal of Communication Management, n° 2(10), p. 123-137.). Dans le cas particulier du terrorisme, ce type de situation sociale est aussi une situation instable, les attentats terroristes produisant de la sidération (Truc, 2016[10]Truc G. (2016). Sidérations : une sociologie des attentats, Paris, Presses Universitaires de France.), qui nécessite d’être traitée pour envisager un retour à la normale. Ce type de crise implique une gestion et des modes d’intervention spécifiques, tels que la mobilisation de l’état de droit (Martin, 2018[11]Martin PM. (2018). « Crise du terrorisme, crise de l’État de droit », dans Larrieu J (dir.), Crise(s) et droit, Travaux de l’IFR, Toulouse, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, p. 67‑73. ; Alix et Cahn, 2017[12]Alix J, Cahn O. (2017). « Mutations de l’antiterrorisme et émergence d’un droit répressif de la sécurité nationale », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, n° 4 (4), p. 845-868.) ou la coopération internationale et diplomatique permettant d’en sortir (Combalbert et Delbecque, 2018[13]Combalbert L, Delbecque É. (2018). « Chapitre premier. La crise ou l’exception permanente », dans Combalbert L, La gestion de crise, Paris, Presses Universitaires de France, p. 11‑52.). Dans cette perspective, le rôle des autorités publiques est également de protéger les populations (Weckel, 2019[14]Weckel P. (2019). « Terrorisme global et protection des touristes étrangers : renforcer le rôle des services consulaires », Sociétés, n° 143(1), p. 69-80.) et d’assurer la cohésion sociale tout en mettant en place des « actions réparatrices » (Boussaguet et Faucher, 2016[15]Boussaguet L, Faucher F. (2016). « Mobiliser des symboles pour répondre au terrorisme », LIEPP Policy Brief, no 28.), assurant le soutien et l’accompagnement des victimes comme la prise en charge de la mémoire collective (Bazin, 2018[16]Bazin M. (2018). « Peuples en larmes, peuples en marches : la médiatisation des affects lors des attentats de janvier 2015 », Mots. Les langages du politique, no 118, p. 75‑94. ; Closs Stephens et al., 2017[17]Closs Stephens A, Hughes SM, Schofield V, Sumartojo S. (2017). « Atmospheric memories: Affect and minor politics at the ten-year anniversary of the London bombings », Emotion, Space and Society, n° 23, p. 44‑51.). On assiste également au développement par l’État de nouvelles structures de lutte contre le terrorisme et d’information des populations vis-à-vis de ce phénomène, notamment sur les questions de radicalisation et de son signalement auprès des autorités publiques[18]Ministère de l’Intérieur. (s.d.). « Signaler la radicalisation – Gendarmerie nationale » [En ligne. Par ailleurs, en France, au-delà d’être informé, le grand public se trouve directement mobilisé au travers des plans d’action, aux spatialités spécifiques, visant à le protéger, le prévenir et le rassurer. En témoigne l’évolution clé de 2014 du plan Vigipirate qui a conduit à l’apparition dans l’espace public français de l’affichage des logos triangulaires (figure 1) dans un nombre extensif de lieux : « partout où un appel à la vigilance s’impose et là où des contraintes sont temporairement imposées, afin d’en expliquer le sens » (SGDSN, 2014[19]SGDSN, Secrétariat général pour la défense et la sécurité nationale. (2014). « Plan Vigipirate 2014. Éléments de langage ».). S’ajoutent à cela la campagne de sensibilisation intitulée « Réagir en cas d’attaque terroriste » (figure 2), déployée au sein des lieux recevant du public à la suite des attentats du 13 novembre 2015, ainsi que l’adaptation des Plans Particuliers de Mise en Sureté moins d’un mois après cette dernière date[20]Circulaire n° 2015-205 du 25 novembre 2015 [En ligne afin que personnels éducatifs, tout comme élèves soient préparés à la gestion des risques d’intrusion et d’attentat en milieu scolaire.

Figure 1. Logos triangulaires, Plan Vigipirate (source : gouvernement.fr).
Figure 2. Réagir en cas d’attaque terroriste (source : https://www.gouvernement.fr/reagir-attaque-terroriste).

La crise terroriste est aussi une crise territoriale. L’action terroriste se distingue clairement de la guerre conventionnelle comme de la guérilla en ce qu’il s’agit d’abord d’un phénomène urbain (Laketa, Fregonese et Masson, 2021[21]Laketa S, Fregonese S, Masson D. (2021). « Introduction: Experiential landscapes of terror », Conflict and Society, n° 7(1), p. 1‑8. ; Dory 2019[22]Dory D. (2019). « Le terrorisme comme objet géographique : un état des lieux », Annales de géographie,n° 728(4), p. 5‑36.) qui prend place dans des situations ordinaires, qui ne sont pas celles des théâtres d’opérations militaires (Chaliand et Blin, 2015[23]Chaliand G, Blin A. (2015). Histoire du terrorisme. De l’Antiquité à Daech, Paris, Fayard.). D’une part, les événements terroristes impliquent habitants, passants, usagers, etc., autant d’individus qui, d’ordinaire, ne sont pas entraînés à la gestion de la violence, de la surprise, ni de la sidération qui les accompagnent. D’autre part, les attentats prennent place dans des espaces qui n’ont pas été conçus pour assurer des fonctions de bataille, défense, protection ou repli des personnes concernées.

On observe également une évolution des modes opératoires, qui changent avec les lieux et les époques. Historiquement, les villes occidentales ont été marquées par des attentats nécessitant une très forte organisation et visant des cibles stratégiques, qualifiables de « haut profil » (Coaffee, 2009[24]Coaffee J. (2009). Terrorism, risk and the global city: Towards urban resilience, Farnham, Ashgate.) car symboliques par leur fonction, leur localisation ou leur fréquentation. Plus récemment, il apparaît que les attentats sont susceptibles d’intervenir n’importe où, n’importe quand, et mobilisent des moyens d’attaque plus rudimentaires, ce que le Conseil de l’Union européenne qualifie de « nouvelles formes de terrorisme[25]« EU strengthens rules to prevent new forms of terrorism », communiqué de presse du 7 mars 2017 [En ligne ». Ces nouvelles formes désignent indirectement un type d’attaque plus ancré dans le régime de l’accessible, même si l’attentat terroriste demeure un événement exceptionnel et hors normes. En revanche, par les lieux où cela arrive, par les cibles visées et les armes employées, l’attaque terroriste est désormais institutionnellement reconnue comme faisant partie des événements potentiels de la vie urbaine ordinaire.

Les temporalités de la crise terroriste

Indépendamment des approches disciplinaires, ce qui caractérise la recherche sur les actes terroristes concerne le fait qu’ils suscitent une focalisation sur « l’ordre temporel » (Bonelli, Bigo, et Deltombe 2008, p. 16[26]Bonelli L, Bigo D, Deltombe T. (2008). Au nom du 11 septembre… Les démocraties à l’épreuve de l’antiterrorisme, Paris, La Découverte.) de ces événements. Les chercheurs et les chercheuses se penchent le plus souvent sur un temps précis autour des attentats, lesquels sont déclinés en avant, pendant et après. Les responsables de la gestion de crise proposent un découpage pragmatique de ces moments, consistant à distinguer un après immédiat « le postcrise », d’un temps de prise de recul et d’apprentissage visant à informer la gestion d’une crise suivante. La gestion de crise s’organise alors sur quatre temps : 1) prévention, 2) préparation opérationnelle, 3) gestion et 4) post-crise (Ahuir, 2016[27]Ahuir G. (2016). « Gestion de crise : l’appropriation territoriale à l’épreuve des faits », thèse en géographie, sous la direction de Pierre Pech et Paul Durand, Université Panthéon-Sorbonne – Paris I.). Étant d’abord à destination des gestionnaires de crise, ce dernier temps insiste sur l’enjeu du retour d’expérience, permettant la production d’une analyse critique des modes de gestion de l’événement passé à des fins de préparer au mieux celui qui pourra advenir potentiellement. Aussi, ce processus inscrit la crise dans un régime temporel cyclique, où elle se trouve prise en tension dans un continuum temporel dans lequel le temps « postcrise » s’articule avec le temps « prévention ». Il importe alors d’examiner de quelle manière ce temps cyclique se heurte à celui, plus linéaire, de la production de l’espace urbain.

Le moment de l’attentat fait l’objet d’analyses surtout centrées sur l’étude des réactions humaines face à la peur, la confusion et l’effondrement (Barbero, 2015[28]Barbero O. (2015). « Paniques collectives », Sens-Dessous, n° 15(1), p. 57-64.) tout en questionnant les comportements dans/d’une foule face à une menace (Helbing et Mukerji, 2012[29]Helbing D, Mukerji P. (2012). « Crowd disasters as systemic failures: Analysis of the Love Parade disaster », EPJ Data Science, n° 1, p. 7.) ou la panique collective (Mawson, 2005[30]Mawson AR. (2005). « Understanding mass panic and other collective responses to threat and disaster », Psychiatry: Interpersonal and Biological Processes, n° 68(2), p. 95‑113.). Concernant les attentats récents en France, les travaux de Guillaume Dezecache (2020[31]Dezecache G. (2020). « ‪Au centre de l’attaque: de la peur à l’entraide », dans Faucher F, Truc G, Face aux attentats, Paris, Presses Universitaires de France, p. 11‑22.) s’intéressent aux comportements de solidarité et d’entraide développés entre les personnes présentes au Bataclan, la nuit du 13 novembre 2015. À partir d’entretiens avec des survivants, il étudie un ensemble de réactions de soutien affectif, physique ou informationnel afin de comprendre les motivations individualistes, altruistes et coopératives. Quant à la période préattentat, les chercheurs et chercheuses visent à comprendre les motivations et les facteurs qui contribuent au passage à l’acte terroriste. Les recherches se focalisent sur les liens sociaux d’amitié et de solidarité que les membres de groupes terroristes développent entre eux (Atran, 2008[32]Atran S. (2008). « Who becomes a terrorist today? », Perspectives on Terrorism, n° 2(5).), sur les profils sociodémographiques (Krueger et Malečková, 2003[33]Krueger AB, Maleckova J. (2003). « Education, poverty and terrorism: Is there a causal connection? », Journal of Economic Perspectives, n° 17(4), p. 119‑144.) et psychopathologiques des personnes radicalisées (Fekih-Romdhane, Chennoufi et Cheour 2016[34]Fekih-Romdhane F, Chennoufi L, Cheour M. (2016). « Les terroristes suicidaires : qui sont-ils ? », Annales médico-psychologiques, revue psychiatrique, n° 174(4), p. 274‑279.), sur les différents groupes de terroristes en fonction de leurs idéologies (Hecker, 2017[35]Hecker M. (2017). « Le djihadisme en France : esquisse de typologie », Sécurité et stratégie, n° 28(4), p. 22-27. ; Bauer et Bruguière, 2010[36]Bauer A, Bruguiere JL. (2010). Les 100 mots du terrorisme, Que sais-je ?, Paris, Presses Universitaires de France.) et catégories d’âges de personnes radicalisées (Baranger, Bonelli et Pichaud 2017[37]Baranger T, Bonelli L, Pichaud F. (2017). « La justice des mineurs et les affaires de terrorisme », Les Cahiers de la Justice, n° 2(2), p. 253-264. ; Bonelli et Carrié, 2018[38]Bonelli L, Carrié F. (2018). La fabrique de la radicalité : une sociologie des jeunes djihadistes français, Paris, Éditions du Seuil. ; Sakhi ,2018[39]Sakhi M. (2018). « Terrorisme et radicalisation : une anthropologie de l’exception politique », Journal des anthropologues, n° 154‑155, p. 161-181.). Les travaux situés dans le champ urbanistique, majoritairement issus de la recherche britannique, montrent notamment de quelle manière les attentats commis par l’IRA au courant des années 1970-80 ont contribué à modifier de façon radicale la fabrique de certains espaces urbains stratégiques au Royaume-Uni, en particulier ceux qui incarnent les mondes du pouvoir et de la finance, à des fins multiples : de lutte contre le terrorisme, de sécurisation des espaces, de défense des institutions et de protection des populations (Coaffee, 2003[40]Coaffee J. (2003). Terrorism, risk, and the city: The making of a contemporary urban landscape, Aldershot, Hants.). D’autres travaux montrent également comment, dans les villes en conflit, les habitants jouent un rôle crucial en déployant des stratégies de protection, en modifiant leurs routines, ou encore en déployant des tactiques de lutte émotionnelle contre la violence (Fregonese, 2017[41]Fregonese S. (2017). « Affective atmospheres, urban geopolitics and conflict (de)escalation in Beirut », Political Geography, n° 61, p. 1‑10.). Dans le champ francophone, le travail de Paul Landauer (2009[42]Landauer P. (2009). L’architecte, la ville et la sécurité, Paris, Librairie Eyrolles.) rend compte de la façon dont les questions sécuritaires marquent la production de certains espaces, comme des stades où pôles d’échanges multimodaux, dans lesquels la gestion de la foule comme le maintien de l’ordre peuvent s’avérer problématiques. Plus éloigné de la question des crises terroristes, ce travail réactualise la théorie des « espaces défendables » (Newman, 1973[43]Newman O. (1973). Defensible space: Crime prevention through urban design, Londres, MacMillan Publishing Company.), ou encore celle de la prévention situationnelle, développées aux États-Unis dans les années 1970. Sans adopter de posture critique, il montre comment la prévention de certaines crises d’usage de l’espace public contribue néanmoins à agir de façon durable sur la production des espaces urbanisés.

Différents des travaux sur l’avant-crise terroriste, ceux sur le postattentat immédiat – qui se caractérise par une phase de confusion, accompagnée par d’autres traces, émotionnelles et traumatiques, comme matérielles et visibles dans l’espace public – suscitent l’intérêt de différentes disciplines étudiant notamment le terrorisme dans ses effets spatiaux, matériels et plus largement sur la vie urbaine. Ils se focalisent sur le discours public et le traitement médiatique de ces événements (Féron, 2003[44]Féron É. (2003). « La représentation médiatique du phénomène terroriste : quelques enseignements du cas nord-irlandais », Topique, n° 83(2), p. 135-147. ; Truc, Le Bart et Née, 2018[45]Truc G, Le Bart C, Née É. (2018). Discours post-attentats, Paris, ENS Éditions. ; Bazin, 2018[46]Op. cit.), sur leurs effets sur la vie de certaines catégories sociales, en prenant par exemple les expériences des ménages musulmans qui ont subi des perquisitions dans le cadre de la pratique antiterroriste de l’état d’urgence, entre 2015 et 2017 (Hergon, 2021[47]Hergon F. (2021). « The state of emergency at home: House arrests, house searches, and intimacies in France », Conflict and Society, n° 7(1), p. 42‑59.), et sur l’évolution des liens sociaux liée à cette situation exceptionnelle (Truc, 2016[48]Op. cit.). Le trauma constitue aussi un angle sous lequel les géographes étudient les violences terroristes en mettant l’accent sur le traumatisme, les émotions, l’intimité et l’incorporation de la menace terroriste (Laketa, 2021[49]Laketa S. (2021). « (Counter)terrorism and the intimate: Bodies, affect, power », Conflict and Society, n° 7(1), p. 9‑25. ; Pain, 2014[50]Pain R. (2014). « Everyday terrorism: Connecting domestic violence and global terrorism », Progress in Human Geography, n° 4(38), p. 531-550. ; Fredrickson et al., 2003[51]Fredrickson BL, Tugade MM, Waugh CE, Larkin GR. (2003). « What good are positive emotions in crisis? A prospective study of resilience and emotions following the terrorist attacks on the United States on September 11th, 2001 », Journal of Personality and Social Psychology, n° 84(2), p. 365‑376. ; Åhäll et Gregory, 2013[52]Åhäll L, Gregory TA. (2013). « Security, emotions, affect », Critical Studies on Security, n° 1(1), p. 117‑120.). Elles et ils se penchent sur des approches monographiques de territoires directement affectés par des attaques (Gensburger, 2017[53]Gensburger S. (2017). Mémoire vive : chroniques d’un quartier : Bataclan 2015-2016, Paris, Anamosa.). Les cérémonies de commémoration, de patrimonialisation et le deuil (Bazin, 2018[54]Op. cit. ; Closs Stephens et al., 2017[55]Op. cit. ; Meroueh, 2020[56]Meroueh S. (2020). « Commémorer les défunts par corps : tatouages post-attentat et deuil collectif à Manchester », Sensibilités, n° 8(2), p. 66‑77.) font aussi un objet d’analyses des actions après l’attentat. Les sciences politiques s’intéressent à la façon dont le terrorisme modifie les dynamiques géopolitiques (Bonelli, Bigo et Deltombe, 2008[57]Op. cit.) et à la façon dont les mesures antiterroristes apparaissent comme un régime exceptionnel qui tend à devenir plus régulier (Codaccioni, 2015[58]Codaccioni V. (2015). Justice d’exception. L’État face aux crimes politiques et terroristes, Paris, CNRS Éditions.).

En prenant en compte les différentes temporalités de ce qu’on nomme une « crise terroriste » – une période avant, le moment de l’attentat, et la (longue) période de l’après –, on comprend que les traces de l’attentat ne se réduisent pas aux formes de traumatisme. Au contraire, malgré le temps de l’événement écoulé, on continue à vivre avec, l’attentat demeurant une référence importante, tout comme ce qui le précède et ce qui le suit. Même si les mesures exceptionnelles mises en place pour gérer la crise se présentent comme momentanées, elles ont un caractère durable, elles persistent dans le temps et elles en deviennent ordinaires. Les habitants comme usagers des lieux publics vivent alors avec ces mesures et les changements qu’elles imposent à leur environnement quotidien.

Des réponses antiterroristes 
qui modifient profondément les espaces publics

Si les attentats terroristes sont considérables et traités comme des « crises majeures » (Christensen, Laegreid et Rykkja, 2015[59]Christensen T, Laegreid P, Rykkja LH. (2015). « Les problèmes de coordination dans la gestion de la sécurité nationale – Le cas des attentats terroristes en Norvège », Revue internationale des sciences administratives, n° 2(81), p. 367‑388. ; Weckel, 2019[60]Op. cit.), de quelles manières affectent-ils l’urbain, ses spatialités et ses modes de production ? Ce constat double de modification de la ville, comme de la vie en ville, montre que la crise terroriste dépasse le moment de l’attentat et influe sur un plus long terme les vies et l’aménagement urbain. Comme on l’a vu précédemment concernant la temporalité des crises, en prenant pour point de référence le moment de l’attentat, on se situe aujourd’hui à la fois dans l’après-crise et dans un avant-crise potentiel. Nous développons ici plus en détail les pratiques manifestes en France.

Afin de sécuriser les espaces urbains et leurs usagers, les autorités publiques mettent en place différentes mesures antiterroristes. Tout d’abord, la sécurisation des espaces d’usage public est confiée et assurée à une multiplicité de personnels, appartenant à des institutions différenciées, et aux prérogatives qui le sont tout autant. La rue, les espaces publics ouverts, mais aussi les sites stratégiques, tels que les sites touristiques, lieux de culte, institutions gouvernementales, sont le domaine des militaires de l’opération Sentinelle en patrouille, mais aussi d’autres agents publics de maintien de l’ordre (police nationale et municipale, gendarmes). Les espaces fermés, centres commerciaux, lieux culturels voient s’ajouter à ces deux premiers types d’agents, des vigiles issus de sociétés de sécurité privées (Ait-Youssef et Farde, 2017[61]Ait-Youssef D, Farde G. (2017). « L’armement des agents privés de sécurité en France : avancée juridique et aubaine économique ? », Sécurité et stratégie, n° 27(3), p. 42‑51. ; Huberson et Vraie, 2017[62]Huberson S, Vraie B. (2017). « Loisir et culture : la sécurisation des sites sensibles », Sécurité et stratégie, n° 27(3), p. 32-39.). Enfin, dans les espaces ferroviaires du territoire national (gares, trains, emprises ferrées), comme dans les espaces de la RATP en région parisienne, viennent s’ajouter aux acteurs mentionnés précédemment des unités de sécurité internes[63]Il s’agit de la SUGE (Surveillance Générale) pour les territoires de la SNCF, et de la Sûreté RATP pour ceux de cette régie., ayant un pouvoir de police uniquement au sein des espaces gérés par ces entreprises. Dans cette perspective, les personnels de sécurité augmentent en nombre, et de nouvelles unités et brigades spécialisées se forment et s’entraînent à empêcher et à agir en cas d’attentats ainsi que de repérer les potentiels auteurs de crimes terroristes (Oldra, 2019[64]Oldra A. (2019). « Spatialités individuelles et jeux de places dans l’espace public urbain : de quelques perspectives géographiques à propos des militaires en opération Vigipirate/Sentinelle », thèse en géographie, sous la direction de André-Frédéric Hoyaux, Université Bordeaux 3. ; Bauer et Bruguière, 2010[65]Op. cit.).

La sécurisation de l’espace s’effectue aussi par des technologies qui protègent l’espace public comme les cibles potentielles (Picaud, 2021a[66]Picaud M. (2021a). « Peur sur la ville. La sécurité numérique pour l’espace urbain en France », working paperde la chaire « Villes et numérique », Paris, Sciences Po, École urbaine.). La lutte contre le terrorisme procède de plus en plus de la mobilisation du travail d’intelligence (renseignement), tout comme du déploiement de technologies de pointe facilitant la surveillance ou l’action, telle la mobilisation de drones, par exemple (Picaud, 2021b[67]Picaud M. (2021). « Mettre en marché les peurs urbaines : le développement des “safe cities” numériques », dans Senik C, Sociétés en danger : menaces et peurs, perceptions et réactions, Paris, La Découverte, p. 139-156. [En ligne). La conception des objets sécuritaires urbains évolue rapidement et suit les mises à jour technologiques (comme la reconnaissance faciale, la connectivité des caméras, de l’armement de nouvelle technologie, drones, prise de photo, etc.). Néanmoins, de tels outils, conçus par nature pour rester discrets, ne laissent pas de traces aisément observables dans l’espace public. En focalisant l’attention sur le registre des dispositifs manifestes, nous les organisons en deux catégories : ceux qui fonctionnent comme des objets sécuritaires et ceux qui exigent la manipulation de la part des humains, confiés aux personnels de sécurité.

Dans la première catégorie, nous trouvons du mobilier urbain défensif, comme des blocs béton, barrières, plots, cloisonnements, grilles etc., ainsi que la mobilisation de techniques de prévention situationnelle, telle la fermeture des recoins, la gestion des flux ou la configuration d’espaces facilitant le contrôle, lesquels sont par ailleurs déjà déployés à des fins de lutte contre les incivilités. Dans la deuxième catégorie, nous avons les armes et l’équipement militaire, les caméras de surveillance, les détecteurs de métaux, etc. Dans les deux cas, ces dispositifs peuvent être stables et permanents comme d’usage occasionnel et mobile. Par exemple, les blocs béton ou les barrières peuvent être posés dans une rue en cas d’événement culturel ou de manifestation. Ils peuvent plus ou moins s’assimiler à l’espace, sur le plan formel, (Lecoquierre et Tréguer, 2021[68]Lecoquierre M, Tréguer F. (2021). « Villes sous contrôle et technologisation du maintien de l’ordre. Entretien avec Félix Tréguer », Carnets de géographes, no 15 [En ligne), de sorte à camoufler leur existence (comme en témoigne l’exemple des caméras de surveillance), où à déguiser leur intention primaire de sécuriser (comme dans le cas des pots de fleurs géants, qui proposent une manière douce de bloquer une voiture « folle[69]Nous faisons référence ici à des entretiens réalisés suivant la méthode des itinéraires (Petiteau JY. (2001). La méthode des itinéraires : récits et parcours, dans Grosjean M, Thibaud JP, L’espace urbain en méthodes, Marseille, Parenthèses, p. 63-77.) avec des habitants d’Île-de-France et de la métropole de Nice, dont les résultats préliminaires démontrent que les citoyens ne voient pas ces objets comme des dispositifs sécuritaires, mais comme des tentatives des autorités publiques d’embellir et de rendre l’espace public plus esthétiquement plaisant. En ce qui concerne l’adjectif « folle » caractérisant une voiture qui fonce sur des passants, il est souvent utilisé par les enquêtés afin de décrire une (tentative d’) attaque terroriste par véhicule automobile. », photo 1). Ainsi, la performativité défensive de ces objets initialement bruts et massifs se voit progressivement substituée par un signal d’embellissement et de convivialité, afin de renouveler les formes de légitimation de leur présence. Cette évolution du discours porté par les objets, illustre un glissement du sécuritaire vers l’utile et l’heureux, mais traduit aussi un enjeu de limitation des supports « anxiogènes[70]Les enquêtés mobilisent souvent ce mot afin de qualifier les effets des dispositifs sécuritaires sur leur état émotionnel. » dans l’espace public urbain. Dans le même sens, la période succédant aux attentats de l’année 2015 en région parisienne a été également marquée par un ordre, émis par le préfet de Police de Paris, de modération de l’usage des avertisseurs sonores « deux-tons » qui équipent les véhicules des forces de l’ordre et des secours (Barroux, 2017[71]Barroux R. (2017). « Le préfet de police de Paris met en garde contre l’usage abusif des sirènes “deux tons” », Le Monde.fr, 17 juillet [En ligne). Prise en mai 2016, cette mesure sonore vise à limiter l’anxiété générée par ce type d’alertes, dans un territoire aux ambiances marquées par une prolifération des sirènes de tous ordres, particulièrement aux moments des attentats puis dans le post-attentat immédiat. Alors que les manifestations de certains objets sécuritaires diminuent, nous constatons une monstration et une mise en scène des armes portées par les militaires et les gendarmes en patrouille : la taille des fusils « objets de tous les regards » (Oldra, 2017[72]Oldra A. (2017). « Agencer les corps et articuler les situations », Sens public, no 1271 [En ligne) les rend remarquables et observables, au contraire des pistolets des policiers classiques[73]Les habitants sollicités dans le cadre de la recherche commentent tous et toutes la taille remarquable des armes portées par les militaires et les gendarmes : ils reviennent tous et toutes sur l’objet pour souligner leur étonnement d’un équipement militaire en ville et leur peur de celui-ci comme objet létal..

Photo 1. Pots de fleurs géants, Gare Saint-Lazare, 21 février 2022 (cliché A. Drongiti).

À côté de ces mesures humaines et matérielles, des affiches, des campagnes d’information et de sensibilisation, des discours sur l’antiterrorisme trouvent leur place dans l’espace urbain à sécuriser : des portes d’entrée des bâtiments, des musées, des écoles, de lieux de culte ; les salles et les couloirs des bâtiments publics ; des panneaux d’affichage de circulation routière ; des écrans des gares et des aéroports censés informer sur les horaires, départs et arrivées des trains. Il s’agit d’une variété d’éléments symboliques qui ont des couleurs et des sonorisations différentes et spécifiques. Ces signaux d’alerte servent aussi à passer le message que l’espace en question est un espace réfléchi du point de vue de la sécurité, mais aussi à « développer la culture de la vigilance » (SGDSN, 2014[74]Op. cit.) et renforcer le sentiment de sécurité.

Si ces dispositifs et pratiques sécuritaires devraient être a priori éphémères, leur durée de vie n’est pas clairement définie. Comme nous assistons, au plan juridique, à un versement du régime d’exception de l’état d’urgence dans le droit commun (Hennette-Vauchez, 2022[75]Hennette-Vauchez S. (2022). La Démocratie en état d’urgence : quand l’exception devient permanente, Paris, Éditions du Seuil. ; Guittet, Mégie et Weill, 2021[76]Guittet EP, Mégie A, Weill S. (2021). « Ce que la “guerre au terrorisme” fait à la justice », Cultures & conflits, no 123‑124, p. 95‑103.), il apparait que des mesures liées à cet état perdurent aussi en ce qui concerne l’aménagement urbain, dans l’actualisation des pratiques de sécurité, comme dans la gestion des conduites. Des traces des crises passées demeurent, comme en témoignent des « ruines » de la sécurisation – tels des blocs béton posés çà et là, et semblant ne plus être amenés à bouger –, les affiches du plan Vigipirate dont la visibilité n’est plus remise en question, de même que les patrouilles de la mission Sentinelle dont le désengagement n’a jamais été abordé (Oldra, 2019[77]Op. cit.).

En fonction des contextes et des histoires nationales, les types d’attentat, comme les réponses qui ont pu être apportées, prennent des formes multiples, allant de l’idée de ne rien changer aux pratiques comme au cadre législatif (comme ce fut le cas après les attaques d’Oslo et d’Utøya, le 22 juillet 2011 en Norvège), à l’exacerbation de tous types de mesures législatives, policières, militaires et matérielles dans l’espace urbain (comme en témoigne la « guerre contre le terrorisme » mise en œuvre aux USA suite aux attentats du 11 septembre 2001). Les exemples cités ici se concentrent sur les mesures matérielles, symboliques et humaines, car ce sont celles qui laissent les marques les plus visibles en ville, bien que les modalités de réponse aux attentats passés ne se traduisent pas de façon identique quel que soit le contexte géographique et historique. Ainsi, les modifications de l’espace, comme l’évolution des pratiques militarisées et la reconfiguration des acteurs qui les produisent, demeurent, bien qu’elles ne répondent qu’à certaines formes d’attaques potentielles. En revanche, on constate dans l’enquête en cours que la « peur » du terrorisme et les changements de pratiques ne sont en rien évidents, bien qu’ils contribuent à changer des modes de relation aux lieux, pratiques et affects, ce que nous allons développer dans la partie suivante.

Appréhender les dimensions sensibles et corporelles
des logiques sécuritaires urbaines

Au-delà des changements matériels, visibles et symboliques, de quelle manière l’après-crise terroriste reconfigure-t-elle les espaces et les pratiques sur un temps long – lequel se manifeste sur des registres qui débordent ceux du visible et du dicible ? L’enjeu d’une telle question est double. Premièrement, il s’agit de prolonger, sur le plan thématique, une piste que les travaux s’intéressant à la relation entre villes et terrorisme n’ont pour l’instant que peu abordée, comme en témoignent les parties précédentes. Deuxièmement, il s’agit de questionner l’hypothèse indiquant qu’au-delà des apparences, ce qui a potentiellement évolué depuis les attentats dépasse les limites de l’observable, car cela se niche dans les prises aux corps et concerne un niveau « infra-ordinaire ».

Pour apporter des réponses à cette question, nous proposons de mobiliser la notion d’ambiance. Définissables comme « qualité de la situation » (Thibaud, 2004[78]Thibaud JP. (2004). « De la qualité diffuse aux ambiances situées », Raisons Pratiques, La croyance et l’enquête, n° 14, p. 227-253.), les ambiances permettent de poser frontalement la question du rapport des individus à leur environnement, par l’intermédiaire d’une approche attentive à ses dimensions matérielles, sensibles et sociales considérées comme coévolutives et inséparables. Complémentaire, l’approche issue de la géographie anglophone des affective atmospheres permet de compléter cette triple attention par la mobilisation des affects et émotions associées à ces situations (Kazig et Masson, 2015[79]Kazig R, Masson D. (2015). « L’ambiance comme concept de la géographie culturelle francophone : défis et perspectives », Géographie et cultures, no 93‑94, p. 215-232.). Ainsi, par la saisie de l’arrière-plan sensible des pratiques urbaines ordinaires, notre enjeu est de comprendre le rapport des individus à une situation (le retour à la vie urbaine ordinaire après les attentats) dont la saillance s’amoindrit avec la distance temporelle aux événements.

Articulant des dimensions matérielles, humaines et symboliques, les dispositifs sécuritaires urbains s’inscrivent plus largement au sein de logiques de contrôle qui touchent directement aux corps des habitants et usagers des espaces publics. Par exemple, la pratique de la fouille des sacs est apparue dans les villes françaises au cours des trois années suivant les attentats de 2015. Elle suit un triple objectif de sécurisation, d’actualisation d’une culture de la vigilance, et de création de sentiment de sécurité. Sa diffusion est épisodique, à des moments et sur des territoires distincts. Elle dépend de décisions préfectorales et concerne un ensemble de lieux ouverts au public jugés comme stratégiques au plan de la sécurité, tels les centres commerciaux, les lieux culturels, services publics, etc. à l’exception remarquable des transports collectifs urbains, ce, en raison de l’impossibilité pratique d’une logique de fouille de millions de voyageurs quotidiens. Réalisées par des agents issus de sociétés de sécurité privées, ces fouilles s’apparentent à un « contrôle intégral[80]Selon l’expression prononcée par un professionnel de la sécurité des lieux recevant du public, lors d’un entretien réalisé dans le cadre de la recherche. », qui implique un filtrage de l’ensemble des entrées et sorties d’un périmètre déterminé. Il peut également s’agir de fouilles dites « aléatoires », lesquelles sont fondées sur des logiques de profilage non explicites et discutables (Jobard et al., 2012[81]Jobard F, Lévy R, Lamberth J, Névanen S. (2012). « Mesurer les discriminations selon l’apparence : une analyse des contrôles d’identité à Paris », Population, n° 3(67), p. 423-451.). Elles se réalisent au plus près des corps, impliquent une modification des flux, et témoignent de l’inscription quotidienne de logiques de négociation et de médiation entre opérateurs de sécurité et usagers d’espaces ouverts au public. Répétées au quotidien, ces prises au corps deviennent peu à peu des routines (Goffman, 1973[82]Goffman E. (1973). La mise en scène de la vie quotidienne, « I. La présentation de soi », Paris, Éditions de Minuit.). Contestées au moment de leur mise en place, elles sont néanmoins incorporées par les individus au point de voir leur retrait questionné, ce dont témoignent nos entretiens exploratoires.

Au Royaume-Uni, on observe un débordement de ces logiques de contrôle sur l’espace public ordinaire. En plus d’être équipées de plots ou de blocs de béton anti-véhicule bélier, certaines rues piétonnes de centre-ville se voient dotées de dispositifs de filtrage des passants prenant la forme d’imposants portiques, aux largeurs calibrées de sorte à laisser suffisamment de place à hauteur d’épaules à un adulte de taille moyenne (photo 2), tel que cela est visible à Birmingham. Ces portiques facilitent le contrôle visuel par les forces de l’ordre, sur place ou par l’entremise de caméras pointées sur ces goulots de passage. Leur installation permet la définition de secteurs entiers de l’espace public piétonnier sous contrôle. Bien qu’imposants physiquement comme symboliquement, la régulation du fonctionnement de ces dispositifs se fonde néanmoins sur l’application d’une règle tacite qui est celle du refus a priori du contact tactile et corporel de celles et ceux qui le traversent, forcés de se toucher en cas de croisement sous le portique. Par là même, ces équipements, qui forcent la vitesse des pas et qui imposent des directions aux corps, forment une contrainte qui, parce qu’en concurrence avec celle de préserver son espace intime (Hall, 1971[83]Hall ET. (1971). La dimension cachée, Paris, Seuil.), se retrouve peu contestée.

Photo 2. Portique de filtrage des passants, Birmingham, Royaume-Uni, 13 juin 2022 (cliché A. Drongiti).

Ainsi, note-t-on que les réponses institutionnelles aux crises terroristes marquent de façon notoire et durable les espaces urbains. Surtout, ces manifestations qui dérivent des logiques de sécurisation des villes agissent au plus près des corps et sont susceptibles de modifier les interactions sociales comme les tonalités affectives. Elles sont également prescriptrices de modes de rapport aux lieux, comme d’usages qui témoignent de logiques d’incorporation ordinaires des sécurités, lesquelles s’actualisent autant dans les gestes, routines sensibles et conduites, que dans l’application scrupuleuse des règles explicites des lieux (Masson, 2022[84]Masson D. (2022). « Comment bouge-t-on en public ? Exploration des relations entre régimes de publicité et dispositions corporelles situées », dans Fleury A, Fretigny JB, Kanellopoulou D, Les espaces publics à l’épreuve des mobilités, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, p. 43-55.).

Cet exemple illustre le potentiel analytique d’une approche par les ambiances, qui souligne l’importance de la prise en compte des pratiques, des sensibilités et des affects pour la compréhension de situations, puissent-elles être marquées par des enjeux politiques et historiques. Notre recherche en cours développe ainsi une approche holistique[85]Cf. note 3. qui vise à prendre en considération la multiplicité des éléments mentionnés précédemment, de sorte à dépasser la qualification des marques visibles que laissent les crises terroristes urbaines, et accéder à d’autres inflexions, plus fines, moins manifestes, pourtant bien présentes, et qui opèrent tant dans les manières de produire l’espace urbain que dans les expériences quotidiennes qu’en font ses habitants.

Conclusion

Le déploiement des dispositifs antiterroristes urbains renvoie souvent à la militarisation telle qu’elle est décrite dans les sciences sociales : il s’agit d’un « processus progressif par lequel une personne ou une chose en vient peu à peu à être contrôlée par l’armée ou vient à dépendre, pour son bien-être, d’idées militaristes » (Enloe, 2016[86]Enloe C. (2016). Faire marcher les femmes au pas ? Regards féministes sur le militarisme mondial, Blajan, Solanhets.). Ainsi, afin de répondre à un problème social et civil, les pouvoirs publics optent pour des mesures inspirées par les institutions militaires. Dans cette perspective, les discours politiques et médiatiques présentant l’antiterrorisme comme une « guerre contre le terrorisme[87]Comme G. Darmanin, dans Le Figaro (27/09/2020  » rendent légitimes une série d’actions qui impliquent l’usage de la force, la (ré)organisation des armées, et des réformes institutionnelles et économiques pour soutenir les institutions militaires (Lutz, 2002[88]Lutz C. (2002). « Making war at home in the United States: Militarization and the current crisis », American Anthropologist, n° 104(3), p. 723‑735.). Quels liens se tissent entre les façons de nommer et de faire la sécurité urbaine ? Cette question mérite d’être creusée car, comme nous l’avons indiqué plus haut, le terrorisme se distingue de la guerre dite classique et, en même temps, ces observations nous amènent à questionner la relation duale du terrorisme et de l’antiterrorisme. Peut-on comprendre ces tentatives sécuritaires comme une pratique d’urbanisme militarisé, telle que l’a décrite Graham (2004[89]Graham S (dir.). (2004). Cities, war, and terrorism: towards an urban geopolitics, Malden, Blackwell Publishing.) ? Est-ce que l’apparition de ces objets, des manières de faire, des hommes armés, est constitutive de la production d’une ville à la fois sécure et d’apparence sécurisée (Azzi, 2017[90]Azzi VF. (2017). « Security for show? The militarisation of public space in light of the 2016 Rio Olympic Games », Contexto Internacional, n° 39(3), p. 589‑607.) ? De quelle façon peut-on qualifier les expériences après ces événements choquants et traumatiques sans les considérer comme des faits neutres, tout en prenant en compte leurs effets sur les esprits, les corps, les pratiques et les émotions des personnes qui vivent (dans) la ville, ainsi que sur les espaces des villes ?

Ces questions nécessitent d’être examinées plus amplement par la mobilisation d’études de cas qui permettront de développer nos observations initiales mais aussi de délimiter les spécificités des réponses locales comme des modes de vie qui les accompagnent. À ce titre, l’intérêt d’une approche par les ambiances, au-delà de fournir des ressources pour la description fine des situations sensibles, est aussi de proposer un appareillage méthodologique apte à enquêter aux limites du visible, ce qui parait particulièrement important face à un problème dont on se demande si les types de réponses qui y sont apportées n’ont pas vocation à masquer la forêt des problèmes qu’elles n’interrogent pas. Si nous pouvons identifier à l’heure actuelle des pratiques visiblement issues du domaine militaire (mobilier défensif, militaires en uniforme, armes, contrôles), les conséquences tangibles de ces stratégies, en particulier en termes d’ambiances, restent à éclaircir, bien qu’il apparaisse déjà qu’elles se traduisent davantage par une réactualisation des usages corporels situés que par la reconfiguration sensible des lieux. Ainsi, il reste indispensable d’étudier les manières selon lesquelles les habitants des villes ressentent et vivent ces changements. Par ailleurs, si la militarisation de l’espace urbain est un effet de la sécurisation de la ville militarisée face aux attentats potentiels, nous pouvons supposer qu’elle marque durablement les manières de produire l’espace. En particulier, l’antiterrorisme, tel qu’il est pensé (comme une guerre) et mis en place (comme une intervention relevant d’un régime de type militaire) en ce qu’il influence et affecte les cadres sensibles de l’expérience, ne tord-il pas la production de l’espace public sous les enjeux d’une symbolique sécuritaire qui questionne ses usages de convivialité, d’accueil de la diversité des pratiques, comme de contestation, en bref, son rôle d’agora ?


[1] Ce texte ne développe ainsi pas d’étude de cas détaillée. Le propos est néanmoins étayé par la mobilisation de différents exemples issus d’observations faites à l’occasion d’un contrat de recherche européen en cours de réalisation, intitulé Atmospheres of (Counter)Terrorism in European Cities, réalisée dans le cadre du programme européen ORA 6e édition, cofinancée par l’Agence nationale de la recherche (décision ANR : 20-ORAR-0006-01), la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG : PN 440838216) et le Economic and Social Research Council (ESRC : ES/V01353X/1). Le travail empirique de cette recherche articule des monographies d’espaces urbains avec des entretiens auprès d’acteurs de la production et de la gestion urbaine, des acteurs de la sécurité civile, et des ethnographies sensibles et sociales.

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[35] Hecker M. (2017). « Le djihadisme en France : esquisse de typologie », Sécurité et stratégie, n° 28(4), p. 22-27.

[36] Bauer A, Bruguiere JL. (2010). Les 100 mots du terrorisme, Que sais-je ?, Paris, Presses Universitaires de France.

[37] Baranger T, Bonelli L, Pichaud F. (2017). « La justice des mineurs et les affaires de terrorisme », Les Cahiers de la Justice, n° 2(2), p. 253-264.

[38] Bonelli L, Carrié F. (2018). La fabrique de la radicalité : une sociologie des jeunes djihadistes français, Paris, Éditions du Seuil.

[39] Sakhi M. (2018). « Terrorisme et radicalisation : une anthropologie de l’exception politique », Journal des anthropologues, n° 154‑155, p. 161-181.

[40] Coaffee J. (2003). Terrorism, risk, and the city: The making of a contemporary urban landscape, Aldershot, Hants.

[41] Fregonese S. (2017). « Affective atmospheres, urban geopolitics and conflict (de)escalation in Beirut », Political Geography, n° 61, p. 1‑10.

[42] Landauer P. (2009). L’architecte, la ville et la sécurité, Paris, Librairie Eyrolles.

[43] Newman O. (1973). Defensible space: Crime prevention through urban design, Londres, MacMillan Publishing Company.

[44] Féron É. (2003). « La représentation médiatique du phénomène terroriste : quelques enseignements du cas nord-irlandais », Topique, n° 83(2), p. 135-147.

[45] Truc G, Le Bart C, Née É. (2018). Discours post-attentats, Paris, ENS Éditions.

[46] Op. cit.

[47] Hergon F. (2021). « The state of emergency at home: House arrests, house searches, and intimacies in France », Conflict and Society, n° 7(1), p. 42‑59.

[48] Op. cit.

[49] Laketa S. (2021). « (Counter)terrorism and the intimate: Bodies, affect, power », Conflict and Society, n° 7(1), p. 9‑25.

[50] Pain R. (2014). « Everyday terrorism: Connecting domestic violence and global terrorism », Progress in Human Geography, n° 4(38), p. 531-550.

[51] Fredrickson BL, Tugade MM, Waugh CE, Larkin GR. (2003). « What good are positive emotions in crisis? A prospective study of resilience and emotions following the terrorist attacks on the United States on September 11th, 2001 », Journal of Personality and Social Psychology, n° 84(2), p. 365‑376.

[52] Åhäll L, Gregory TA. (2013). « Security, emotions, affect », Critical Studies on Security, n° 1(1), p. 117‑120.

[53] Gensburger S. (2017). Mémoire vive : chroniques d’un quartier : Bataclan 2015-2016, Paris, Anamosa.

[54] Op. cit.

[55] Op. cit.

[56] Meroueh S. (2020). « Commémorer les défunts par corps : tatouages post-attentat et deuil collectif à Manchester », Sensibilités, n° 8(2), p. 66‑77.

[57] Op. cit.

[58] Codaccioni V. (2015). Justice d’exception. L’État face aux crimes politiques et terroristes, Paris, CNRS Éditions.

[59] Christensen T, Laegreid P, Rykkja LH. (2015). « Les problèmes de coordination dans la gestion de la sécurité nationale – Le cas des attentats terroristes en Norvège », Revue internationale des sciences administratives, n° 2(81), p. 367‑388.

[60] Op. cit.

[61] Ait-Youssef D, Farde G. (2017). « L’armement des agents privés de sécurité en France : avancée juridique et aubaine économique ? », Sécurité et stratégie, n° 27(3), p. 42‑51.

[62] Huberson S, Vraie B. (2017). « Loisir et culture : la sécurisation des sites sensibles », Sécurité et stratégie, n° 27(3), p. 32-39.

[63] Il s’agit de la SUGE (Surveillance Générale) pour les territoires de la SNCF, et de la Sûreté RATP pour ceux de cette régie.

[64] Oldra A. (2019). « Spatialités individuelles et jeux de places dans l’espace public urbain : de quelques perspectives géographiques à propos des militaires en opération Vigipirate/Sentinelle », thèse en géographie, sous la direction de André-Frédéric Hoyaux, Université Bordeaux 3.

[65] Op. cit.

[66] Picaud M. (2021a). « Peur sur la ville. La sécurité numérique pour l’espace urbain en France », working paper de la chaire « Villes et numérique », Paris, Sciences Po, École urbaine.

[67] Picaud M. (2021). « Mettre en marché les peurs urbaines : le développement des “safe cities” numériques », dans Senik C, Sociétés en danger : menaces et peurs, perceptions et réactions, Paris, La Découverte, p. 139-156. [En ligne].

[68] Lecoquierre M, Tréguer F. (2021b). « Villes sous contrôle et technologisation du maintien de l’ordre. Entretien avec Félix Tréguer », Carnets de géographes, no 15 [En ligne].

[69] Nous faisons référence ici à des entretiens réalisés suivant la méthode des itinéraires (Petiteau JY. (2001). La méthode des itinéraires : récits et parcours, dans Grosjean M, Thibaud JP, L’espace urbain en méthodes, Marseille, Parenthèses, p. 63-77.) avec des habitants d’Île-de-France et de la métropole de Nice, dont les résultats préliminaires démontrent que les citoyens ne voient pas ces objets comme des dispositifs sécuritaires, mais comme des tentatives des autorités publiques d’embellir et de rendre l’espace public plus esthétiquement plaisant. En ce qui concerne l’adjectif « folle » caractérisant une voiture qui fonce sur des passants, il est souvent utilisé par les enquêtés afin de décrire une [tentative d’]attaque terroriste par véhicule automobile.

[70] Les enquêtés mobilisent souvent ce mot afin de qualifier les effets des dispositifs sécuritaires sur leur état émotionnel.

[71] Barroux R. (2017). « Le préfet de police de Paris met en garde contre l’usage abusif des sirènes “deux tons” », Le Monde.fr, 17 juillet [En ligne].

[72] Oldra A. (2017). « Agencer les corps et articuler les situations », Sens public, no 1271 [En ligne].

[73] Les habitants sollicités dans le cadre de la recherche commentent tous et toutes la taille remarquable des armes portées par les militaires et les gendarmes : ils reviennent tous et toutes sur l’objet pour souligner leur étonnement d’un équipement militaire en ville et leur peur de celui-ci comme objet létal.

[74] Op. cit.

[75] Hennette-Vauchez S. (2022). La Démocratie en état d’urgence : quand l’exception devient permanente, Paris, Éditions du Seuil.

[76] Guittet EP, Mégie A, Weill S. (2021). « Ce que la “guerre au terrorisme” fait à la justice », Cultures & conflits, no 123‑124, p. 95‑103.

[77] Op. cit.

[78] Thibaud JP. (2004). « De la qualité diffuse aux ambiances situées », Raisons Pratiques, La croyance et l’enquête, n° 14, p. 227-253.

[79] Kazig R, Masson D. (2015). « L’ambiance comme concept de la géographie culturelle francophone : défis et perspectives », Géographie et cultures, no 93‑94, p. 215-232.

[80] Selon l’expression prononcée par un professionnel de la sécurité des lieux recevant du public, lors d’un entretien réalisé dans le cadre de la recherche.

[81] Jobard F, Lévy R, Lamberth J, Névanen S. (2012). « Mesurer les discriminations selon l’apparence : une analyse des contrôles d’identité à Paris », Population, n° 3(67), p. 423-451.

[82] Goffman E. (1973). La mise en scène de la vie quotidienne, « I. La présentation de soi », Paris, Éditions de Minuit.

[83] Hall ET. (1971). La dimension cachée, Paris, Seuil.

[84] Masson D. (2022). « Comment bouge-t-on en public ? Exploration des relations entre régimes de publicité et dispositions corporelles situées », dans Fleury A, Fretigny JB, Kanellopoulou D, Les espaces publics à l’épreuve des mobilités, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, p. 43-55.

[85] Cf. note 3.

[86] Enloe C. (2016). Faire marcher les femmes au pas ? Regards féministes sur le militarisme mondial, Blajan, Solanhets.

[87] Comme G. Darmanin, dans Le Figaro (27/09/2020) ; L’expression a été mobilisée sous cette forme par le président des États-Unis, George Bush, pour décrire la campagne militaire en Afghanistan pour la destruction d’Al-Quaida.

[88] Lutz C. (2002). « Making war at home in the United States: Militarization and the current crisis », American Anthropologist, n° 104(3), p. 723‑735.

[89] Graham S (dir.). (2004). Cities, war, and terrorism: towards an urban geopolitics, Malden, Blackwell Publishing.

[90] Azzi VF. (2017). « Security for show? The militarisation of public space in light of the 2016 Rio Olympic Games », Contexto Internacional, n° 39(3), p. 589‑607.