janvier 2018
Transition énergétique
Vers un urbanisme orienté énergie ?
La transition énergétique
face aux épreuves de sa territorialisation
dans une ville moyenne
Vers un urbanisme orienté énergie ? La transition énergétique face aux épreuves de sa territorialisation dans une ville moyenne,
Riurba no
5, janvier 2018.
URL : https://www.riurba.review/article/05-transition/energie/
Article publié le 1er janv. 2018
- Abstract
- Résumé
Towards an energy-oriented town planning? The challenges of territorialisation of the energy transition in a medium-sized town
The generalization of injunctions to implement and making the energy transition in territories are followed by practices strongly differentiated regard to the characteristics of these territories, the anteriority or not of devices of production of renewable energy. But what is the situation of medium-sized towns, which are often described to be deficient in territorial engineering and undergoing more by inherited sociopolitical inertias? Are they less efficient than the metropolitan areas? Unlike this idea, this paper explore, from a medium-sized agglomeration (Saint-Brieuc) in Brittany, France, the capacity of some of these territories to experiment with technical solutions leading them towards an energy-oriented development. From a review of some local situations of territorialization of the energy, it demonstrates that this experimental condition act out less conflicts between actors than design by technical errors in planning. In the miss of operational success, the deployment of technical object is a collective learning operators and transform of professional and technical cultures.
La généralisation des injonctions à la transition énergétique est suivie de pratiques et de formes de réception fortement différenciées suivant les caractéristiques des territoires concernés, l’antériorité ou non de dispositifs de production d’énergie renouvelable. Dans ce domaine, les villes moyennes, qu’on dit souvent déficientes en ingénieries territoriales et plus marquées par des inerties sociopolitiques héritées, sont-elles pour autant plus mal loties que les métropoles ? À rebours de cette idée, cet article démontre, à partir d’une agglomération moyenne (Saint-Brieuc) en région Bretagne, en France, la capacité de certains de ces territoires à expérimenter des solutions techniques les conduisant vers un urbanisme orienté énergie. À partir d’une relecture de quelques épreuves locales de territorialisation de la question énergétique, il démontre que cette condition expérimentale est moins faite de conflits d’acteurs que d’aléas techniques. À défaut d’être des succès opérationnels, les dispositifs techniques (projet) constituent des opérateurs d’apprentissage collectifs et de transformation des cultures professionnelles et techniques.
post->ID de l’article : 4208 • Résumé en_US : 4227 • Résumé fr_FR : 4224 •
Introduction
En France, la transformation des collectivités en opérateurs de production d’énergie a des effets non négligeables sur l’aménagement et l’urbanisme, leurs méthodes autant que leurs visions. Jusque-là, dans le contexte de l’aménagement opérationnel, cette question se posait à l’occasion de la planification d’un nouveau quartier corrélativement à celle d’un réseau de chaleur existant ou futur, en lien avec des enjeux plus larges d’adaptation des villes au développement durable (Dumont et Andrieu, 2006[1]Dumont M, Andrieu D. (2006). « Qualité urbaine et ville durable à l’épreuve du renouvellement urbain. L’exemple du Grand Projet de Ville Malakoff Pré Gauchet à Nantes », Norois, vol. 198, n° 1, p. 7-19.). Progressivement, l’irruption de la question énergétique en aménagement s’est aussi généralisée à travers l’engagement opérationnel de sites de production d’énergie ou de la distribution de l’énergie (Souami, 2009[2]Souami T. (2009). « Conceptions et représentations du territoire énergétique dans les quartiers durables », Flux, vol. 76-77, n° 2, p. 71-81.). Pour autant, la planification d’un site de production d’énergie ne se limite pas aux débats et enjeux d’implantation et de rentabilité d’un objet technique. La notion même de planification énergétique, très opérationnelle et dont on constate le succès actuel, se situant à l’articulation des problématiques d’énergie et d’urbanisme, mérite d’être questionnée. Loin de constituer un dispositif formalisé, clairvoyant, appuyé sur des outils règlementaires, des intentions et des visées précises, elle pourrait se révéler en action, comme une forme de planification nettement plus incrémentale, tâtonnante, expérimentale, suivant en cela certaines évolutions et nouvelles modalités constatées du projet en urbanisme (Delebarre et Dugua, 2017[3]Delebarre M, Dugua B (dir.). (2017). Faire la ville par le projet, Lausanne, PPUR, 432 p.).
Le second domaine concerné par cette transformation du rôle des collectivités vis-à-vis de l’énergie est celui de leur engagement dans la transition énergétique des territoires, conçue comme mot d’ordre des politiques publiques. Bien que souvent abordée en termes de gouvernance et logique d’acteurs (Mor, 2015[4]Mor E. (2015). « La transition énergétique urbaine : vers une reconfiguration multi-niveaux des systèmes de gouvernance et des systèmes énergétiques ? Deux études de cas contrastées : Bristol (Royaume-Uni) et Munich (Allemagne) », thèse de doctorat en urbanisme-aménagement, sous la direction de Cyria Emelianoff et de Jacques Chevalier, université du Maine.), la transition énergétique ne se limite pas à « l’intégration », l’application ou l’adaptation à différents niveaux (territoire, ville, bâtiment) de nouvelles normes techniques, ainsi qu’à leur perception, leur réception sociologique ou encore à l’affirmation de la lutte contre les nouvelles inégalités dans l’habitat (Christen et Hamman, 2015[5]Christen G, Hamman P. (2015). Transition énergétique et inégalités environnementales, énergies renouvelables et implications citoyennes en Alsace, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 228 p.). Ainsi, la question reste ouverte de déterminer si les dispositifs de résorption de la précarité énergétique ou le déploiement de nouveaux sites de production d’énergie renouvelable viennent ou non enclencher (ou se caler sur) un urbanisme d’un nouveau type repensé par l’énergie, un urbanisme « orienté énergie », lequel n’a pas été véritablement formalisé, au moins sur un plan strictement scientifique, sinon de façon plus large, par exemple dans une réflexion sur les conceptions « orientées résilience » du développement urbain (Yamagata et Sharifi, 2018[6]Yamagata Y, Sharifi A (dir). (2018). Resilience-Oriented Urban Planning. Theoretical and Empirical Insights, Springer International, 540 p.). Par urbanisme et planification, on entend ici recouvrir une réalité nettement plus extensive que celle strictement règlementaire ou liée au seul déploiement de réseaux techniques, et se traduisant dans des stratégies de conception de formes urbaines en lien avec celle de réseaux et de sites de production (Salat et Nowacki, 2010[7]Salat S, Nowacki C. (2010). « Repenser la ville, sa forme, ses flux », dans Regards sur la Terre 2010. Villes : changer de trajectoire, Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.), chapitre 5, p. 140-148.).
Sur ce plan, rejoignant les incitations récurrentes de recherches portant sur la transition socio-écologique des territoires (Émelianoff, 2011[8]Émelianoff C. (2011). « Les pouvoirs locaux dans la mondialisation écologique. Remodeler l’environnement planétaire et urbain », diplôme d’Habilitation à Diriger des Recherche (HDR), université du Maine, 325 p.), de très bons travaux ont appelé à éclairer les dynamiques décentralisées de gouvernance des politiques de l’énergie dans le domaine urbain, autour d’expériences locales, et à être attentif entre autres au rôle des territoires ruraux et pas uniquement aux réseaux de ville. Ils notent que « la question urbaine renvoie aussi à celle de la gouvernance et de la capacité des acteurs de la ville d’engager celle-ci sur un sentier de croissance durable ou, de façon plus prosaïque, de sécuriser son approvisionnement énergétique. Cela peut se faire, dans le cas de l’électricité, par le renforcement des interconnexions avec les régions productrices comme par l’implantation à proximité de centrales. Cela peut aussi passer par des formes innovantes de gestion des réseaux de distribution et de stockage de l’énergie (électricité, chaleur) » (Labussière et Nadaï, 2015[9]Labussière O, Nadaï A. (2015). L’énergie des sciences sociales, nouvelle édition [en ligne], Paris, Alliance Athena, p. 129-145.). La mise en question de cette capacité d’acteurs locaux rejoint les analyses ayant démontré la pertinence de certaines échelles en matière de transition énergétique et d’urbanisme, croisant la matérialité des flux d’énergie et les modes de gouvernance, et identifiant les assemblages qui en résultent sous la forme de « nœud socio-énergétique » (Tabourdeau et Debizet, 2017[10]Tabourdeau A, Debizet G. (2017). « Concilier ressources in situ et grands réseaux : une lecture des proximités par la notion de nœud socio-énergétique », Flux, vol. 109-110, n° 3, p. 87-101.). Ces analyses ont aussi souligné qu’une des échelles, a priori plus efficiente que d’autres, serait celle du quartier, plus propice aux « innovations énergétiques urbaines », permettant de mettre en œuvre des projets urbains ambitieux sur le plan de la performance énergétique (Debizet, 2016[11]Debizet G. (2016). Scénarios de transition énergétique en ville. Acteurs, régulations, technologies, Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME), La Documentation française, 200 p.). Cette capacité reste cependant à questionner et à vérifier de façon plus systématique.
Reste également qu’à cet égard, à une échelle proprement urbaine, en dehors d’opérations ciblées largement travaillées par la recherche et dans la diffusion de bonnes pratiques, les territoires non métropolitains ou ruraux, comme le sont ceux des villes intermédiaires, petites ou moyennes, méritent pour leur singularité d’être observés et connus (Demazière, 2017[12]Demazière C. (2017). Le traitement des petites et moyennes villes par les études urbaines, Espaces et sociétés, vol. 168-169, n° 1, p. 17-30.) dans leurs pratiques en matière d’énergie. Or force est de constater qu’ils font encore bien peu l’objet d’analyses systématiques sinon ponctuelles (Richard 2016[13]Richard E. (2016). « Les villes moyennes face aux changements climatiques : nouveaux rôles et nouveaux enjeux pour un développement territorial durable », thèse de doctorat en géographie, université de Poitiers, 460 p.) par la littérature francophone, plus intéressée par les métropoles ou les espaces ruraux, ou sont traités par une intéressante littérature professionnelle (ADEME, PUCA, AMORCE…).
Ces différentes questions et enjeux de recherche sont à la base du présent article qui vise à apporter des connaissances sur ces trois sujets : celui des villes moyennes dans leur rapport à l’énergie, celui de la planification énergétique et celui de la territorialisation de l’énergie. L’objectif est d’y éclairer, à travers la présentation et l’analyse d’une étude de cas, certaines des épreuves rencontrées par la mise en œuvre concrète de la transition énergétique dans le cadre d’un territoire de ville moyenne.
Pour cela, cet article exploite, entre autres, les apports d’un travail de recherche et d’observation engagé au sein des services d’une structure (syndicat mixte Kerval Centre-Armor) ayant en charge le traitement des déchets sur le territoire de cinq intercommunalités dans le département des Côtes-d’Armor en France. Cette compétence de valorisation, stockage, incinération des déchets a conduit de façon croissante ce syndicat mixte, via le développement d’expérimentations, prototypes, sur le terrain de l’énergie. Cette nouvelle prise de compétence fera l’objet en tant que tel d’un aspect de cet article. La recherche portait sur les modalités de gestion, les exploitants de sites et prototypes en matière d’énergie, visant à expliciter sur la base de ces analyses, les freins et leviers d’actions.
Méthodologiquement, le travail d’enquête a associé un travail classique d’entretiens auprès d’acteurs public (élus, services techniques) et privés (entreprises) portant sur le développement de projets de production énergétique, avec un travail d’observation participante, mené de 2015 à 2018. Cette posture d’observation participante[14]Celle-ci est liée au cadre d’une thèse de doctorat financée par une convention Cifre avec l’Association nationale pour la recherche et technologie, qui a été le support d’une collaboration entre le syndicat mixte Kerval Centre-Armor, et l’unité mixte de recherche 6590 ESO. a d’abord permis d’enquêter sur une durée conséquente auprès d’un nombre significatif d’acteurs en voie de structuration et d’organisation autour de l’énergie (associations, décideurs, élus, industriels, etc.). Elle a également permis de suivre sur le long terme la mise en place d’une filière de consommation locale de Combustibles Solides de Récupération (CSR), autant de façon plus ponctuelle suivant les conjonctures, différents projets et réalisations à caractère opérationnel. En complément de ces deux protocoles d’enquête, l’immersion au quotidien au sein de la structure a rendu possible l’accumulation d’un matériau significatif constitué de pièces d’archives (rapports, comptes-rendus…) et d’échanges informels.
Dans un premier temps, nous reviendrons sur les enjeux de penser la relation entre l’urbanisme et la transition énergétique via une entrée par les territorialisations, en explicitant les caractéristiques du contexte de l’étude de cas. Si le second temps s’attachera à caractériser les logiques d’apprentissage, de test et d’erreur propres au régime expérimental de réalisation du site de production d’énergie concerné, le troisième temps reviendra sur les effets socio-institutionnels et certaines limites de ce régime expérimental, tâtonnant, de territorialisation de la question énergétique.
La question énergétique en contexte de ville moyenne
De la transition à la territorialisation de l’énergie
La question de la transition énergétique est traitée de façon plus ou moins directe par un large spectre de courants de recherche. L’un des principaux, mais aussi fortement discuté, est celui des approches par les transitions (sustainable transition studies), dont ont pu être relevées certaines des limites comme leur caractère peu spatial et donc territorial (Huguenin, 2017[15]Huguenin A. (2017). « Transition énergétique et territoire : une approche par le milieu valuateur », Géographie, économie, société, vol. 19, n° 1, p. 33-53.), ou leur dimension excessivement technocentrée (Audet, 2015[16]Audet R. (2015). Le champ des sustainability transitions : origines, analyses et pratiques de recherche, Cahiers de recherche sociologique, n° 58, p. 73-93.), entre autres choses. À ces deux réserves, on pourrait aussi ajouter celle concernant la perspective souvent très « macro » de ces courants de recherche peu sensibles à une approche localisée des transitions (Loorbach et Verbong, 2012[17]Loorbach D, Verbong G. (2012). “Is Governance of the Energy Transition a Reality, an Illusion or a Necessity?”, dans Loorbach D, Verbong G (dir.), Governing the Energy Transition. Reality, Illusion or Necessity, p. 317-335.). En revanche, la perspective socio-institutionnelle de ces courants nous semble féconde pour ouvrir vers des éclairages sur le passage de modalités de production de l’énergie centralisée à des formes décentralisées, sur le rôle de la gouvernance dans les transitions, ainsi que sur les facteurs d’inertie et de blocage (Loorbach, Frantzeskaki et Avelino, 2017[18]Loorbach D, Frantzeskaki N, Avelino F. (2017). “Sustainability Transitions Research: Transforming Science and Practice for Societal Change, Annual Review of Environment and Resources, n° 42(1), p. 599-626.). Peu de travaux cependant discutent de façon précise de la façon dont la transition énergétique comme référentiel et paradigme d’action publique éclaire la mise en adéquation de territoires sous l’effet de normalisations techniques successives et d’échelles différentes. Par ailleurs, force est de constater que les travaux interrogeant les intersections entre l’analyse des pratiques d’urbanisme non règlementaires ou de planification et celle de la transition énergétique restent très ténus (Emelianoff, 2008[19]Émelianoff C. (2008). « Enjeux et figures d’un tournant urbanistique en Europe », Annales des Mines. Responsabilité et environnement, vol. 52, n° 4, p. 15-20.) voire inexistants. Nombre de travaux se sont intéressés davantage au « paramètre » énergie dans les écoquartiers, à l’analyse des documents et démarches de planification, peu voire pas sur les opérations d’urbanisme. Enfin, en se focalisant sur le foisonnement de pratiques émergentes, à caractère associatif, aux marges des institutions, l’approche le plus souvent « bottom up » par la transition socio-écologique et plus largement la gouvernance environnementale (Bulkeley et Broto, 2012[20]Bulkeley H, Castan Broto V. (2012). “Government by experiment? Global cities and the governing of climate change”, dans Transactions of the Institut of British Geographer, Royal Geographical Society, p. 34-56.) ne restitue pas la façon dont la transition énergétique constitue aussi localement un perturbateur de type « top bottom » de relations de pouvoir et de transformation des pratiques institutionnelles. Cet article ne fait donc pas d’une approche par les transitions son entrée centrale, pour retenir plutôt la transition énergétique comme référentiel, injonction, voire attracteur, davantage que comme processus.
La raison tient au fait qu’autour de la transition énergétique se cristallisent une multitude de pratiques tantôt classiques et bien identifiées de planification, tantôt plus expérimentales à caractère institutionnel, et que celles-ci, peu documentées, méritent d’être éclairées. Il apparaît en ce sens important de comprendre de quelle façon, concrètement, le régime expérimental de l’action urbaine (Dumont, 2014[21]Dumont M. (2014). « L’expérimentation en aménagement urbain », université de Rennes, mémoire d’habilitation à diriger des recherches, 121 p. ; Hoffman, 2009[22]Hoffmann MJ. (2009). « Experimenting with Climate Governance », working paper, Congress Amsterdam Human Dimensions of Environmental Change (Agency Stream), 12 p.) se met en œuvre et se traduit aussi autrement que par des transformations des réglementations, ou des formes de gouvernance et des outils de planification dans un cadre énergétique. On privilégiera pour cela davantage une entrée par les attracteurs de l’énergie et des mécanismes de territorialisation. Ces attracteurs de l’énergie caractérisent des opérations intervenant dans un régime expérimental que nous définissons par trois caractéristiques :
l’absence de cadre stratégique préalable défini, ni horizon clairement esquissé de programmation ;
la capacité de ces situations à agréger des constellations d’acteurs n’ayant pas l’habitude de travailler ensemble et s’inscrivant dans un processus d’apprentissage collectif ;
une dynamique exploratoire et la façon dont un problème ciblé devient à la base d’une transformation plus profonde des façons d’aménager un territoire.
Pour partie seulement, ces situations expérimentales émergent et sont déterminées par des appels à projets de l’État, pour autre partie, d’opportunités locales fortuites. Localement, le déploiement de ces situations expérimentales suit quatre modèles que nous avons pu identifier[23]Un des apports du travail de recherche doctorale mentionné (cf. supra) est d’avoir pu identifier différents modèles de gestion de l’énergie dans l’aménagement du territoire et de gouvernance énergétique., et que synthétise la figure 1.
Si l’entrée par les épreuves de la planification énergétique en régime expérimental de l’action urbaine apparaît intéressante, c’est aussi parce qu’elle permet de dégager et identifier les caractéristiques des formes concrètes de territorialisation de l’énergie. Dans une acception différente de celle plus politique et institutionnelle de l’urbanisation de la question énergétique (Jaglin et Verdeil, 2013[24]Jaglin S, Verdeil E. (2013). « Énergie et villes des pays émergents : des transitions en question », introduction, Flux, vol. 93-94, n° 3, p. 7-18.), la notion de territorialisation a fait l’objet d’un nombre immense de travaux dont on peut extraire ici deux lignes directrices intéressantes.
La première porte sur l’irruption de la « proximité » dans l’action publique (Warin, 2004[25]Warin P. (2004). « La gestion de proximité à l’épreuve de politiques publiques en France », dans Jouve B, Booth P, Démocraties métropolitaines. Transformations de l’État et politiques urbaines au Canada, en France et en Grande-Bretagne, Presses de l’Université du Québec, p.195-215.), la territorialisation exprimant les recompositions du rôle de l’État en France, dans le cadre de vagues successives de décentralisation et de réforme territoriale (Négrier, 2003[26]Négrier E. (2003). « Politiques culturelles territoriales : dernier inventaire avant décentralisation ? », Annuaire des collectivités locales, tome 23, Les services publics locaux, p. 47-70.), l’émergence d’acteurs locaux dans un cadre d’administration publique renouvelée par l’émergence de formes de gouvernance. La territorialisation de l’énergie révèle une nouvelle étape dans ce processus de transformation des structures et des modalités d’exercice de l’action publique qu’éclaire la transition énergétique décentralisée des territoires.
La seconde fait de la territorialisation un mécanisme pluriel de transformation d’un territoire existant en « territoire de l’énergie » à travers trois forces identifiables :
l’émergence d’une planification énergétique (à travers des changements de destination de parcelles, de la définition d’espaces énergétiques dédiés) ;
le réinvestissement d’espaces délaissés ou de réseaux oubliés autant que l’expérimentation de dispositifs techniques ;
l’acquisition d’habitudes de travail, la montée en puissance de certains acteurs ou l’émergence de certains nouveaux remettant en questions certains périmètres de l’action publique.
À travers ces trois forces, et c’est une des hypothèses à la base du cas étudié plus loin, le rôle des modèles de référence autant que des réseaux socio-institutionnels locaux est déterminant.
Un quatrième mécanisme étroitement lié, mais que nous n’aborderons pas ici, est celui du domaine de « l’acceptation sociale », tant en termes d’utilisation des énergies, de perception et représentation de projets (paysage), que des formes de mobilisation collective dont peuvent régulièrement faire l’objet certains projets annoncés, auxquels s’est intéressée une large littérature.
Ces deux lignes d’investigation seront illustrées à travers les cas d’étude suivis et analysés dans le cadre d’une agglomération française, autour de la ville moyenne de Saint-Brieuc. Ils font état, entre autres, d’un travail d’observation de la mise en œuvre opérationnelle d’un projet de production d’énergie basé sur des combustibles issus de déchets du territoire (CSR) valorisables en énergie renouvelable, une énergie visant à être consommée localement. L’histoire même de la constitution de ce syndicat mixte de gestion et de traitement des déchets se transformant en opérateur d’énergie et en acteur central d’une réflexion sur un urbanisme orienté énergie mériterait en soi une chronique. Soulignons seulement ici que ce nouveau rôle intervient comme illustration d’une modalité « bottom up » de la territorialisation de l’énergie sur ce territoire face à un projet « top down » porté par l’État évoqué plus loin, de parc éolien off-shore. Cette situation de recherche en fait un bon prisme d’observation des différents jeux d’acteurs autant que des questions successives concernant le lien urbanisme/énergie à différentes échelles.
Appels à projet et perspectives de rebonds
pour un territoire en déclin démographique
et en déprise économique
Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), ville moyenne en léger déclin démographique, est actuellement encore emblématique d’une figure de la ville émergente décentrée en périphérie. Elle illustre un territoire littoral économiquement en déprise depuis une cinquantaine d’années, fondé sur une activité de petit port de pêche, n’accueillant plus aujourd’hui que quelques locomotives de l’industrie agro-alimentaire et métallurgique et une antenne de l’université de Rennes. En référence aux zones « difficiles » (Campagne, 2007[27]Campagne P. (2007). « Mondialisation et développement des zones intermédiaires du Maghreb. Quelques questions économiques et sociologiques », dans Hommage à Paul Pascon, colloque international « Devenir de la société rurale, développement économique et mobilité sociale », Rabat, IAV Hassan II.), le développement local de Saint-Brieuc tend à s’inscrire dans un mouvement de redynamisation, basé sur les dynamiques locales, les acteurs locaux, leurs initiatives et leurs stratégies endogènes ayant échappé à la planification dite « d’en haut », avec une approche a-spatiale (Landel et Koop, 2011[28]Landel PA, Koop K. (2011). De l’animation locale à l’ingénierie territoriale. Le développement local : mécanismes, stratégies et gouvernance, colloque de février, Agadir, Maroc.).
Jusqu’en 2010, la question de la production d’énergie renouvelable est peu signifiante sur le territoire de la baie de Saint-Brieuc. L’enjeu autant que les perspectives ouvertes par des projets énergétiques sont absents de la pratique et des discours de collectivités qui adoptent un rôle passif face à des projets ponctuels (chaudières, méthaniseurs, parcs photovoltaïques…) plus subis qu’autre chose. Un changement notable intervient en 2012, suite à la décision prise par l’État d’implanter sur le territoire un parc éolien off-shore, dans le cadre d’un appel d’offres lancé en 2011 visant à réaliser cinq parcs en mer sur le littoral français. Si l’irruption de ce projet n’a pas suscité de fortes réactions de la part d’associations locales bien qu’elles s’y soient rapidement opposées (la principale étant Gardez les caps), l’attitude des élus locaux fut nettement différente. Ceux-ci ont rapidement été associés aux services de l’État pour travailler sur la question — au demeurant à la fois très floue et très large — de « l’intégration » de ce projet dans le territoire. Cet enjeu d’intégration local via l’animation de débats, de réunions, etc., est porté par le consortium Aile Marine, lauréat de l’appel d’offres, qui représente néanmoins pour les acteurs locaux intéressés une structure bien externe au territoire briochin allant à l’encontre de la dynamique de territorialisation amorcée.
À travers ce processus technique et politique, l’intégration devient autant une question paysagère, culturelle, qu’une progressive immersion de la question énergétique dans les différents services techniques des collectivités, univers politiques locaux. Petit à petit, celle-ci infléchit leurs priorités et organigrammes au point de voir l’énergie se transformer en l’un des principaux dossiers structurant une gouvernance territoriale d’échelle intermédiaire : dépassant les intercommunalités, mais inférieure en périmètre au territoire du département, tout en composant aussi avec certains acteurs et services de la région Bretagne. Les parties prenantes de cette gouvernance se composent donc de l’Agence Locale de l’Énergie et du Climat (ALEC, Pays de Saint-Brieuc), du Syndicat Des Énergies (SDE 22), des représentants de l’État (DRÉAL), les services énergie et développement durable de Saint-Brieuc Armor Agglomération et de Lamballe Terre et Mer, etc. Un tel infléchissement, qui illustre bien l’injonction verticale à la transition énergétique mentionnée plus haut, se situe à la convergence de plusieurs facteurs.
Premièrement, un pari collectif pour les acteurs politiques, sur un effet de rebond pour un territoire en crise économique et sociale dans le contexte d’une ville moyenne centre traversée par de fortes disparités sociales. Le second facteur tient parallèlement à l’affirmation progressive dans l’action publique et particulièrement sensible localement, d’une gouvernance de seconde génération (Dumont, 2018[29]Dumont M. (2018). La structuration politique des périphéries urbaines. Réalités, perspectives, dans Rousseau M, Hure M, Retour sur vingt ans d’évolutions des modes d’action publique urbaine, Éditions du PUCA, p. 134-150.) à caractère réticulaire. Cette mutation s’amorce autant sous l’effet du milieu économique privé local qui s’empare d’opportunités offertes autant par des appels à projets européens, que dans un cadre national[30]Contexte national favorable au développement de projets à visée énergétique de par l’introduction progressive des concepts de développement durable et de transition énergétique dans les textes de politique nationale via la ministre Ségolène Royal sous le quinquennat de François Hollande, ouvrant sur la création de nombreux labels, subventions… avec l’impulsion par l’État de vagues successives d’appels à projets. Ces opportunités constituent des conditions favorables pour permettre à ce milieu de structurer leurs relations informelles en réseau et, de fait, de construire des synergies entre acteurs. Parmi ces appels à projet concernant le territoire de Saint-Brieuc qui en a été lauréat, il faut citer celui des Territoires à Énergie Positive pour la Croissance Verte » (TEPCV, 2014) puis des Territoires à Zéro Déchet Zéro Gaspillage » (TZDZG, 2014). Si ces appels à projets ont souvent été traités comme des techniques de gouvernement à distance par l’État (Epstein, 2005[31]Epstein R. (2005). « Les politiques territoriales post-contractuelles : le cas de la rénovation urbaine », Politiques et management public, vol. 23, n° 3, Le management public à l’épreuve de la politique. Actes du quatorzième colloque international, Bordeaux, 17 et 18 mars, Sciences-Po Bordeaux, t. 1, p. 127-143.), la réalité cependant est localement bien plus nuancée. Nos analyses des modes d’emparement de ces opportunités révèlent que ces modes prennent la forme d’ajustements d’acteurs sur un faisceau différencié de réseaux existants largement indépendamment de ces appels à projets, et convergeant progressivement à travers des approches intégrées suscitées par ces appels à projets, tout en maintenant leurs propres modes de fonctionnement de manière synchrone.
Dans ce cadre, un cas d’étude issus de notre travail d’observation au sein de la structure Kerval permet d’illustrer la construction tâtonnante, exploratoire et non exempte d’erreur-correction d’une stratégie énergétique pour le territoire : la réalisation d’une chaufferie bois à proximité d’une zone industrielle et zone d’activité emblématique d’une urbanisation décentrée à Saint-Brieuc, réinterrogée de ce fait par l’énergie (modèle 2).
Réseau de chaleur et chaufferie bois :
le passage à l’échelle urbaine d’un site de production d’énergie
Circulation de modèles et genèse d’un projet
L’un des mécanismes puissants de la territorialisation de l’énergie via l’injonction à la transition énergétique est sa lente maturation à travers une circulation de modèles (cas pratiques, opérations) et la structuration embryonnaire de réseaux. En l’occurrence, le territoire autour de l’agglomération de Saint-Brieuc a lentement développé son modèle énergétique depuis le début du XXIe siècle, en le faisant évoluer vers un système d’économie circulaire, largement inspiré et influencé par la circulation de modèles plus ou moins lointains géographiquement[32]Cette circulation, qui n’est pas l’objet du présent article, mériterait en elle-même d’être étudiée tant elle tient, entre autres, à des trajectoires en lien avec la coopération décentralisée, aux visites globalisées d’opérations témoins, etc.. Dans la vision des politiques publiques, l’objectif principal de production énergétique à partir d’un maximum de déchets ou pour le moins de ressources locales, est de contribuer à l’intention de construire de la ressource territoriale afin de favoriser l’attractivité du territoire. Mais l’initiative initiale ne fut pas celle de l’agglomération mais le fait du conseil général (département) des Côtes-d’Armor, dont les orientations de politiques publiques n’ont cessé d’accentuer une politique énergétique en faveur des économies d’énergie et la production d’énergies renouvelables, et ce depuis 1995 avec la mise en place du plan bois énergie Bretagne[33]Ce plan bois énergie est le fruit d’un partenariat entre la région Bretagne et quatre départements bretons, soutenus par l’ADEME, pour initier une politique commune en matière de bois et énergie..
C’est seulement en 2008, peu de temps après les élections municipales de mars, que les nouveaux élus de Saint-Brieuc Agglomération (SBA), présidés par Michel Lesage[34]À ce moment, également président de Saint-Brieuc Agglomération., lancèrent officiellement l’idée de construire une chaufferie à bois sur la ville de Saint-Brieuc. Cette chaufferie représentait alors pour les élus de l’époque le premier projet « bottom-up » représentatif d’une nouvelle intégration de la question énergétique dans l’aménagement urbain, du fait de son emplacement stratégique dans une zone d’activité localement emblématique.
Cette volonté résultait de la concordance d’une série de facteurs. Le premier est le pari sur la capacité d’un tel projet à constituer un outil de marketing territorial dans une concurrence urbaine régionale. Très attentifs au développement de projets dits « durables » ou « renouvelables » sur d’autres villes du territoire breton et leur capacité à susciter une effervescence médiatique, les élus de l’agglomération ont alors souhaité développer leur propre projet, pariant sur un effet levier.
Le second facteur tient au fait qu’au même moment se jouait un vif débat autour de l’implantation sur le territoire d’un projet de centrale à gaz, qui suscitera de vives oppositions locales et sera finalement abandonné au profit de la petite ville de Landivisiau dans le Finistère. Le troisième facteur est l’engagement, au même moment, de l’agglomération dans l’élaboration de son Agenda 21, réalisé entre mai 2009 et décembre 2010, reconnu « Agenda 21 local France » par le ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, au titre de la Stratégie nationale de développement durable, l’année suivante.
Enfin, la quatrième donne tient à un regain de conjoncture favorable en France dans les années 2000-2010 à la multiplication de réalisations de chaufferies collectives couplées à des réseaux de chaleur. Ces projets étaient portés par des collectivités, des bailleurs sociaux, des industriels ou encore des agriculteurs. De nombreux services publics, dont ceux de Rennes[35]« Les réseaux de chaleur de Rennes : retour d’expériences », Réseau de chaleur et territoires, CEREMA, février 2012. partageaient l’impression d’une nette évolution de l’image des réseaux de chaleur. De quasi « oubliés » ou « idée dépassée » dans les années 1990, les réseaux de chaleur reprennent place dans les outils de l’urbanisation, appuyés par les Grenelle de l’environnement.
En Bretagne, dès 1998, Brest avait développé un réseau de chaleur alimenté par deux installations de traitement de l’ordure ménagère, desservant des logements (50 % de l’énergie livrée), à la fois dans le parc locatif social et dans la promotion privée, l’hôpital de Brest (20 % de l’énergie livrée), divers bâtiments publics et quelques bâtiments du secteur tertiaire[36]« Brest Métropole Océane : un réseau de chaleur alimenté à 90 % par l’incinération des déchets », Réseau de chaleur et territoires, CEREMA, janvier 2010.. Le réseau de chaleur urbain, comme outil structurant de la politique énergétique locale brestoise, évolua en fonction des injonctions de l’État, en 2000 puis en 2005, avec une extension importante réalisée en vue de desservir le nouveau quartier de l’Europe (logements BMH, mairie, ZAC Daumier). La ville de Rennes s’était, elle aussi, munie de deux réseaux de chaleur publics, couvrant les quartiers nord et sud — avec un dossier épique d’engagement puis de retrait du raccordement du site de la prison des femmes, au sud de la gare. Plusieurs années avant que la loi Grenelle 1 n’introduise l’étude obligatoire de desserte énergétique renouvelable[37]Cf. art. L128-4 du code de l’urbanisme., la ville de Rennes avait rendu obligatoire, dès 2004, la réalisation d’une étude de desserte énergétique sous tout projet de ZAC réalisé sur son territoire.
Toutefois, l’opération qui joua le plus le rôle de modèle et de principale référence dans le cas de Saint-Brieuc, est celui d’une chaufferie bois couplée à un réseau de chaleur bois, réalisée à Lanester (agglomération de Lorient). Sur le principe, cette chaufferie est une installation centrale de production d’eau chaude, raccordée à un réseau enterré de canalisations calorifugées de 1,7 km, lui-même relié à des points de livraison (sous-stations) alimentant immeubles d’habitation, bâtiments communaux, équipements sportifs, lycée et centre social. Vivement intéressés par ce projet jusque-là singulier en Bretagne, les élus du territoire de Saint-Brieuc organisèrent une visite de l’opération de Lorient en vue de rencontrer les porteurs de projet.
Ce projet de chaufferie bois débuta en 2004 lorsque la ville de Lanester décida de porter un projet de réhabilitation des logements du quartier Kesler Devilliers, propriété de Bretagne Sud Habitat (BSH), et que ces deux acteurs déposèrent ensemble un projet de réhabilitation auprès de l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU). Cette opération fut l’occasion pour les services techniques d’identifier des équipements publics, situés à proximité du site de la chaufferie et pouvant être éventuellement raccordés à un réseau de chaleur (médiathèque, hôtel de ville, foyer de personnes âgées, gymnase et lycée). Devenue presque systématique dans le cas d’implantation de projet de production d’énergie renouvelable dans un souci de rentabilité économique, cette étape d’investigation des consommations énergétiques patrimoniales locales constitue un outil très puissant de relecture du territoire pour les collectivités qui y découvrent des opportunités d’évolution et de réadaptation de l’urbanisme existant par le facteur énergétique.
Toujours à Lanester, l’année 2006 marqua une étape d’études menées par Bretagne Sud Habitat (BSH) sur la faisabilité d’un tel projet sur le quartier, et c’est en 2007 qu’un bureau d’assistance à maîtrise d’ouvrage fut retenu par la ville de Lanester par le biais d’une consultation. Quelques mois après, le conseil municipal prit une décision de principe sur la délégation de service, lançant la publication de l’avis d’appel public à la concurrence. Ce n’est qu’en février 2009 que le conseil municipal prit sa décision concernant le choix du délégataire (Dalkia), suite à quoi le projet connut une accélération significative avec la signature d’une convention de raccordement entre les premiers abonnés (la région Bretagne, BSH et la ville de Lanester) en août 2009, le démarrage des travaux en septembre 2009 et sa mise en service un an plus tard. Six ans auront été nécessaires à la collectivité afin de concrétiser ce projet.
Toutefois, Joël Le Borgne, à l’époque à la fois vice-président en charge de l’énergie à l’agglomération de Saint-Brieuc, conseiller d’agglomération titulaire, membre du conseil d’administration du « Smitom des Châtelets[38]Syndicat mixte (Smitom) des Châtelets qui gérait les déchets de l’agglomération briochine et des communautés de communes de Quintin, Corlay et Moncontour, jusqu’à la création, en 2013, du syndicat mixte Kerval Centre-Armor au périmètre plus large. » et président de l’agence locale de l’énergie du Pays de Saint-Brieuc, joua un rôle crucial dans l’importation locale de cet archétype de chaufferie bois sur le territoire briochin. Celui-ci défendit vigoureusement, dans le cadre de ses fonctions de membre du conseil d’administration du Smictom, la nécessité de disposer d’un tel projet. Il réussit dans un premier temps à justifier cette chaudière pour l’utilisation des bois issus de végétaux non valorisés, disponibles à hauteur de 13 à 14 000 tonnes par an sur le site de la zone industrielle des Châtelets, à Ploufragan (commune attenante à Saint-Brieuc faisant partie de Saint-Brieuc Agglomération), appartenant au syndicat mixte Kerval Centre-Armor. Le pari initial était de réaliser une chaufferie bois qui puisse utiliser ce combustible particulier à bas coût et de toute façon à évacuer d’une façon ou d’une autre. Subventionné depuis 2009 par le dispositif Breizh Bocage[39]Le dispositif « Breizh Bocage » est une aide régionale qui vise à lutter contre les phénomènes d’érosion en implantant des haies et talus en rupture de pente et à reconquérir la qualité des eaux bretonnes. Il présente également un intérêt pour la fourniture de biomasse, la préservation de la biodiversité et la restauration des paysages., un projet de chaufferie bois de cette envergure sur l’agglomération de Saint-Brieuc représenta rapidement également, aux yeux de certains élus locaux, un chaînon intéressant pour favoriser l’émergence d’une filière bois locale à partir du bocage et par la même occasion une nouvelle opportunité de financement du projet[40]La commune de Plouaret (Côtes-d’Armor) s’est engagée de la même façon avec la SCIC Bocagénèse en janvier 2013 dans le cadre du projet Agr’eau de l’association française d’agroforesterie, en utilisant le bois récupéré en bordure de route pour alimenter deux chaufferies dédiées de la commune et onze chaudières individuelles agricoles..
L’approvisionnement en bois :
l’expérimentation face aux aléas techniques
Si l’importation de « cas pratiques » et de visites d’opération (Bossé, 2015[41]Bossé A. (2015). La visite. Une expérience spatiale, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Espace et Territoires », 190 p.) joue un rôle déterminant dans le processus de territorialisation, d’acculturation et d’interconnaissance entre les acteurs locaux, le régime d’expérimentation propre à cette territorialisation de l’énergie révèle aussi nombre de tâtonnements, d’erreurs, d’incohérences qui tiennent à des facteurs multiples. En témoigne le traitement des questions d’approvisionnement en combustible de la chaufferie bois, lesquelles n’avaient techniquement pas été anticipées par manque de connaissances sur les implications de ce type de technologie. Antérieurement au déploiement de la chaufferie bois briochine sur la zone dit du Brézillet, une étude de la ressource en bois-énergie provenant des forêts de Saint-Brieuc Agglomération avait, dans un premier temps, été prescrite par l’agglomération, en collaboration avec le conseil général, au Centre Régional de la Propreté Forestière (CRPF) et fut publiée en août 2011. À cette période, huit collectivités locales du pays de Saint-Brieuc[42]Ploufragan, Saint-Brieuc, Plaintel, Saint-Hervé, Saint-Brandan, Plourhan, Coetmieux, Saint-Alban. étaient équipées d’une chaudière à plaquette de bois, et plusieurs autres en projet. Or seulement trois d’entre elles s’approvisionnaient localement. Cette situation s’explique en partie par les contraintes liées aux marchés publics, ne permettant pas de « retenir dans les marchés publics l’offre locale existante, en termes de coût et de qualité[43]Entretien avec Alain Crochet, vice-président du Pays de Saint-Brieuc, chargé à l’énergie en 2015. ». Une étude commandée à un BET en 2013 par le Pays de Saint-Brieuc parvint à séduire les élus pour la mise en place d’une filière structurée de producteurs de bois pour l’énergie. L’ALEC[44]À l’époque, Agence Locale de l’Énergie (ALE), portée localement à l’échelle du Pays de Saint-Brieuc. reçut alors le mandat de développer la filière bois locale auprès des collectivités et des particuliers.
Suite à l’appel d’offres et une fois la technologie de chaudière retenue, les services techniques de l’agglomération se rendirent compte après quelques tests que le bois disponible au Smitom n’était plus compatible avec la technologie en question. En effet, les bois issus de végétaux non valorisés disponibles en grosse quantité sur le site des Châtelets, caractérisés comme bois bruts par l’agglomération, ne pouvaient pas être consommés par la chaudière choisie. Pour ce type de bois, un lourd traitement était nécessaire pour permettre de le transformer en bois commercialisable en filière bois énergie, en termes de qualité de bois, et notamment de retraiter certains bois à cause de leur teneur en métaux lourds. Un référentiel de certification a alors été mis à jour pour les entreprises souhaitant commercialiser leur bois.
D’abord présentée comme chaudière consommant du bois de récupération et des plaquettes bocagères, elle a par la suite été considérée par les services techniques de l’agglomération comme destinée à recevoir exclusivement du bois propre. Le manque de compétences des différents services techniques investis dans le projet en termes d’énergies renouvelables sera incriminé par les élus locaux pour justifier l’échec de la chaufferie, affaire qu’ils feront néanmoins en sorte de dissimuler au grand public.
Par ailleurs, une série de difficultés dues à l’approvisionnement en bois n’a cessé d’engendrer, depuis sa mise en service en 2014, des arrêts techniques de la chaudière et des pauses à répétition. Les énergéticiens au service de l’agglomération reconnaissaient eux-mêmes, en 2015, que la technologie choisie était « archaïque », engendrant une mauvaise maîtrise de l’approvisionnement en bois. Lors des phases de manutention et de réparation, les différents équipements publics reliés au réseau de chaleur et devant être initialement approvisionnés par la chaufferie bois se chauffèrent grâce à un rebasculement de leur modèle énergétique vers leurs chaudières initiales, conservées afin de faire office de solution d’appoint.
Face à cette situation, l’agglomération de Saint-Brieuc improvise et lance, en mai 2015, un appel d’offres pour l’approvisionnement en combustible bois de la chaufferie du quartier Brézillet à Ploufragan. Le bois choisi lors du premier appel d’offres par l’agglomération provenait de Pontivy (70 km de Saint-Brieuc), en centre-Bretagne. En 2015, le contrat changeait, et le bois provenait désormais de Lannion (70 km) et de Dinan (65 km). Mais un troisième appel d’offres, en novembre 2016, retiendra un bois en provenance plus lointaine, pour une qualité qui restera médiocre. La mauvaise qualité du bois et la croissance continue des prix mirent à mal le projet de chaufferie bois dans son fonctionnement, fin 2015.
Rétrospectivement, alors que les comparaisons sur les premiers retours d’expérience se multipliaient, en soulignant certaines limites de ces expérimentations, voire leur évolution chaotique, certains acteurs de Saint-Brieuc Agglomération tenaient à différencier et défendre leur modèle de chaufferie par rapport aux autres en le justifiant sur le plan de sa durabilité.
Compétence, performance et subvention :
la fragilité du modèle incrémental
Les deux autres difficultés de déploiement de cette chaufferie bois tiennent à des raisons de compétences et des logiques propres aux subventions. Bien moins inscrit dans une démarche de transition énergétique, l’engagement du projet de cette chaufferie répond d’abord à une logique classique de guichet, de quête de subventions, lesquelles sont conditionnées à des niveaux de performance. Une fois validée la pré-étude de faisabilité réalisée par une association d’initiative locale, AILE[45]AILE (Association d’Initiatives Locales pour l’Énergie et l’environnement) est une agence locale de l’énergie, créée en 1995 dans le cadre du programme SAVE de l’Union Européenne par l’ADEME Bretagne et les CUMA (Coopératives d’Utilisation de Matériels Agricoles) de l’Ouest, spécialisée dans la maîtrise de l’énergie et les enR en milieu agricole rural., pour la région Bretagne, une fois le cahier des charges rédigé en vue d’obtenir des subventions ainsi que l’étude de faisabilité pour conditionner les prix en fonction des différentes subventions (dont le plan chaleur), le dossier fut soumis. L’ADEME reconnut, en 2011, une forte rentabilité au projet, ce qui eut pour effet d’impliquer une diminution non négligeable du budget de subventions. Tous les calculs réalisés au préalable, au-delà des notes sur la performance qui viendraient plus tardivement, étaient à ce stade caducs. Ce projet est typiquement représentatif de l’importance des études préalables, dans le dimensionnement de l’outil et de la performance, en particulier dans le cas de l’utilisation de nouvelles technologies moins éprouvées, des études qui, lorsqu’elles sont menées, peuvent mettre un projet en grande difficulté. Rapidement, l’agglomération briochine a dû revoir son investissement et dévoiler un nouveau budget pour que l’engagement politique puisse être tenu. Malgré toutes ces différentes péripéties financières, le conseil de l’agglomération validait le budget, entérinant ainsi la volonté politique développée depuis l’amorce du projet[46]Nous ne rentrerons pas dans les détails des aléas liés au mode de subventionnement, mais l’histoire permet d’évoquer les difficultés auxquelles a fait face l’agglomération en aval de la mise en fonctionnement de cette chaudière. Le fait qu’une grande partie des subventions soit accordée en fonction des performances réelles en comparaison aux performances projetées a fait beaucoup de tort à l’agglomération de Saint-Brieuc qui, en raison de nombreuses pannes techniques, n’a pas réussi à rentrer dans son budget prévisionnel. Aujourd’hui, la chaudière bois coûte encore bien trop cher à l’agglomération aux yeux de nombreux élus..
Une seconde difficulté se présente en 2011-2012, en raison des compétences territoriales insuffisantes de l’agglomération, qui ne lui permettent plus de réaliser un réseau de chaleur en lien avec la chaufferie. L’agglomération n’avait en effet pas pris en compte la différence significative d’entité entre le réseau de chaleur et la chaudière bois, tant sur le plan budgétaire que fonctionnel et du personnel technique. Cet aspect avait été négligé du fait que la chaudière bois exemplaire de Lanester ne se situait pas dans une configuration institutionnelle similaire. Pour lancer l’étude de faisabilité, le service technique énergie de Saint-Brieuc Agglomération s’est appuyé sur la compétence déchet, puisque l’idée initiale était d’exploiter les combustibles du Smictom. C’est par la suite que, pour lancer les missions de maîtrise d’œuvre, le service technique intercommunal a dû déclarer la compétence réseau de chaleur d’intérêt communautaire et passer en Commission Locale d’Évaluation des Charges Transférées (CLECT). Néanmoins, il a été décidé que l’exercice de cette compétence ne soit limité qu’à ce seul projet pour permettre aux autres communes de continuer à l’exercer sur leur territoire. Au final, les élus optèrent, en 2012, à la suite d’une consultation de maîtrise d’œuvre, pour un fonctionnement en régie plutôt que pour un transfert de compétences. Cette délibération découle d’une décision politique plus que d’une opportunité de simplicité — la délégation de service public étant reconnue comme permettant une gestion plus aisée qu’une régie, « plus compliquée car tu n’es sûr de rien et que tu dois tout créer à partir de rien[47]Entretien avec Envel Guézennec, SBAA, le 20 juin 2016. ».
Logique d’implantation
et convergence d’opportunité
Après la maturation du projet dans les services techniques autant que dans les instances politiques de l’agglomération de Saint-Brieuc, la question du choix de son implantation dans un secteur stratégique du territoire se posait de façon de plus en plus précise. Entre effet d’aubaine lié au potentiel foncier de la zone d’activité et réelle nécessité, la collectivité retint le secteur du Brézillet sur la commune de Saint-Brieuc, s’étalant sur une surface d’environ 3 500 m². Plusieurs raisons expliquent ce choix, dont en premier lieu la présence de plusieurs infrastructures publiques sur cette zone, suffisamment consommatrices d’énergie pour que l’implantation d’une chaudière bois soit justifiée. Ce choix stratégique est emblématique d’une intensification des zones périphériques très fortement présentes à Saint-Brieuc, amorçant une densification du secteur et un redéploiement à venir de certaines fonctions centrales de l’agglomération sur ce secteur. Cette amorce s’est confirmée dans les années qui ont suivi, avec le raccordement à la ligne B du Bus à Haut Niveau de Service desservant l’agglomération et l’enclenchement du projet dit du « Grand Brézillet ».
La chaudière et son réseau de chaleur allaient ainsi pouvoir alimenter en chaleur le palais des congrès et des expositions, la piscine Aquabaie, la salle polyvalente de Séredenn et la maison départementale des sports. Ces équipements présentaient alors déjà leurs propres installations de production de chaleur, d’où l’engagement d’une phase de négociation avec les responsables des différents équipements visant à les persuader de la pertinence du projet, de l’enjeu d’un raccordement dont ils auraient par ailleurs à supporter les coûts.
Chronologie du grand Brézillet : une urbanisation structurée par un projet énergie
2005-2013 : réhabilitation et extension du palais des congrès ;
2013-2014 : réalisation de la chaufferie bois du Brézillet, alimentant en chauffage le palais des congrès, le complexe « Aquabaie », la salle polyvalente de Séredenn et la maison départementale des sports ;
2015-2025 : développement du projet de « Grand Brézillet » autour de la requalification de l’ancien marché de gros en pôle restauration, la destruction du hall Râteau et des halles Kervizik, la construction de deux nouveaux halls d’exposition, l’implantation d’une structure hôtelière et la réorganisation des mobilités (giratoires, BHNS…).
Au préalable du lancement de l’étude de MOE (Maîtrise d’Œuvre d’Exécution), un sondage avait été fait par le service technique « énergie et développement durable » auprès de chaque entité afin de recenser leur intérêt au vu de la présentation des premiers chiffrages sortis de l’étude. Les négociations ont été moins aisées qu’attendu. Les responsables des équipements, très intéressés à l’idée de consommer du bois, ont tous cherché les uns après les autres à négocier les tarifs en modifiant dans un même temps, au coup par coup, les simulations tarifaires à joindre au plan chaleur de l’ADEME. C’est en l’occurrence la piscine d’Aquabaie qui concentra l’ensemble du déficit des autres équipements. L’accord de la ville de Saint-Brieuc, très tardif (les travaux avaient déjà commencé), eut des effets directs sur la gestion du réseau de chaleur qui dut être mis en tranche conditionnelle, démontrant la complexité du montage de ce genre de projet, le refus d’un abonné pouvant ainsi empêcher le raccordement d’un autre.
Au final, la mise en fonctionnement de la chaufferie, malgré différents aléas, intervient sur une convergence d’opportunités qui participe puissamment à l’activation d’un changement d’échelle, de celle d’un site de production à celle de l’ensemble du territoire urbain. Celle-ci intervient donc à travers le redéploiement du réseau de transport en commun, les projets d’intérêt communautaire (salle des congrès, rénovation d’équipements…) dont la chaufferie constituera le fil directeur, sans vision initiale. Une convergence d’opportunité confirmée par l’adoption du plan climat énergie territorial par la collectivité en 2014, qui offrira une médiatisation supplémentaire au projet.
De quelques effets socio-institutionnels
d’une territorialisation partielle de l’énergie
Un conflit de cultures techniques
à la base de la définition d’un instrument
de planification énergétique
Parmi les répercussions de ce projet ayant abouti en demi-teinte plus à un échec qu’autre chose, l’une a consisté aussi, à travers un conflit de culture technique, à asseoir un instrument de planification de l’énergie. En effet, le choix de la zone d’implantation n’a pas pour autant été reconnu comme judicieux par l’ensemble des acteurs. La société GrDF, en particulier, s’y est opposée : pour elle, le réseau de chaleur a été créé à un emplacement où existait déjà un réseau de gaz GrDF, illustrant, au tournant de l’urbanisme de réseaux et de l’urbanisme durable, le risque de méconnaître son territoire et les infrastructures de réseau aujourd’hui existantes.
Par ailleurs, les entretiens révèlent qu’entre l’étude de faisabilité et la mise en service du complexe chaufferie bois/réseau de chaleur, à aucun moment la ville de Saint-Brieuc ne s’était posée la question de savoir si un réseau gaz préexistait sur cet emplacement. Une connaissance technique de cet ordre était d’autant plus délicate qu’aucun document ne répertoriait encore les différentes infrastructures de réseaux énergétiques sur le territoire. Cet achoppement sur le manque de pertinence de l’implantation d’un réseau nouveau aux côtés d’un réseau préexistant fit réagir les collectivités locales qui firent de cette question de connaissance de leur territoire une des priorités de leur projet de « boucle énergétique locale », travail prospectif de construction d’une base de données sur les réseaux existants et possibles, qui sera doublement récompensé par la région Bretagne (2013) puis par l’État (2015).
Pour autant, l’affaire n’était pas encore réglée tant les questions de confidentialités et administratives freinaient en permanence les transferts d’informations entre opérateurs et collectivité, qui se renvoyaient la responsabilité des torts. Un exemple en ce sens est celui de la société GrDF, qui avait mis au point une convention de collaboration avec les collectivités, exigeant d’elles, en échange de la transmission de ses données et informations SIG, d’être tenue informée des études réalisées à partir de ces données. L’agglomération avait alors refusé de signer la convention au motif de la maîtrise publique des données et de l’obligation légale et règlementaire de mise à disposition des données et des bilans (de production, de consommation, etc.) qui allait bientôt être entérinée. Trois textes réglementaires — deux décrets et un arrêté — publiés au Journal officiel le 20 juillet 2016 sont venus organiser la mise à disposition gratuite de données énergétiques fines issues des systèmes de comptage des gestionnaires de réseaux de distribution d’énergie aux collectivités territoriales pour l’exercice de leurs compétences. En attendant l’application de cette loi, l’agglomération se condamnait ainsi à la méconnaissance de ses propres infrastructures de sous-sol. Plus encore, l’agglomération revendiquait elle-même ce refus, exprimant par la voix de certains de ses élus sa méfiance envers l’entreprise « qui, depuis une certaine époque, profite de son monopole pour monter les prix » et de leur « mépris pour les élus de Saint-Brieuc Agglomération[48]Entretien avec Roger Rouillé, vice-président du Syndicat Des Énergies (SDE) 22 à la commission transition énergétique, conseiller municipal de Lamballe et président de l’ALE du Pays de Saint-Brieuc. ». Ce cas illustre parfaitement ce que démontrent certains chercheurs quant au développement des énergies renouvelables nécessitant la construction de nouvelles infrastructures vers des « villes post-réseaux » (Rutherford et Coutard, 2014[49]Rutherford J, Coutard O. (2014). “Urban Energy Transitions: Places, Processes and Politics of Socio-technical Change”, Urban Studies, vol. 51, Issue 7, p. 1353-1377.). Le remplacement d’une énergie par une autre s’accompagne effectivement de la déconstruction d’infrastructures, pouvant être considérée comme une forme de désaménagement et éventuellement comme un objet de conflit.
Ce projet illustre de façon emblématique le caractère expérimental par essai/erreur de l’action urbaine : particulièrement à travers cette problématique d’infrastructures de réseaux souterraines, le cas de cette chaufferie a impliqué une refonte d’ensemble de la vision de l’énergie à l’échelle territoriale à Saint-Brieuc Agglomération, accompagnée d’une montée en compétence des services techniques. En témoigne, comme évoqué plus haut, la mise en place de la Boucle Énergétique Locale (BEL) permettant aux techniciens et ingénieurs de la collectivité de connaître les réseaux existants dans chaque quartier. Ces informations, complétées des données énergétiques de consommation, permettent d’évaluer leur capacité et de projeter des scénarios d’appropriation et de modification de ces réseaux à partir de l’introduction d’énergie renouvelable. En d’autres termes, via la BEL, le service énergie de Saint-Brieuc Agglomération se réapproprie l’énergie dans un processus où, pour citer un acteur, « soit on maîtrise tout, soit on ne maîtrise rien[50]Envel Guézennec, technicien de Saint-Brieuc Armor Agglomération (SBAA), entretien du 20 juin 2016. ».
Au-delà de l’expérimentation :
vers un leadership informel
sur les techniques d’exploitation des déchets
Les effets de la « mise en projet » de l’énergie via le site du Brézillet peuvent aussi s’évaluer à travers le montage ultérieur d’autres formes de gestion de l’énergie, en particulier dans les tentatives de mise en place d’un modèle de type 3 (cf. supra) autour d’un site de retraitement des déchets. C’est une autre illustration du régime expérimental de « l’urbanisme orienté énergie ». Avant tout, reprécisons le registre d’intervention du syndicat mixte Kerval de gestion des déchets et sa « prise de compétence » énergie. Celui-ci, dans un contexte mentionné plus haut d’irruption de la question énergétique sur le territoire, assure de façon flottante un rôle proactif cependant jamais formalisé comme celui d’un leadership dans les différents processus de gouvernance, entre autres par défaut de légitimité. Présidé par le vice-président à la région, gauche plurielle, en charge des questions de développement, le travail du syndicat mixte révèle aussi politiquement une périphérisation de la question de l’énergie, le vice-président étant aussi l’un des plus actifs soutiens des « territoires », en contrepoint d’une ville-centre tout à fait atone et dépassée par les enjeux énergétiques. Le dossier de l’énergie, sous l’égide du syndicat mixte, se transforme donc aussi au fil des ans en attracteur de coopération territoriale pour les communes périphériques. Une nouvelle tentative de planification de l’énergie émerge donc en 2014 autour de la restructuration d’une déchetterie en une usine de tri et de valorisation des déchets, Ti Valo, mise en service au printemps 2017 sur la zone des Châtelets, à Ploufragan. La technologie qui y a été implantée doit permettre une valorisation maximale des déchets collectés sur le territoire, et la production, à partir de la part non recyclable des déchets non dangereux et initialement destinée à l’enfouissement, de Combustibles Solides de Récupération (CSR), valorisables énergétiquement via des systèmes de combustion ou de gazéification. L’idée de valoriser localement ce combustible issu des déchets locaux s’amorce au sein d’un groupe d’acteurs industriels et institutionnels, et est portée par le syndicat mixte de gestion des déchets Kerval Centre-Armor. L’objectif, qui s’esquisse rapidement à travers les discussions du groupe de travail mis en place par Kerval, concerne l’usage et la consommation locale des CSR. Une série de pistes possibles d’exploitation de cette source d’énergie sont envisagées : fourniture de chaleur aux industriels locaux (laiteries, charcuteries, etc.), création de réseaux de chaleur urbains (équipements publics et habitat), injection de gaz dans le réseau existant, l’épuration du gaz pour alimenter une flotte de transport (camions de collecte, transports en commun, etc.), et production d’électricité.
Si le projet de valorisation énergétique locale avait déjà largement été engagé antérieurement à travers des discussions informelles et en l’absence de dispositif de gouvernance, il va connaître une accélération avec la signature d’une convention de collaboration, en avril 2015, entre les présidents du syndicat mixte Kerval et le président de Saint-Brieuc Agglomération. Cette convention témoigne typiquement de trois facteurs de territorialisation identifiés en introduction : acquisition d’habitudes de travail, expérimentation de dispositif technique, affirmation d’une optique de planification. C’est une officialisation du travail partenarial entre leurs territoires respectifs, respectivement labellisés « territoires à énergie positive pour la croissance verte » et « territoire zéro déchet, zéro gaspillage », autour d’une ambition politique affichée partagée : faire de l’énergie le levier de la gestion intégrée du territoire. En ce sens, l’évènement est doublement révélateur.
D’une part, la labellisation, d’origine extérieure, joue un rôle d’activateur local de partenariat, auprès des élus, entre autres, leur permettant de dépasser les clivages partisans et les voies de politiques différenciées séparant les deux entités.
Puis, en situant la question de la territorialisation au cœur du débat politique, cet évènement révèle la manière dont les acteurs de territoires en déprise économique et démographique tentent de renouer avec leurs bases territoriales tout en innovant et se réappropriant l’énergie, et d’engager une forme de résilience territoriale (Davezies, 2012[51]Davezies L. (2012). La crise qui vient : la nouvelle fracture territoriale, Paris, Seuil/La République des idées, 134 p.).
Mais, en revanche, le consensus ne suffit pas : le projet de valorisation locale du CSR restera longtemps en suspens compte tenu de multiples hésitations des services techniques de la communauté d’agglomération et du personnel politique. De ce fait, dans ce second cas d’étude, le rôle des acteurs privés (et en particulier des entreprises Gouesnou et Guyot Environnement) sera considérable, à la grande différence du cas du Brézillet, et ce autant dans l’apport de compétences techniques que du retour d’expériences sur certaines technologies. Le contexte d’incertitude accompagnant le portage de projets liés à la production énergétique par des collectivités reste très prégnant et, dans le cas de Saint-Brieuc Agglomération, fortement marqué par « l’échec » de la chaufferie bois dont les résultats ont été jugés très loin, tant en termes de méthodes, de compétences techniques, que de modèle économique, des attentes des élus, lesquels faisant état officieusement d’une forme de honte les rendant très réticents à progresser désormais sur ce type de dossier.
Cette situation s’explique pour partie du fait du caractère tâtonnant de la méthodologie engagée par une action publique de type expérimental, pour autant souvent soulignée comme de ce fait vertueuse. Face à ce type de projets émargeant à leurs modes de faire et logiques coutumières de fonctionnement, le comportement des collectivités publiques ne cesse d’évoluer, au coup par coup, en fonction des préconisations d’organismes financeurs ou porteurs de labels (comme l’ADEME) ou encore des modèles de travail requis par la logique des appels à projets dans laquelle ils s’inscrivent. En ce sens, le projet de CSR, par son montage via le syndicat mixte, les différents services publics associés, ainsi que l’apport extérieur d’entreprises très actives, est illustratif de ces cas d’action publique, à caractère expérimental, menés au fil de l’eau sous l’effet des contraintes successives de ces appels à projets, autant que par la réadaptation de ces acteurs à des problématiques nouvelles face auxquelles leurs services et ingénieries techniques restent déficients.
Conclusion
Dans l’analyse des dynamiques décentralisées de la transition énergétique, l’entrée par la matérialité de l’énergie urbaine reste une clé d’éclairage efficace : » the recent, emerging and uneven ways in which urban practitioners are developing or rediscovering competences in energy production, distribution and management as they seek to or are tasked with formulating and implementing local energy policies to complement or replace strategic action at the national level, within a context facilitating a degree of (re)localisation of energy governance due to a combination of interdependent political, economic and technical decentralisation trends » (Rutherford et Coutard, 2014[52]Op. cit., p. 1362.). Dans le cadre de villes moyennes, les capacités locales à mettre en place des sources alternatives d’énergie à travers des situations expérimentales se confirment mais soulèvent aussi une série de questions.
En premier lieu, il faut souligner que les cas étudiés n’échappent pas au double asynchronisme classique de l’aménagement urbain : entre les temporalités d’aménagement d’un quartier et celles de la mise en œuvre d’un réseau énergétique, entre les périmètres et contraintes d’une opération foncière et ceux plus globaux d’un réseau énergétique et de ses différents flux. Si cet asynchronisme est redoublé par le caractère expérimental des opérations, il valide cependant l’hypothèse de la constitution de « nœuds intermédiaires non stabilisés » (Taboureau et Debizet, 2017[53]Op. cit.) à travers les différentes manières dont les acteurs en viennent à dépasser leurs intérêts ciblés liés à leurs domaines de compétences respectifs (aménagement urbain) pour travailler autour de synergies énergétiques, de complémentarités de flux en termes de besoins énergétiques (habitat / industrie / équipements…), perturbant les périmètres de zonage sur lesquels raisonnent de façon coutumière les services techniques autant que les élus.
Par ailleurs, la territorialisation de l’énergie n’apparaît pas sans effet sur l’action et la structure des services des collectivités. Si les cas étudiés expriment les différences de positionnement et de stratégie entre territoires urbains et semi-ruraux, l’énergie questionne et perturbe les cadres institutionnels locaux. Les dynamiques décentralisées sont ainsi doublement à l’œuvre : vers les cadres institutionnels territoriaux et à l’intérieur de ceux-ci, illustrant la construction « en situation » de démarches territoriales autour des projets énergétiques territoriaux, amenant les parties prenantes à entreprendre des innovations organisationnelles (Diemer, 2012[54]Diemer A. (2012). « La technologie au cœur du développement durable : mythe ou réalité ? », Innovations, n° 7, p. 73-94.). L’évolution des règlementations, la gestion des nouveaux équipements et technologies (smart grids, chaufferies bois, gazéificateurs, etc.), induites par l’affirmation du thème de l’énergie dans sa globalité, contribuent à la réorganisation des compétences entre les différents échelons des collectivités et induisent dans un même temps de nouvelles pratiques professionnelles au sein des services. Cet effet n’est pas neutre puisqu’il tend dans le même temps à accentuer des systèmes de concurrence entre collectivités territoriales, déjà esquissés par la loi NOTRe en France.
S’il contribue à stimuler autant que renouveler la dynamique institutionnelle locale, le processus de réencodage par l’énergie de l’urbanisme témoigne en revanche aussi d’une tendance affirmée à la normalisation, banalisant probablement un jeu d’adaptation des projets de production d’énergie à caractère territorial en fonction des normes nationales, par le biais d’une mise en correspondance aux critères ouvrant sur des financements, des processus de labellisation (TEPOS, TEPCV, TZDZG, etc.) ou bien encore par les effets de mimétisme, copie et importation à l’œuvre dans la circulation des modèles.
Resterait, au final, sur un plan plus appliqué, à examiner la réarticulation de ces projets locaux liant urbanisme et énergie renouvelable avec les logiques propres à la planification énergétique, ici écartées. À ce sujet, quelques pistes ou hypothèses peuvent être formulées. Tendus entre les temporalités des projets imposant de constants réajustements et l’intégration contrainte des injonctions nouvelles et successives issues de l’État, les exercices de planification risqueraient d’être de plus en plus hermétiques aux exercices de projections. Également, la structure des outils de planification urbaine semblerait bien peu adaptable et rigide face au régime expérimental de la territorialisation de l’énergie. Enfin, d’autres disjonctions semblent s’esquisser entre les visées a priori prospectives de la planification et les contraintes du « réel », conduisant, par exemple, à privilégier les projets à visée énergétique (écologie industrielle, production de chaleur…), économiquement porteurs (création d’emplois, attractivité du territoire, etc.), à d’autres chantiers relégués, comme la rénovation thermique des bâtiments.
[1] Dumont M, Andrieu D. (2006). « Qualité urbaine et ville durable à l’épreuve du renouvellement urbain. L’exemple du Grand Projet de Ville Malakoff Pré Gauchet à Nantes », Norois, vol. 198, n° 1, p. 7-19.
[2] Souami T. (2009). « Conceptions et représentations du territoire énergétique dans les quartiers durables », Flux, vol. 76-77, n° 2, p. 71-81.
[3] Delebarre M, Dugua B (dir.). (2017). Faire la ville par le projet, Lausanne, PPUR, 432 p.
[4] Mor E. (2015). « La transition énergétique urbaine : vers une reconfiguration multi-niveaux des systèmes de gouvernance et des systèmes énergétiques ? Deux études de cas contrastées : Bristol (Royaume-Uni) et Munich (Allemagne) », thèse de doctorat en urbanisme-aménagement, sous la direction de Cyria Emelianoff et de Jacques Chevalier, université du Maine.
[5] Christen G, Hamman P. (2015). Transition énergétique et inégalités environnementales, énergies renouvelables et implications citoyennes en Alsace, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 228 p.
[6] Yamagata Y, Sharifi A (dir). (2018). Resilience-Oriented Urban Planning. Theoretical and Empirical Insights, Springer International, 540 p.
[7] Salat S, Nowacki C. (2010). « Repenser la ville, sa forme, ses flux », dans Regards sur la Terre 2010. Villes : changer de trajectoire, Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.), chapitre 5, p. 140-148.
[8] Émelianoff C. (2011). « Les pouvoirs locaux dans la mondialisation écologique. Remodeler l’environnement planétaire et urbain », diplôme d’Habilitation à Diriger des Recherche (HDR), université du Maine, 325 p.
[9] Labussière O, Nadaï A. (2015). L’énergie des sciences sociales, nouvelle édition [en ligne], Paris, Alliance Athena, p. 129-145.
[10] Tabourdeau A, Debizet G. (2017). « Concilier ressources in situ et grands réseaux : une lecture des proximités par la notion de nœud socio-énergétique », Flux, vol. 109-110, n° 3, p. 87-101.
[11] Debizet G. (2016). Scénarios de transition énergétique en ville. Acteurs, régulations, technologies, Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME), La Documentation française, 200 p.
[12] Demazière C. (2017). Le traitement des petites et moyennes villes par les études urbaines, Espaces et sociétés, vol. 168-169, n° 1, p. 17-30.
[13] Richard E. (2016). « Les villes moyennes face aux changements climatiques : nouveaux rôles et nouveaux enjeux pour un développement territorial durable », thèse de doctorat en géographie, université de Poitiers, 460 p.
[14] Celle-ci est liée au cadre d’une thèse de doctorat financée par une convention Cifre avec l’Association nationale pour la recherche et technologie, qui a été le support d’une collaboration entre le syndicat mixte Kerval Centre-Armor, et l’unité mixte de recherche 6590 ESO.
[15] Huguenin A. (2017). « Transition énergétique et territoire : une approche par le milieu valuateur », Géographie, économie, société, vol. 19, n° 1, p. 33-53.
[16] Audet R. (2015). Le champ des sustainability transitions : origines, analyses et pratiques de recherche, Cahiers de recherche sociologique, n° 58, p. 73-93.
[17] Loorbach D, Verbong G. (2012). “Is Governance of the Energy Transition a Reality, an Illusion or a Necessity?”, dans Loorbach D, Verbong G (dir.), Governing the Energy Transition. Reality, Illusion or Necessity, p. 317-335.
[18] Loorbach D, Frantzeskaki N, Avelino F. (2017). “Sustainability Transitions Research: Transforming Science and Practice for Societal Change, Annual Review of Environment and Resources, n° 42(1), p. 599-626.
[19] Émelianoff C. (2008). « Enjeux et figures d’un tournant urbanistique en Europe », Annales des Mines. Responsabilité et environnement, vol. 52, n° 4, p. 15-20.
[20] Bulkeley H, Castan Broto V. (2012). “Government by experiment? Global cities and the governing of climate change”, dans Transactions of the Institut of British Geographer, Royal Geographical Society, p. 34-56.
[21] Dumont M. (2014). « L’expérimentation en aménagement urbain », université de Rennes, mémoire d’habilitation à diriger des recherches, 121 p.
[22] Hoffmann MJ. (2009). « Experimenting with Climate Governance », working paper, Congress Amsterdam Human Dimensions of Environmental Change (Agency Stream), 12 p.
[23] Un des apports du travail de recherche doctorale mentionné (cf. supra) est d’avoir pu identifier différents modèles de gestion de l’énergie dans l’aménagement du territoire et de gouvernance énergétique.
[24] Jaglin S, Verdeil E. (2013). « Énergie et villes des pays émergents : des transitions en question », introduction, Flux, vol. 93-94, n° 3, p. 7-18.
[25] Warin P. (2004). « La gestion de proximité à l’épreuve de politiques publiques en France », dans Jouve B, Booth P, Démocraties métropolitaines. Transformations de l’État et politiques urbaines au Canada, en France et en Grande-Bretagne, Presses de l’Université du Québec, p.195-215.
[26] Négrier E. (2003). « Politiques culturelles territoriales : dernier inventaire avant décentralisation ? », Annuaire des collectivités locales, tome 23, Les services publics locaux, p. 47-70.
[27] Campagne P. (2007). « Mondialisation et développement des zones intermédiaires du Maghreb. Quelques questions économiques et sociologiques », dans Hommage à Paul Pascon, colloque international « Devenir de la société rurale, développement économique et mobilité sociale », Rabat, IAV Hassan II.
[28] Landel PA, Koop K. (2011). De l’animation locale à l’ingénierie territoriale. Le développement local : mécanismes, stratégies et gouvernance, colloque de février, Agadir, Maroc.
[29] Dumont M. (2018). La structuration politique des périphéries urbaines. Réalités, perspectives, dans Rousseau M, Hure M, Retour sur vingt ans d’évolutions des modes d’action publique urbaine, Éditions du PUCA, p. 134-150.
[30] Contexte national favorable au développement de projets à visée énergétique de par l’introduction progressive des concepts de développement durable et de transition énergétique dans les textes de politique nationale via la ministre Ségolène Royal sous le quinquennat de François Hollande, ouvrant sur la création de nombreux labels, subventions…
[31] Epstein R. (2005). « Les politiques territoriales post-contractuelles : le cas de la rénovation urbaine », Politiques et management public, vol. 23, n° 3, Le management public à l’épreuve de la politique. Actes du quatorzième colloque international, Bordeaux, 17 et 18 mars, Sciences-Po Bordeaux, t. 1, p. 127-143.
[32] Cette circulation, qui n’est pas l’objet du présent article, mériterait en elle-même d’être étudiée tant elle tient, entre autres, à des trajectoires en lien avec la coopération décentralisée, aux visites globalisées d’opérations témoins, etc.
[33] Ce plan bois énergie est le fruit d’un partenariat entre la région Bretagne et quatre départements bretons, soutenus par l’ADEME, pour initier une politique commune en matière de bois et énergie.
[34] À ce moment, également président de Saint-Brieuc Agglomération.
[35] « Les réseaux de chaleur de Rennes : retour d’expériences », Réseau de chaleur et territoires, CEREMA, février 2012.
[36] « Brest Métropole Océane : un réseau de chaleur alimenté à 90 % par l’incinération des déchets », Réseau de chaleur et territoires, CEREMA, janvier 2010.
[37] Cf. art. L128-4 du code de l’urbanisme.
[38] Syndicat mixte (Smitom) des Châtelets qui gérait les déchets de l’agglomération briochine et des communautés de communes de Quintin, Corlay et Moncontour, jusqu’à la création, en 2013, du syndicat mixte Kerval Centre-Armor au périmètre plus large.
[39] Le dispositif « Breizh Bocage » est une aide régionale qui vise à lutter contre les phénomènes d’érosion en implantant des haies et talus en rupture de pente et à reconquérir la qualité des eaux bretonnes. Il présente également un intérêt pour la fourniture de biomasse, la préservation de la biodiversité et la restauration des paysages.
[40] La commune de Plouaret (Côtes-d’Armor) s’est engagée de la même façon avec la SCIC Bocagénèse en janvier 2013 dans le cadre du projet Agr’eau de l’association française d’agroforesterie, en utilisant le bois récupéré en bordure de route pour alimenter deux chaufferies dédiées de la commune et onze chaudières individuelles agricoles.
[41] Bossé A. (2015). La visite. Une expérience spatiale, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Espace et Territoires », 190 p.
[42] Ploufragan, Saint-Brieuc, Plaintel, Saint-Hervé, Saint-Brandan, Plourhan, Coetmieux, Saint-Alban.
[43] Entretien avec Alain Crochet, vice-président du Pays de Saint-Brieuc, chargé à l’énergie en 2015.
[44] À l’époque, Agence Locale de l’Énergie (ALE), portée localement à l’échelle du Pays de Saint-Brieuc.
[45] AILE (Association d’Initiatives Locales pour l’Énergie et l’environnement) est une agence locale de l’énergie, créée en 1995 dans le cadre du programme SAVE de l’Union Européenne par l’ADEME Bretagne et les CUMA (Coopératives d’Utilisation de Matériels Agricoles) de l’Ouest, spécialisée dans la maîtrise de l’énergie et les enR en milieu agricole rural.
[46] Nous ne rentrerons pas dans les détails des aléas liés au mode de subventionnement, mais l’histoire permet d’évoquer les difficultés auxquelles a fait face l’agglomération en aval de la mise en fonctionnement de cette chaudière. Le fait qu’une grande partie des subventions soit accordée en fonction des performances réelles en comparaison aux performances projetées a fait beaucoup de tort à l’agglomération de Saint-Brieuc qui, en raison de nombreuses pannes techniques, n’a pas réussi à rentrer dans son budget prévisionnel. Aujourd’hui, la chaudière bois coûte encore bien trop cher à l’agglomération aux yeux de nombreux élus.
[47] Entretien avec Envel Guézennec, SBAA, le 20 juin 2016.
[48] Entretien avec Roger Rouillé, vice-président du Syndicat Des Énergies (SDE) 22 à la commission transition énergétique, conseiller municipal de Lamballe et président de l’ALE du Pays de Saint-Brieuc.
[49] Rutherford J, Coutard O. (2014). “Urban Energy Transitions: Places, Processes and Politics of Socio-technical Change”, Urban Studies, vol. 51, Issue 7, p. 1353-1377.
[50] Envel Guézennec, technicien de Saint-Brieuc Armor Agglomération (SBAA), entretien du 20 juin 2016.
[51] Davezies L. (2012). La crise qui vient : la nouvelle fracture territoriale, Paris, Seuil/La République des idées, 134 p.
[52] Op. cit., p. 1362.
[53] Op. cit.
[54] Diemer A. (2012). « La technologie au cœur du développement durable : mythe ou réalité ? », Innovations, n° 7, p. 73-94.