janvier 2018
Transition énergétique
La transition énergétique
comme stratégie de rebond territorial
Le cas du Pays Vitryat
La transition énergétique comme stratégie de rebond territorial : le cas du Pays Vitryat,
Riurba no
5, janvier 2018.
URL : https://www.riurba.review/article/05-transition/rebond/
Article publié le 1er janv. 2018
- Abstract
- Résumé
Energy transition as a territorial rebound strategy. The case of Pays Vitryat
This article deals with the strategy adopted by a rural conurbation so as to implement a new decentralised energetic system. It is supposed to take into account production and consumption of all human activities on a particular area. This study targets to know whether the new ways of thinking energy and the circular economy concept lead to redefine energetic socio-technical systems. Although the public actors in charge of the project are confident, the implementation reveals some difficulties, like the capacity to renew urban and rural planning approaches.
Cet article analyse la stratégie d’une intercommunalité sur la question énergétique, visant à mettre en place un système d’énergie décentralisé, c’est-à-dire un projet repensant globalement la production et la consommation d’énergie sur un espace particulier et en prenant en considération la multiplicité des activités humaines. La question est de savoir si de nouvelles modalités de penser l’énergie et l’injonction à la circularisation des flux amènent réellement à une restructuration des systèmes sociotechniques énergétiques. Si, dans la narration que les acteurs publics écrivent, la transition énergétique est un moyen de réadapter la trajectoire d’un territoire aux impératifs économiques et environnementaux, dans la réalisation, plusieurs défis restent à lever, notamment sur les aspects procéduraux.
post->ID de l’article : 4145 • Résumé en_US : 4162 • Résumé fr_FR : 4158 •
Introduction
La France a adopté, à l’été 2015, la loi de transition énergétique pour la croissance verte, qui s’est voulue ambitieuse à plusieurs titres (réduction des émissions de gaz à effet de serre, de la consommation énergétique finale, augmentation de la part des énergies renouvelables). Elle a consolidé en outre le rôle des collectivités locales dans ce domaine. Il existait déjà de nombreuses possibilités d’actions, non seulement sur le volet gestion des réseaux de distribution publique d’électricité et de gaz mais aussi en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique, permettant d’inclure la maîtrise de l’énergie dans les politiques publiques locales (par le biais des plans Climat Énergie Territoire, par exemple) (Bertrand et Rocher, 2013[1]Bertrand F, Rocher L. (2013). Les territoires face aux changements climatiques : une première génération d’initiatives locales, Éditions Peter Lang, coll. ÉcoPolis. ; Saujot et al., 2014[2]Saujot M, Rudinger A, Guerry A. (2014). Gouvernance locale de l’énergie : clarification des enjeux et illustration par la planification territoriale, IDDRI Sciences Po, 15 p. ; Canévet et al., 2012[3]Canévet C, Duthoit V, Labarthe J, Waintrater A. (2012). « Entre autonomie et solidarités territoriales, quelle gouvernance énergétique dans les territoires urbains ? », Étude ACUF-AMGVF-INET.). Selon Boiteau (2015[4]Boiteau C. (2015). « Énergie et développement durable », Revue française d’administration publique, n° 156, p. 1077-1084.), c’est à la fin des années 2000 que les collectivités territoriales deviendront des « acteurs essentiels de l’environnement et du développement durable » (loi n° 2009‑967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement). Elles peuvent notamment « aménager, exploiter, faire aménager et faire exploiter » des installations produisant de l’électricité utilisant des énergies renouvelables. Aussi ces dernières années constituent-elles un moment charnière par l’effet des lois sectorielles sur l’énergie, le logement, etc., mais également en raison des réformes administratives, telles que la réforme territoriale qui s’est achevée à l’été 2015[5]Loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, du 27 janvier 2014 (loi n° 2014‑58, dite « loi MAPTAM ») et loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, du 7 août 2015 (loi n° 2015‑991, dite « loi NOTRe »., conférant de nouveaux périmètres et compétences aux différentes collectivités territoriales (ADEME, 2016[6]ADEME Nord-Pas-de-Calais-Picardie. (2016). Planification et programmation énergétique territoriale : guide technique de réalisation, 32 p.) et remettant en cause la clause de compétences générales (notamment sur les aspects développement économique) (Izard, 2016[7]Izard C (dir.). (2016). « Nouvelles compétences Climat-énergie des collectivités territoriales : loi NOTRe, transition énergétique : quels impacts pour les territoires ? », Réseau Action Climat-France, 21 p. [En ligne]. Disponible sur : http://rac-f.org/Nouvelles-competences-climat-energie-des-collectivites-territoriales).
Plutôt que d’étudier un document de planification spécifique, cet article analyse la stratégie d’une intercommunalité rurale sur la question énergétique. Le territoire concerné, le Pays Vitryat, situé dans le département de la Marne, a connu la déprise industrielle et, aujourd’hui encore, le départ de grandes entreprises. Malgré quelques atouts touristiques (lac de Der, vignobles de Champagne), il ne bénéficie pas d’une identité affirmée et souffre d’un manque d’attractivité. Refusant de se laisser enfermer dans cette vision négative, sous l’impulsion d’EDF, les acteurs des collectivités locales concernées ont décidé de saisir l’opportunité de la transition énergétique pour redonner une impulsion au territoire. Les maîtres mots de cette mobilisation sont : économie circulaire, transition énergétique et écologie industrielle. Cette transition vise à mettre en place un système d’énergie décentralisé, c’est-à-dire à implémenter un projet repensant globalement la production, la consommation d’énergie et en prenant en considération la diversité des ressources matérielles et immatérielles, ainsi que la multiplicité des activités humaines sur ledit territoire.
Suite à une étude menée en 2016[8]Étude financée par EDF pour accompagner la communauté de communes. Coordinatrices : Sabrina Brullot et Julie Gobert. Entretiens effectués par Julie Gobert. Nouveau travail d’analyse réalisé en 2017 dans le cadre d’une réflexion sur énergie et collectivité territoriales par Hiba Chakar et Julie Gobert et qui a permis l’émergence de cet article., s’appuyant sur de l’observation participante et des entretiens avec les institutions impliquées dans le SED (Système Énergétique Décentralisé), nous cherchons au travers de cet article à explorer comment les intercommunalités peuvent s’emparer des enjeux énergétiques et s’approprier leurs compétences pour tenter de redonner une dynamique et du sens à leur territoire. Ainsi, la transition énergétique devient-elle moins un objectif écologique qu’un moyen pour d’autres desseins : la reconquête du destin territorial, la recherche d’attractivité, la mobilisation des ressources territoriales et la volonté de faire lien entre des espaces différemment appropriés et utilisés (rural/urbain, activités industrielles/résidentielles…).
À l’heure des réflexions sur l’économie circulaire, de travaux et d’expérimentations toujours plus approfondis ambitionnant de diminuer et de boucler les flux d’énergie et de matières, une problématique particulièrement intéressante à investiguer dans ce cadre-là est effectivement la capacité des établissements publics de coopération intercommunale à se saisir de leurs compétences sur les questions énergétiques pour potentiellement tisser de nouvelles relations entre acteurs privés et publics, entre espace urbain et espace rural (Poupeau, 2014[9]Poupeau FM. (2014). “Central-Local Relations in French Energy Policy-Making: Towards a New Pattern of Territorial Governance”, Environmental Policy and Governance, n° 24(3), p. 155-168. ; Dobigny, 2009[10]Dobigny L. (2009). « Changement énergétique et rapport au monde », dans Menozzi MJ, Flipo F, Pecaud D. (dir.), Énergie et société : sciences, gouvernances et usages, Aix-en-Provence, Édisud, p. 215-224.). De fait, les villes sont des espaces particulièrement consommateurs d’énergie, de matières premières (provenant en partie de leurs pourtours) et produisent dans le même temps des déchets qui sont ensuite déposés et/ou transformés dans leurs périphéries ou bien plus loin, faute d’infrastructure en leur sein, de foncier ou de compétences disponibles.
Pour répondre à ce questionnement, l’article suivra un plan en trois parties. La première présente les éléments bibliographiques utiles à l’étude et à la construction du cadre théorique et méthodologique. La seconde décrit la manière dont le projet de système énergétique décentralisé s’est mis en place et les différents objectifs visés. La troisième partie investigue la manière dont ce projet se heurte à différents freins qui montrent que la transition énergétique n’est pas du seul ressort d’une collectivité et de son impulsion, et que repenser le métabolisme et la circulation des ressources demanderait une intégration plus forte de nouveaux acteurs.
Transition énergétique et écologie territoriale :
quelles appropriations par les territoires ?
Les projets, notamment ceux de transition énergétique, découlent de la combinaison de différentes dimensions : le contexte législatif et réglementaire ; les ressources — matérielles et immatérielles — qui n’existent pas en dehors d’un « projet » qui les révèle et les mobilise (Pecqueur, 2001[11]Pecqueur B. (2001). « Qualité et développement territorial : l’hypothèse du panier de biens et de services territorialisés », Économie rurale, n° 261(1), p. 37-49. ; Allais et al., 2015[12]Allais R, Reyes T, Roucoules L. (2015). “Inclusion of territorial ressources in the product development process”, Journal of cleaner production, n° 94, p. 187-197.) ; les acteurs en présence, leurs intérêts, leurs moyens et leur pouvoir d’agir. Aussi semble-t-il utile de comprendre comment les collectivités locales, au-delà des textes législatifs et réglementaires, peuvent devenir des acteurs de la transition énergétique.
Collectivités locales et transition énergétique :
une appropriation de plus en plus forte
Les collectivités locales sont appelées à jouer un rôle de plus en plus important en matière d’énergie, particulièrement dans le contexte français. Autorités organisatrices et concédantes de la distribution d’énergie, consommatrices, planificatrices (urbanisme, transport, logement, énergie), potentielles exploitations d’installations produisant de l’énergie, elles peuvent aussi animer de véritables stratégies territoriales touchant tous les acteurs du périmètre sur lequel elles ont compétence. En cela, elles deviennent de véritables lieux d’expérimentations. Nevens et al. (2013[13]Nevens F, Frantzeskaki N, Gorissen L, Loorbach D. (2013). “Urban Transition Labs: co-creating transformative action for sustainable cities”, J. Clean. Prod., n° 50, p. 111-122.) mettent ainsi en avant la manière dont des villes peuvent créer des urban transition labs. Les villes sont ainsi considérées de plus en plus comme des arènes importantes pour restructurer le facteur énergétique (Jaglin, 2014[14]Jaglin S. (2014). “Urban energy policies and the governance of multilevel issues in Cape Town”, Urban Study, n° 51, p. 1394-1414.). Debizet et al. (2016[15]Debizet G, Tabourdeau A, Gauthier C, Menanteau P. (2016). “Spatial processes in urban energy transitions: considering an assemblage of Socio-Energetic Nodes”, Journal of Cleaner Production, vol. 134, p. 330-341.) parlent de « socio-energetic nodes » permettant d’analyser de manière concomitante les changements de régime sociotechniques, le rôle des acteurs et celui de l’espace, physique et approprié.
Outre cette importance accordée au territoire comme lieu d’expérimentation et de remodelage des enjeux énergétiques, la transition énergétique se caractérise par une décentralisation de l’énergie et une redéfinition du système énergétique de production et de consommation (Rocher, 2013[16]Rocher L. (2013). « Le chauffage urbain dans la transition énergétique : des reconfigurations entre flux et réseau », Flux, n° 92, p. 23-35.). Par exemple, les énergies renouvelables induisent en partie à repenser le système de grands réseaux de desserte (Coutard et Rutherford, 2010[17]Coutard O, Rutherford J. (2010). “Energy Transition and City Region Planning: Understanding the Spatial Politics of Systemic Change”. Technology Analysis and strategic Management, vol. 22, n° 6, p. 711-727.). Au demeurant, la force du régime dominant actuel rend difficile l’innovation organisationnelle, structurelle ou sociotechnique sur un périmètre réduit et sa diffusion à plus grande échelle : « Urban areas offer specific opportunities for practices such as exemption from or adding further obligations to an existing regime, or bypassing it completely. For example, the legal and political inability of French cities to regulate or plan the electricity distribution grid leads cities to invest in urban heating and its specific technologies. Energy regimes limit the ability of cities to configure the energy transition. » (Debizet et al., 2016, p. 339[18]Op. cit.).
Devant les défis importants qu’elle pose (décarbonation de l’économie, lutte contre le changement climatique, lien avec l’économie circulaire), la transition énergétique oblige plus que jamais à réfléchir de manière systémique et territorialisée et à comprendre le rôle des acteurs, des institutions, des artefacts et de l’espace. À certains égards, elle est vue comme un moyen de fédérer autour d’un projet une pluralité d’acteurs locaux, de trouver les voies de se démarquer d’autres territoires, de faire lien entre des secteurs différents tant publics que privés (logement, transport, développement économique…) (Roudil, 2017[19]Roudil N. (2017). « Introduction. Villes, territoires et énergies : enjeux et défis actuels », Géographie, économie, société, vol. 20, p. 157-171.).
À l’instar de Hodson et Marvin (2010[20]Hodson M, Marvin A. (2010). “Can cities shape socio-technical transitions and how would we know if they were?”, Research Policy, n° 39(4) , p. 477-485.) qui exploraient le rôle des métropoles à développer des stratégies pour la transition énergétique, parfois en contradiction, en avance ou en adéquation avec leur État d’appartenance, il s’agit dans cet article d’explorer la transition énergétique telle qu’appréhendée par une communauté de communes de taille moyenne. Quelles capacités a-t-elle de concrétiser la transition énergétique en prenant en compte ses caractéristiques propres ? L’hypothèse sous-jacente est de savoir si la transition énergétique ne peut pas permettre un décloisonnement des frontières entre rural, périurbain et urbain en repensant l’usage et la consommation des ressources locales. Autrement formulée, les intercommunalités peuvent-elles « translate their strategic concern about their ability to guarantee resources into strategies designed to reshape the city and its relations with resources and other spaces. » (Hodson, Marvin, 2010[21]Op. cit.) ?
Métabolisme territorial et écologie industrielle
au service de la transition énergétique
Travailler la transition énergétique et l’économie circulaire sur un territoire rural, qui, dans le cas présenté ci-après, est fortement caractérisé par l’activité industrielle dans sa partie urbaine et l’activité agricole dans sa partie rurale (prédominante à l’échelle du Pays Vitryat), est aussi un moyen de travailler les relations métaboliques et structurelles entre ces territoires, et sans doute de réinterroger les dépendances de l’espace urbain à l’espace rural dans l’approvisionnement alimentaire, énergétique, en matériaux. « While an energy transition can be measured through time as a gradual shift from one mix of resources and technologies to another, its geographical implications are more profound. » (Calvert et Mabee, 2014[22]Calvert K, Mabee W. (2014). « Energy transition management as a ‘spatial strategy’? Geographical implications of the Environmental Politics », working paper, 14 p.).
En effet, l’intersection entre les territoires, au-delà de la structure administrative ou économique dans laquelle ils peuvent se retrouver (intercommunalités, pays) et qui est déterminée par les compétences desdites structures, se décline aussi à un autre niveau. Les villes peuvent être lues comme des espaces de consommation et de création de déchets, tandis que les espaces périphériques ruraux comme des lieux d’approvisionnement et de décharge. La transition énergétique engage à repenser ce métabolisme territorial (Barles, 2014[23]Barles S. (2014). « L’écologie territoriale et les enjeux de la dématérialisation des sociétés : l’apport de l’analyse des flux de matières », Développement durable et territoires, vol. 5, n° 1. ; Paola et al., 2017[24]Paola P, Carreón J, Boer H. (2017). “A multi-level framework for metabolism in urban energy systems from an ecological perspective”, Resources, Conservation and Recycling, n° 132, p. 230-238.) au travers de relations métaboliques sur des cercles plus restreints (circuits courts), de réseaux plus circonscrits (Raineau, 2011[25]Raineau L. (2011). « Vers une transition énergétique ? », Natures Sciences Sociétés, vol. 19, n° 2, p. 133-143.) et reposant davantage sur une interdépendance que sur un régime de domination d’un espace sur l’autre.
Au-delà de la connaissance nécessaire des flux de matières et d’énergies qui transitent sur un territoire, la compréhension des relations entre acteurs prend corps au travers de l’écologie industrielle. Comme l’indiquent Gobert et Brullot (2017[26]Gobert J, Brullot S. (2017). « La mobilisation du capital territorial pour le développement d’une logique d’EIT », Revue d’économie régionale et urbaine, n° 5, p. 881-903.), l’écologie industrielle est un principe d’action collective dont les objectifs sont de rendre moins linéaires les flux en minimisant l’usage de matières premières dans le processus de production, en réduisant les déchets et en limitant les impacts sur l’environnement (consommation des ressources, rejets dans l’atmosphère, l’eau, les sols…) sur un périmètre déterminé (Cerceau et al., 2014[27]Cerceau J, Junqua G, Gonzalez C et al. (2014). « Quel territoire pour quelle écologie industrielle ? Contribution à la définition du territoire en écologie industrielle », Développement durable et territoires, vol. 5, n° 1.). À ce titre, l’écologie industrielle se matérialise au travers d’actions concrètes, comme la mutualisation de certains approvisionnements et services entre acteurs, ou encore des échanges de flux (les déchets des uns devenant les ressources des autres) (Jacobsen et Anderberg, 2004[28]Jacobsen N, Anderberg S. (2004). “Understanding the evolution of industrial symbiotic: the case of Kalundborg”, dans Van Der Bergh J, Janssen M (dir.), Economics of industrial ecology: Materials, structural change, and spatial scales, Cambridge, MIT Press, p. 313-336.). L’un des principes fondamentaux est que les acteurs économiques, et souvent les collectivités locales, mettent en place une coopération renforcée allant au-delà du rapport fournisseur-acheteur sur un périmètre spécifique, et trouvent des modus operandi visant à mieux circulariser les flux et in fine restreindre leurs coûts.
Cet article repose donc sur un cadre d’analyse mêlant sciences politiques et géographie afin de comprendre la trajectoire de transition énergétique (Évrard, 2016[29]Évrard, A. (2016). « Définir la transition énergétique, décrypter un consensus ambigu. Le cas de l’Allemagne et de la France », dans Fortin MJ, Fournis Y, L’Italien F. (dir.), La transition énergétique en chantier. Les configurations institutionnelles et territoriales de l’énergie, Presses de l’Université Laval, p. 67-82.) prise par le Pays Vitryat. Cette trajectoire est certes conditionnée par les capacités technologiques, relationnelles, ressourcielles, politiques et économiques (Labussière, 2016, p. 45[30]Labussière O. (2016). « Transition énergétique et reconfigurations d’accès à l’énergie », dans Fortin MJ, Fournis Y, L’Italien F. (dir.), La transition énergétique en chantier. Les configurations institutionnelles et territoriales de l’énergie, Presses de l’Université Laval, p. 31-50.) du territoire et des acteurs. Mais elle donne aussi la possibilité pour l’acteur public local de repenser l’espace et l’intersection des territorialités (administratives, morphologiques…) à l’aune des défis énergétiques (promotion des énergies renouvelables, baisse des consommations…) et des ressources disponibles existantes ou latentes. Ainsi, malgré les règles qui s’imposent par le biais des lois ou les appels à projet, l’article cherche à éclairer les marges de manœuvre que peut avoir une structure intercommunale rurale dans ce processus. À cette fin, il semble pertinent de décrypter le jeu d’acteurs, les intentions des porteurs du projet et les confronter à la réalité de son impact.
Méthodologie déployée
Les chercheures ont été mandatées par EDF (et plus particulièrement la direction des nouveaux systèmes et activités énergétiques) à l’automne 2014 pour réaliser une mission qui visait à accompagner la communauté de communes de Vitry-Champagne-Der dans la structuration de la gouvernance et de l’animation de son projet d’Écologie Industrielle (EI). Accompagnement qui se traduisait par plusieurs objectifs : d’une part, sensibiliser et/ou former les différents acteurs du territoire aux principes de l’EI en adaptant le discours à chaque cible en vue de faciliter leur mobilisation (pour la mise en œuvre des synergies, et pour leur contribution à la gouvernance de la démarche sur le long terme) ; d’autre part, aider les acteurs dans la coconstruction d’une stratégie de gouvernance adaptée au contexte du territoire par le biais préalable d’un diagnostic territorial. Cette étude du territoire a été réalisée à partir d’une analyse des différents documents élaborés par les institutions en vue de bien comprendre les enjeux du territoire et les positionnements stratégiques et politiques des différents acteurs clés (Communauté de communes de Vitry, Champagne et Der, 2014[31]Communauté de communes de Vitry, Champagne et Der. (2014). Actualisation du programme de mandature, 28 p., 2015[32]Communauté de communes de Vitry, Champagne et Der. (2015). Dossier de candidature à l’appel à projets ADEME sur l’économie circulaire Champagne-Ardenne, 31 p., 2016[33]Communauté de communes de Vitry, Champagne et Der. (2016). Projet de territoire, actualisation, 73 p. ; Contrat de ruralité du Pays Vitryat, 2017[34]Contrat de ruralité du Pays Vitryat. (2017). Accord-cadre, 2017-2022, 97 p. ; Contrat de ville 2015-2020 Vitry-le-François, 2015[35]Contrat de ville 2015-2020 Vitry-le-François. (2015). 120 p. ; OPEQ, 2013[36]OPEQ. (2013). État des lieux du territoire de Vitry-le-François. Zoom sur le secteur de l’industrie, 48 p. ; Vitry-le-François, 2016[37]Vitry-le-François. (2016). Plan Local d’Urbanisme, dossier de modification, 199 p. ; INSEE, 2012[38]INSEE. (2012). Note INSEE n° 159 sur l’évolution de la démographie et des chiffres de l’emploi.). Elle a été approfondie par une série d’entretiens effectués auprès d’acteurs clés (publics et privés) du territoire, de manière à mieux appréhender le jeu d’acteurs en présence, leurs représentations du projet et de ses enjeux, leurs attentes et leur maturité quant à la question de l’écologie industrielle. Seize entretiens ont donc été menés début 2016 (entre janvier et avril) avec les organismes figurant dans le tableau en annexe. Cette étude concernait plus particulièrement la Zone Industrielle (ZI) de Vitry-Marolles[39]Située à l’est de la ville de Vitry, la zone industrielle de Vitry-Marolles s’étend sur 250 ha et deux communes de la CCVCD. Au regard des chiffres de 2011 d’ADEVA, cette ZI est la zone d’activité du Pays Vitryat qui compte le plus d’entreprises et d’emplois. Elle est dotée d’un embranchement au réseau ferroviaire de fret. Elle comprend 106 entreprises, dont de grands groupes industriels ou agro-industriels, et représente un bassin de 3 400 emplois.. L’énergéticien a laissé une large liberté aux chercheures pour effectuer leur diagnostic.
Dans le cadre de cet article, nous avons voulu explorer les interrelations entre territoires (ZI, ville, intercommunalité, pays) pour appréhender comment la structuration d’un projet de transition énergétique pouvait être prise en charge par une structure intercommunale et comment elle pouvait amener à interroger à l’échelle locale les relations métaboliques entre espaces producteurs et espaces consommateurs. À ce titre, nous avons retravaillé les documents et les entretiens pour essayer de comprendre de quelle manière la structuration du projet pouvait satisfaire un certain nombre d’attentes des usagers du territoire et se nourrir des ressources préexistantes, mais également se heurter à des difficultés procédurales mais aussi conceptuelles. Nous ne sommes donc pas seulement concentrées sur la démarche d’EIT et les résistances qu’elle pouvait rencontrer, mais nous avons élargi notre focale pour analyser globalement le processus et déceler les possibles tensions existantes.
La transition énergétique
comme stratégie de rebond d’un territoire rural
La communauté de communes Vitry, Champagne
et Der : une agglomération décroissante
qui cherche de nouvelles ressources à exploiter
Le Pays Vitryat, territoire sur lequel agit l’ADEVA (Association de Développement De Vitry et de son Arrondissement[40]Cette association, créée en 2004, est chargée de développer économiquement le territoire et d’accompagner les élus dans son aménagement. Elle entretient un rapport étroit avec la communauté de communes, les bureaux d’ADEVA se situant à la Fabrique, où sont regroupés les personnels œuvrant pour le développement économique du territoire.), compte 47 578 habitants (INSEE, 2011[41]INSEE. Notes sur l’évolution de la démographie et des chiffres de l’emploi.) répartis sur 102 communes (figure 1). Le Pays Vitryat se caractérise par une forte empreinte rurale. Le territoire est faiblement peuplé hormis la ville de Vitry. L’agriculture y est le secteur prédominant tant par son poids économique que par la surface qui y est consacrée[42]65 % de la superficie est exploitée à des fins agricoles. 25,8 % des entreprises sont issues du domaine de l’agriculture, qui compte 1 076 établissements.. Le pays recouvre trois communautés de communes, dont celle de Vitry[43]La Communauté de Communes Vitry Champagne et Der (CCVCD) compte 35 communes (26 264 habitants – INSEE, 2012) et se structure autour de la ville de Vitry-le-François (13 065 habitants, 52,5 % de la population de la communauté de communes – INSEE, 2012), quelque peu excentrée dans cet ensemble., qui constitue le pôle urbain, et trois autres plus rurales et qui ont une ingénierie moins développée.
Les niveaux de revenus de la population vitryate sont faibles. Pour l’INSEE, la zone de Vitry-le-François connaît une « précarité forte, avec un niveau de revenus faible et une disparité forte ». En 2011, la médiane des revenus déclarés en euros par unité de consommation au niveau de la ville est de 14 084 €, soit une moyenne basse en comparaison du département (19 428 €) et de la région (18 228 €). On constate un vieillissement de la population sur l’ensemble du territoire. Ainsi, la part des habitants de plus de 60 ans atteint-elle 26 %. Le territoire s’avère faiblement attractif pour les nouveaux résidants et les personnes qualifiées ; d’où la difficulté que rencontre certaines entreprises pour recruter sur certains métiers en lien avec l’énergie (frigoriste, énergéticien…).
Touché par le départ d’industries ou la suppression d’emplois, le territoire de Vitry est considéré comme en perte de vitesse et frappé par une déprise démographique et économique qui combine perte de population, d’activité et d’emplois et entraîne un phénomène global de décroissance (Wolff et al., 2013[44]Wolff M, Fol S, Roth H, Cunningham-Sabot E. (2013). « Shrinking Cities, villes en décroissance : une mesure du phénomène en France », Cybergeo : European Journal of Geography.). Dans ce contexte, plusieurs acteurs du territoire — les industriels qui continuent de croire dans les ressources matérielles et immatérielles du Pays Vitryat d’un côté, un certain nombre d’hommes/femmes politiques locaux, les cadres des collectivités territoriales de l’autre côté — n’ont pas souhaité se laisser submerger par le phénomène et par l’image négative qui, parfois, prévaut dans les discours exogènes (tenus par des personnalités hors du territoire, comme au sein du département ou dans des chambres consulaires[45]« C’est un territoire où il y a personne… Vitry, il y a eu beaucoup d’industries et ils ont du mal à ce moment » (extrait d’entretien avec un représentant d’une chambre consulaire de la Marne). « Un des [territoires de la Marne] plus difficiles quand même… Ils avaient une économie assez industrielle qui a connu d’énormes difficultés… On approche de la Haute-Marne, de la Meuse, des endroits fortement industrialisés à une époque, donc ils ont été touchés… Sur le plan environnemental, par contre, ils ont des choses intéressantes, parce qu’il y a la vallée de la Marne, le lac du Der… » (extrait d’entretien avec un représentant du conseil départemental de la Marne).). À l’instar d’autres villes (Gambérini, 2011[46]Gamberini J. (2011). « Rétrécissement urbain et conditions d’innovation pour un développement durable : le cas de l’enjeu énergie-climat », Géocarrefour, vol. 86, n° 2, p. 139-149.), ils ont essayé de transformer le constat de cette décroissance en opportunité propice à penser autrement le territoire et en nourrir une vision dynamique. Aussi ambitionnent-ils de faire connaître progressivement une transition au Pays Vitryat, transition qui lui permette de s’adapter aux nouveaux enjeux économiques, sociaux et environnementaux. Miot et Rousseau (2017[47]Miot Y, Rousseau M. (2017). « Décroître pour survivre ? Démolitions et transition énergétique à Vitry-le-François », Métropolitiques [En ligne), qui se sont spécifiquement intéressés au cas de Vitry, avancent que les pouvoirs publics locaux ont su prendre parti du phénomène de rétrécissement urbain pour mettre en place des nouvelles politiques publiques et, de ce fait, instaurer une « dynamique locale visant un redéveloppement endogène et poursuivant des objectifs environnementaux et sociaux » (Miot, Rousseau, 2017[48]Op. cit.).
Les acteurs publics, et en particulier ceux impliqués dans la communauté de communes de Vitry-Der-Champagne et dans le Pays Vitryat, voient leur territoire comme un espace en recomposition dont certaines ressources sont aujourd’hui sous-exploitées et pourraient être valorisées dans de nouveaux projets. À l’aune des travaux de Colletis et Pecqueur (2005[49]Colletis G, Pecqueur B. (2005). « Révélation de ressources spécifiques et coordination située », Économie et Institutions, n° 6 et 7, p. 51-74.), de Gumuchian et Pecqueur (2007[50]Gumuchian H, Pecqueur B. (dir.). (2007). La ressource territoriale, Paris, Anthropos.), de Bouba-Olga (2017[51]Bouba-Olga O. (2017). Dynamiques territoriales. Éloge de la diversité, Atlantique, 100 p.), la réflexion sur le contexte territorial a été un préalable à l’action collective locale, en puisant dans les ressources existantes pour les transformer en véritables actifs territoriaux mobilisables. C’est pourquoi trouver de nouveaux moyens pour attirer les entreprises et les habitants, renverser les représentations négatives du territoire, passe pour les acteurs publics du territoire de Vitry par la mise en valeur des atouts naturels et agricoles (truffières, champagne…) du territoire. Le lac de Der (lac réservoir de la Marne) est lui aussi souvent cité, d’autant qu’un certain nombre de services et d’équipements de loisirs (nautisme, pêche, casino…) ont été créés sur ses rives. L’enjeu se matérialise plus spécifiquement dans ce domaine par la volonté des élus locaux et des collectivités d’établir une stratégie touristique cohérente sur l’ensemble du territoire. En outre, l’énergie est apparue comme une autre ressource à mobiliser dans cette optique de réappropriation du destin territorial.
La structuration du projet de système décentralisé
de l’énergie : une vision territoriale systémique
Toutefois, le désir des acteurs de s’emparer de la thématique énergétique et environnementale n’a vraiment vu le jour que sur une initiative commune d’EDF et du président de la CCVCD qui ont initié, en 2014, les bases d’un projet de système énergétique décentralisé. Il y est supposé que l’environnement, et plus encore l’énergie, constituent des facteurs de développement et donc d’emplois, dans le bâtiment, la rénovation des logements. Plus encore, une telle ambition permettrait aussi d’attirer des bureaux d’études spécialisés et donc une main-d’œuvre diplômée. Mais quelles raisons ont poussé ces deux parties prenantes à structurer ce partenariat ? Le SED constitue un moyen pour un opérateur historique de l’énergie (producteur et distributeur) comme EDF de repenser sa stratégie d’implantation sur les territoires et de tester avec ses clients de nouvelles modalités de partenariat. Face à l’ouverture de la concurrence, à l’accroissement du recours aux énergies renouvelables et à la demande citoyenne et institutionnelle de structurer des systèmes plus circulaires, EDF a cherché avec le Pays Vitryat et la communauté de communes de Vitry-Der-Champagne à mettre en place un projet innovant allant de la production d’énergie à sa consommation, en intégrant les enjeux de diminution de la consommation et ceux du partage de certains flux entre acteurs économiques.
Le président de la communauté de communes, figure politique locale charismatique, est convaincu qu’il faut trouver de nouvelles voies de développement pour son territoire, qu’il ne peut rester passif face aux décisions d’entreprises de quitter le territoire. Il a de fait réussi à convaincre les autres acteurs politiques et à travailler de concert avec le Pays Vitryat pour s’engager dans ce projet et favoriser la transition énergétique comme stratégie globale de rebond.
À partir de cette dynamique initiale qui lançait le territoire et l’ensemble des acteurs (petites communes, entreprises, etc.) vers une transition énergétique construite localement, va s’enclencher un processus de diagnostic de la situation énergétique et de définition par ADEVA et la communauté de communes d’objectifs déclinés en actions[52]Le territoire d’action envisagé est le pays, mais l’incarnation politique reste du côté d’une des intercommunalités de ce territoire. De même, c’est au niveau de la CCVCD que l’ingénierie est la plus mobilisée, même si le travail d’ADEVA sur le développement économique s’avère non négligeable.. Le but général était de penser la transition énergétique sur le territoire de la production de l’énergie (favoriser les énergies renouvelables comme la méthanisation, l’hydraulique, l’éolien[53]Plusieurs communes sont couvertes par une zone de développement de l’éolien et situées en zone favorable au schéma régional éolien.…) à sa consommation, en intégrant les enjeux techniques, économiques et humains (usages, mobilités…). Sept thématiques centrales ont été ciblées, et pour chacune, des interlocuteurs dédiés ont été désignés au sein de la CCVCD, d’ADEVA ou d’autres partenaires : les (ré)aménagements urbains, la restructuration du réseau de chaleur, la rénovation du bâti, la maîtrise de l’énergie, la consolidation de nouvelles modalités de production, l’aide à la structuration de filières nouvelles répondant aux enjeux de l’économie circulaire, de l’écologie industrielle et de la valorisation des agro-ressources, et le soutien à des projets innovants dans le domaine notamment de la mobilité. La figure ci-après donne un aperçu des projets visés.
La situation énergétique telle qu’on peut la découvrir dans le contrat rural du Pays Vitryat met en exergue plusieurs aspects à traiter concomitamment. Le premier est que « la majeure partie de la consommation résidentielle est imputable aux maisons et au secteur privé. Les résidences individuelles construites avant 1948 représentent à elles seules environ 35 % de la consommation résidentielle du Pays Vitryat » (ADEVA, 2017[54]ADEVA. (2017). Diagnostic socio-économique. État des lieux des principales tendances qui caractérisent le bassin vitryat [En ligne). La ville de Vitry présente une situation particulière avec une forte présence d’immeubles collectifs construits de 1949 à 1974, qui génèrent une consommation élevée par rapport à la moyenne française en raison des matériaux de construction utilisés. Le second est l’incapacité au moment du projet à correctement mobiliser les différentes ressources du territoire (bois, produits agricoles…) pour favoriser l’économie locale. En outre, malgré la présence d’éoliennes, les retombées économiques de ce secteur restent limitées, car la chaîne de valeur de production et de maintenance n’est pas présente sur le territoire. Par ailleurs, on note que les activités industrielles sont très consommatrices en énergie et qu’un effort pourrait être réalisé de ce point de vue.
L’ambition portée par le SED est de structurer une réponse globale pour répondre à ces traits caractéristiques. Il doit se concrétiser du point de vue de l’urbanisme, sur la planification et sur les opérations à mener (opération de réhabilitation urbaine de plusieurs quartiers, rénovation des logements anciens privés et publics, restructuration du port). Ainsi, par exemple, le plan de rénovation urbaine de Vitry-le-François et l’opération programmée d’amélioration de l’habitat développement durable sont couplés à un programme de rénovation thermique et d’économie d’énergie qui doit être une modalité de lutte contre la précarité énergétique. De même, la réhabilitation et l’extension du réseau de chaleur biomasse pour desservir les logements et les équipements publics (Contrat de ville 2015[55]Contrat de ville 2015-2020 Vitry-le-François, 120 p.) participeront également de cette stratégie énergétique.
La prise en charge de la valorisation des ressources locales se solde par la volonté de créer une dynamique d’économie circulaire et de consommation locale au travers de projets comme la création d’une AMAP Bio à Vitry-le-François, la construction d’une cuisine centrale pouvant participer à développer les circuits de proximité, etc. Les collectivités (pays, communautés de communes et communes) veulent favoriser le développement des productions et filières de matériaux bio-sourcés et sensibiliser dans le même temps les agriculteurs à l’intérêt de préserver la biodiversité. Ces actions doivent favoriser un métabolisme territorial moins énergétivore (moins consommateur d’énergie) et moins tourné vers l’extérieur, en réconciliant besoins de la ville et productions de l’agriculture/sylviculture.
Concernant la consommation énergétique importante par l’industrie, la solution choisie repose sur le développement d’une logique d’écologie industrielle sur la ZI Vitry-Marolles. Concrètement, la collectivité souhaite inciter les entreprises à définir une initiative de gestion collective des déchets, la création d’un réseau de chaleur, la mise en commun d’infrastructures et de services (blanchisserie, espaces verts, restaurant d’entreprise…), un plan de déplacements inter-entreprises… Pour ce faire, la communauté de communes a instauré une phase préalable de sensibilisation et d’apprentissage réciproque. Sous l’impulsion d’EDF qui connaissait l’expérience et l’expertise du département de l’Aube au travers de son club d’écologie industrielle de l’Aube et de l’Université de Technologie de Troyes (UTT) sur les questions d’EIT, elle a recruté une stagiaire issue d’un master de l’UTT et financé une mission d’accompagnement par des chercheurs qui a permis la réalisation de cette étude.
Le représentant d’EDF était conscient de l’importance des recommandations académiques sur la structuration de projets d’EIT : celles-ci soulignent que les problématiques techniques et économiques sont souvent mises en avant au détriment des enjeux humains (Boons et Baas, 1997[56]Boons F, Baas LW. (1997). “Types of industrial ecology: the problem of coordination”, Journal of Cleaner Production, n° 5, p. 79-86.). Il avait aussi intégré la nécessité de créer les moyens d’une réelle interconnaissance entre acteurs afin de construire des linéaments d’une relation de confiance (Beaurain et Brullot, 2011[57]Beaurain C, Brullot S. (2011). L’écologie industrielle comme processus de développement territorial, Revue d’économie régionale et urbaine, n° 2, p. 313-340. ; Gobert et Brullot, 2017[58]Op. cit.). Aussi, la proximité géographique n’est-elle pas la seule condition à la mise en place de synergies ; elle se fait dans des cadres relationnels déjà établis et souvent une certaine proximité organisationnelle[59]La proximité organisationnelle est un construit social qui apparaît au travers des relations que tissent les acteurs et des règles qu’ils peuvent instaurer quand ils décident de travailler ensemble (Rallet A, Torre A. (1995). Économie industrielle et économie spatiale, Paris, Économica).. La collectivité s’est efforcée de structurer un réseau d’écologie industrielle dans cette perspective.
Le SED s’avère pluriel dans ses objectifs, en intégrant une nouvelle appréhension de l’aménagement du territoire, de ses ressources, de ses infrastructures, en faisant jouer les échelles : certains enjeux visent le pays dans sa dimension rurale, d’autres le territoire proprement urbain de Vitry, d’autres encore l’échelle inférieure, celle de la zone industrielle. Reste la question de la relation entre ces échelles et donc des projets, abordée dans la partie 3.
Arrangement politico-administratif
et storytelling territorial
autour de la transition énergétique
Le SED est porté par les acteurs publics (la communauté de communes, le Pays Vitryat, les élus) qui partagent un certain nombre de croyances et d’objectifs communs. À l’instar de Faure et Négrier (2013[60]Faure A, Négrier E. (2013). Croyances politiques et territoires, rapport de recherche, 27 p.), « Les croyances politiques territorialisées expriment à la fois une représentation du monde et une dimension de l’agir local. (…) Les données sociopolitiques, les croyances politiques jouent un rôle constitutif des lieux ». Par leurs croyances et leurs attentes (Borup et al., 2006[61]Borup M, Brown N, Konrad K, Van Lente H. (2016). « The Sociology of Expectations in Science and Technology », Technology Analysis & Strategic Management, vol. 18, n° 3/4, p. 285-298. ; Lazarevic, 2017[62]Lazarevic D, Valve H. (2017). “Narrating expectations for the circular economy: Towards a common and contested European transition”, Energy Research & Social Science [En ligne), les acteurs de la transition énergétique espèrent créer un cercle vertueux de coopération et d’action ayant pour bases la transition énergétique et l’économie circulaire. Ils souhaitent également redonner au territoire vitryat une impulsion et une image positive.
Le projet SED permet à ces acteurs locaux de faire du marketing territorial et de s’inscrire ainsi dans une « démarche volontariste d’énonciation et de fabrication initiée et développée par les acteurs institutionnels[63]Référence à l’appel à contribution du colloque « Territoires fabriqués/Territoires instrumentalisés » qui s’est tenu à Vannes en juin 2017. ». À cette fin, ils interprètent le territoire, son passé et son futur pour servir leur projet. Le pays vitryat possèderait historiquement une culture de l’énergie et de la valorisation énergétique des ressources, sur laquelle le SED ne fait que s’appuyer : la culture du peuplier, la mise en place de la première chaufferie bois sous l’initiative de Vitry Habitat[64]Société d’habitat social de droit privé qui regroupe 4 400 logements., l’installation de grands sites éoliens sur le territoire de Vitry… « Travailler sur l’énergie, c’est travailler sur le modèle… Dans une collectivité, être partenaire sur l’énergie, c’est se réapproprier l’énergie ou se l’approprier… ne plus être consommateur… uniquement ! Forcément, on sera toujours consommateur, mais aussi producteur. La stratégie, c’est consommer, c’est consommer mieux ! » (représentant élu de la CCVCD, janvier 2016).
Un ensemble d’événements ont consolidé cette volonté et ce discours et incarnent cette logique vertueuse de mieux ancrer les filières et chaînes de valeur sur le territoire afin de pouvoir en recueillir les retombées : l’émergence d’un bureau d’étude dans le domaine de l’énergie[65]L’entreprise Haffner Energy intervient dans la conception et réalisation de centrales de production d’énergie., la labellisation du projet Vitry hydrogène en 2016[66]Le label « Territoire Hydrogène » doit permettre un accompagnement financier et juridique des projets retenus par les ministères en charge du Développement durable et de l’Industrie, le Commissariat Général à l’Investissement (CGI), l’ADEME, BPI France, la Caisse des dépôts et consignations. (avec le démarrage d’un démonstrateur en 2018 destiné à produire de l’hydrogène vert destiné à la mobilité à partir de ressources renouvelables biomasse), la structuration d’un centre de maintenance en éolien se soldant par la création de dix emplois.
Dans le même temps, les collectivités ont dû consentir certains efforts en interne afin de pouvoir concrétiser le SED. En effet, si l’entreprise EDF a impulsé la dynamique au départ, finançant un audit et un accompagnement par l’université, elle s’est peu à peu éloignée pour laisser les acteurs du territoire structurer et réaliser les objectifs. Elle a été peu présente par la suite, laissant la communauté de communes dans une certaine incertitude. Les acteurs publics ont donc articulé leurs efforts par un « arrangement politico-administratif » (Knoepfel et al., 2006[67]Knoepfel P, Larrue C, Varone F. (2006). Analyse et pilotage des politiques publiques, Ed. Rüegger, 384 p.) pour être en capacité de répondre aux objectifs ; c’est pourquoi ils se sont ingéniés à obtenir des financements ponctuels complémentaires (par le biais des appels à projet, notamment). « C’est EDF qui produit l’énergie. Il nous a apporté sa force de frappe, il nous a aidés à mobiliser nos ressources internes à la collectivité locale et à nous doter de ressources humaines au travers d’un partenariat… parce qu’on a fait un partenariat 50/50. EDF est venu avec son modèle, ses équipes, et cela nous a permis d’appréhender la consommation d’électricité avec une vision prospective à 10 ans, à 15 ans, comment ça va évoluer dans l’industrie » (CCVCD, janvier 2016).
La soumission de réponses à un certain nombre d’appels à projets et leur obtention ont ainsi permis d’obtenir des moyens en fonctionnement et de renforcer les compétences internes (Nadaï et al., 2015[68]Nadaï A, Labussière O, Debourdeau A et al. (2015). “French Policy Localism: Surfing on ‘Positive Energie Territories’ (Tepos)”, Energy Policy, vol. 78, p. 281-290.). Le territoire a ainsi été lauréat, en 2015, de l’appel à projets « Territoires à Énergie Positive pour la Croissance Verte[69]Le projet concernait ici le changement des luminaires existants par des LED ; une étude de faisabilité et de mise en œuvre d’un schéma de mobilité durable ; le remplacement des chaudières à fuel des bâtiments municipaux par des pompes à chaleur. », ainsi que de l’appel à projet ADEME régional sur l’économie circulaire (sur deux axes : gestion des déchets et écologie industrielle[70]L’État est présent en filigrane dans ces projets car il finance une partie des actions, fournit certains appuis opérationnels et cherche à favoriser les échanges entre collectivités, que ce soit par le biais de la DRÉAL ou de l’ADEME. Ce qui rejoint l’analyse de Poupeau d’une administration d’État qui ne s’efface pas mais agit différemment sur les territoires (Poupeau FM. (2013). « Quand l’État territorialise la politique énergétique. L’expérience des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie », Politiques et management public, vol. 30/4).) et a pu trouver des financements de postes dédiés pour l’ingénierie de projet d’économie circulaire.
Le schéma ci-après présente les liens et les intentions de chaque groupe d’acteurs dans la dynamique du SED et donne à voir le système d’acteurs initiateurs (EDF et CCVCD) et d’acteurs suiveurs du projet de transition énergétique. La DREAL et l’ADEME se sont montrées bienveillantes à l’égard des projets de ce territoire rural, considérant qu’il était rare d’assister à un tel volontarisme sur un territoire. Le lien aux acteurs économiques a été plus compliqué, comme nous l’expliquerons ci-après.
Ce storytelling et cet arrangement politico-administratif tournés vers la transition énergétique permettent aux collectivités vitryates d’affirmer leur identité dans un contexte fortement tourmenté — la redéfinition de la carte des régions et des intercommunalités laissant percevoir de possibles pertes d’influence — et de lutter contre l’incertitude ainsi créée. L’impératif de la transition énergétique, qui transparaît dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dans les programmes de l’ADEME, a été apprécié comme une opportunité à saisir pour creuser le sillon déjà tracé par le SED de requalification et de redynamisation du territoire. Mais ce volontarisme se heurte à de puissants freins, dont le premier est que tout n’est pas du ressort des collectivités et qu’il faut donc qu’elles intègrent les autres acteurs.
Transition énergétique et reconfiguration des rapports
entre acteurs et territoires
Comme exprimé dans la partie précédente, le SED contient un objectif de restructuration du système sociotechnique énergétique vitryat et, par là-même, des rapports entre territoires au sein de ce même espace (espaces ruraux, espaces urbains). Les collectivités publiques parties prenantes, le Pays Vitryat, les communautés de communes et les communes, se sont reposés sur les « conditions territoriales de possibilité » (Fortin et al., 2016[71]Fortin MJ, Fournis Y, L’Italien F (dir.). (2016). La transition énergétique en chantier. Les configurations institutionnelles et territoriales de l’énergie, Presses de l’Université Laval, 200 p.), utilisant les ressources existantes et cherchant à combler celles dont l’absence pose problème (ingénierie de projet, compétences sur l’énergie), notamment par la réponse à des appels à projet. Au demeurant, la transition énergétique est supposée mettre au jour de nouveaux collectifs d’action (Labussière, 2016[72]Op. cit.), dans la mesure où les collectivités ne sont pas omnipotentes et doivent agir avec les autres acteurs du territoire. Pour les questions d’écologie industrielle, par exemple, la communauté de communes ne bénéficie pas de tous les leviers d’action et souhaite agir au titre d’intermédiaire. Mais cette volonté se heurte à plusieurs limites explorées ci-après.
Un processus qui peine à réinventer
le métabolisme territorial entre urbain et rural
Le SED est supposé concrétiser sur le territoire de Vitry des objectifs d’économie circulaire et singulièrement d’écologie industrielle comme modalités de transition énergétique. Mais il bénéficie d’une notoriété très relative. D’une part, parce que le terme même n’est pas transparent, d’autre part, parce que la communauté de communes, considérant le projet comme complexe, préfère mettre en avant ponctuellement certains projets, considérés comme plus parlants pour les habitants ou les acteurs économiques que la dynamique globale.
« Système énergétique décentralisé » n’est pas un terme et un concept évident à saisir : que recoupe ce projet ? Les enjeux terminologiques sont porteurs de sens à la fois pour ceux à l’initiative des projets et ceux qui s’y intéressent et s’y impliquent. Or rares étaient les personnes interrogées lors de l’enquête, hormis celles travaillant pour les collectivités locales, qui comprenaient les enjeux du SED. Plus généralement, dans les entretiens avec les entreprises, un besoin de clarification des orientations et des objectifs du SED apparaissait assez clairement. Le projet de territoire, mal compris, génère beaucoup de questions, voire une certaine méfiance, notamment en raison du rôle non explicite d’EDF qui en est l’instigateur. Aussi le projet n’est-il pas toujours perçu comme un moyen global de faire rebondir le territoire, contrairement à ce qu’en pensent les acteurs publics.
En outre, il émane des entretiens l’aspiration que la structuration d’un projet global d’économie circulaire se fasse avec les acteurs présents sur le territoire. Par exemple, le secteur agricole craint, en ce qui concerne la méthanisation, l’arrivée d’« industriels purs et durs » (entretien avec un représentant d’une coopérative agricole du territoire) qui déstructureraient les gisements existants et qui partiraient dès que les projets auraient perdu leur compétitivité, laissant exsangue le territoire. Les représentants du secteur agricole préfèrent, à ce titre, que l’initiative soit portée par des acteurs locaux et prenne en compte dès le départ toutes les contraintes possibles (acceptabilité sociale, valorisation de l’ensemble des flux…). Ils craignent également la compétition sur les gisements (notamment de biomasse ou les extensions de chaufferie, de méthanisation…) ; d’où l’enjeu d’une information sur l’ensemble des projets et l’émergence d’un système de la gouvernance impliquant toutes les parties prenantes. Mais le projet global d’économie circulaire structuré par l’agglomération reste parcellisé par objectifs. C’est pourquoi il est perçu comme très segmenté par les acteurs privés et ne semble pas répondre à leurs problématiques et aux caractéristiques territoriales. Il ne donne pas la possibilité en l’état de faire le lien entre des ressources locales qui pourraient révélées et/ou être exploitées différemment, et leur usage (Pecqueur, 2001[73]Op. cit.).
Par exemple, chercher à instaurer une cuisine centrale avec un approvisionnement plus local ou à créer une AMAP basée sur des productions locales du territoire peut apparaître comme de réelles avancées d’un point de vue conceptuel. Mais ces projets, qui viennent des chargés de mission du développement économique et d’écologie industrielle, n’ont pas été assez partagés avec les acteurs agricoles. D’autre part, l’agriculture en tant que telle reste un angle mort du discours des techniciens des collectivités et des industriels (y compris agro-industriels) qui appliquent une vision à certains égards dénaturée et déshumanisée du monde agricole. Ils conçoivent l’espace agricole comme un espace de gisement qui devrait être tourné plus immédiatement sur les besoins de la ville en termes d’énergie, d’approvisionnement alimentaire, mais sans y intégrer les acteurs (agriculteurs, coopératives) et sans penser les changements que cela induit (en termes de filière, de redistribution de la valeur). L’acteur public impose d’avantage ses vues et reprend les bonnes pratiques véhiculées dans l’information sur l’économie circulaire sans intégrer les spécificités du territoire, sans passer par une participation élargie des acteurs dès la conception des projets. Cette manière de procéder peut provoquer quelques incompréhensions, comme l’illustre l’extrait d’entretien suivant : « Avec la com com sur les circuits courts, sur la restauration collective de proximité… cela n’a pas avancé… Les élus ne savaient pas trop ce qu’ils voulaient ; nous, on a laissé parce qu’il fallait qu’eux aussi se décident… après on a eu un débat chez nous… Pour eux, les produits de proximité étaient issus de grossistes présents sur le territoire, pour d’autres, c’étaient les agriculteurs… Donc nous, si c’est les grossistes, on ne peut pas vous aider. » (entretien au sein de la chambre d’agriculture, janvier 2016).
Le souhait de mobiliser les ressources locales afin de poser les fondamentaux d’une économie circulaire ne peut se réaliser qu’en accord avec ceux qui en disposent et qui les gèrent, au risque sinon de poser des problèmes d’acceptabilité (La Branche, Bosboeuf, 2017[74]La Branche S, Bosboeuf P. (2007). « La prise en main de l’énergie par les collectivités territoriales : freins et moteurs », Environnement Urbain/Urban Environment, vol. 11.). D’où l’enjeu de structurer des collectifs qui définissent plus clairement les projets plutôt que de les imposer d’en haut (Rumpala, 2013[75]Rumpala Y. (2013). « Formes alternatives de production énergétique et reconfigurations politiques. La sociologie des énergies alternatives comme étude des potentialités de réorganisation du collectif », Flux, n° 92, p. 47-61.). Or, dans le cas présent, le projet se heurte à une lacune dans le partage d’informations et dans l’ouverture de la prise de décision.
Quand l’écologie industrielle résonne différemment
entre acteurs publics et économiques du territoire
Le décalage qui peut exister entre collectivités publiques et acteurs privés dans les attentes et dans les manières de penser la transition se retrouve également dans la démarche d’écologie industrielle. Ainsi, la collectivité a-t-elle dégagé des thématiques de travail dont l’une concernait l’écologie industrielle, afin de travailler avec les acteurs de la zone industrielle en suscitant l’implication des entreprises. Cependant, le calendrier proposé s’est avéré peu adapté pour les acteurs privés, vraisemblablement trop rapide pour parvenir à les sensibiliser sur les principes d’EIT, à les former puis à les mobiliser. Qui plus est, il existe une discordance entre les thématiques envisagées et les besoins identifiés par les entreprises. La collectivité a voulu concentrer sa démarche d’EIT sur la zone industrielle parce que les acteurs présents sont très consommateurs en énergie. Cette dernière constitue en outre une ligne budgétaire conséquente pour les entreprises. Pour autant, celles-ci n’envisagent pas la problématique sous le même prisme que les pouvoirs publics. Certaines ont trouvé des solutions par elles-mêmes, satisfaisant leurs problématiques spécifiques.
De fait, un certain nombre d’entreprises de la zone mènent des projets d’optimisation industrielle pour baisser les coûts de l’énergie et pour limiter les déchets en interne[76]En 2013, une entreprise agroalimentaire et un fournisseur d’énergie ont inauguré une nouvelle chaufferie à bois. Par ailleurs, la malterie valorise ses boues au travers de l’épandage dans les champs (2013). Une autre entreprise a cherché à limiter ses déchets plastiques par différents moyens. Cependant, toutes les fibres polyester ne peuvent être valorisées à l’heure actuelle et deviennent un déchet banal. Une entreprise de bâtiments publics récupère les eaux usées de sa centrale à béton, concasse les déchets de bâtiments et les réintègre dans ces matériaux… Un agriculteur, par le biais d’une société par action simplifiée, prépare la création d’une unité de méthanisation sur la zone industrielle Vitry-Marolles.. Or ces projets peuvent être des bases utiles pour penser des synergies qui ne soient pas imposées d’en haut (Boons et Baas, 1997[77]Op. cit. ; Gobert et Brullot, 2017[78]Op. cit.).
Par ailleurs, l’énergie n’est pas nécessairement le sujet le plus porteur en termes de mutualisation ou d’échanges de flux au moment de l’enquête ; d’autres sujets collectifs dont la gestion pourrait être mutualisée préoccupent les entreprises. La sécurité des sites a été une problématique qui a justifié la création d’un club d’entreprises. Aujourd’hui, d’autres questions pourraient recevoir une solution bilatérale ou multilatérale (gestion de certains déchets, construction d’une cantine collective…). « Justement, une de mes attentes de ce « projet écologique », [c’est d’] essayer de centraliser ou de faire des regroupements. Nous, on a la chance d’être à côté d’un ferrailleur, donc au niveau des contrats, c’est plus facile. Il ne fait pas que l’acier ou que l’alu, il traite aussi les papiers, les choses comme ça, donc c’est bien. Mais sur d’autres déchets DIS ou DIB, le coût de traitement est assez cher, si on pouvait centraliser ou faire des regroupements, ce serait bien. » (responsable RSE d’une entreprise).
L’intercommunalité ne défrichait pas le sujet de l’écologie industrielle au niveau de la zone d’activité. Précédemment, les entreprises en lien avec la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Marne (CCI) avaient organisé des réunions et réfléchi aux potentielles actions communes qui auraient eu du sens au regard des moyens et du temps que les entreprises pouvaient y consacrer. Ces pistes de réflexion préalables ont peu été prises en compte par la communauté de communes. La mésentente tacite entre la CCI et la CCVCD a eu d’ailleurs des incidences dans la volonté de faire et de s’impliquer des entreprises[79]Ce constat vaut pour la période d’étude allant jusqu’à juillet 2016., car n’apparaissait pas clairement le rôle que voulait jouer la CCVCD : (co)animation, portage ou lancement et retrait…
Globalement, ces petites dissonances montrent qu’une initiative d’écologie industrielle qui transcende la seule sphère publique peut rarement être planifiée et décidée indépendamment des besoins et des motivations des entreprises. Une démarche d’EIT n’a de sens que collectivement construite (Buclet, 2011[80]Buclet N. (2011). Écologie industrielle et territoriale, stratégies locales pour un développement durable, Presses Universitaires du Septentrion.), et ce même si l’impulsion vient d’en haut.
Aussi la transition énergétique et l’économie circulaire, bien qu’elles puissent avoir une influence réelle sur l’aménagement (penser les réseaux autrement, rapprocher les lieux de production d’énergie comme le permettent les énergies renouvelables…), ne demandent pas seulement du fond (des actions cibles) mais aussi des savoir-faire ensemble (dès l’initiation des idées) qui n’ont pas encore été acquis et structurés.
Conclusion
Cet article a cherché à investiguer la manière d’envisager et d’appliquer un projet systémique de transition énergétique à l’échelle d’une collectivité locale, subissant des difficultés économiques et une décroissance démographique. L’objectif était, d’une part, de décrypter l’arrangement politico-administratif déployé, les ambitions en termes d’aménagement et la narration qu’en faisaient les acteurs impliqués dans le but de renforcer leur attractivité. Ce décryptage a montré, d’une part, que les collectivités locales ont trouvé là un moyen de réinvestir leur destinée territoriale en mettant en place un ensemble d’actions et en délivrant une narration maîtrisée de leur stratégie. Pour autant, le projet de SED, dessiné par les acteurs publics en lien étroit avec une entreprise importante de l’énergie, n’a pas (encore) rencontré son public cible et ses acteurs opérationnels. En effet, en voulant répliquer les bonnes pratiques, les acteurs publics n’ont pas pris la température de leur territoire et des acteurs présents. Le manque d’ingénierie locale et les lacunes procédurales et substantielles ont de fait constitué un frein au déploiement et à la réussite d’un tel projet.
Aussi, dans la mesure où la stratégie de transition énergétique sert ici davantage un objectif de reconstruction de l’attractivité territoriale[81]« À l’échelle locale, l’environnement occupe encore souvent le rôle de support de légitimation de politiques sectorielles, largement permis par la diffusion de notions polysémiques comme le développement durable, la nouvelle gouvernance environnementale ou la gestion intégrée » (Bombenger PH, Larrue C. (2014). « Introduction. Quand les territoires font face aux nouveaux enjeux de l’environnement », Natures Sciences Sociétés, n° 22, p. 189-194.), elle n’atteint finalement pas les objectifs assignés : repenser les manières d’agir et de penser l’espace et son aménagement, ainsi que les interdépendances entre territoires. Les marges de progression existent puisqu’il s’agit d’un processus à l’œuvre qui pourra être complété par la création de véritables communautés de pratiques et d’actions réunissant acteurs publics, privés, experts et citoyens (Wenger, 1998[82]Wenger E. (1998). Communities of practice: learning, meaning, and identity, Cambridge, UK, Cambridge University Press, 318 p.).
Plus globalement, l’analyse tend à montrer qu’on n’assiste qu’aux prémices de la restructuration des systèmes sociotechniques énergétiques sur les territoires. Les collectivités locales, par leurs tentatives, notamment celle d’entremêler fortement économie circulaire et transition énergétique, ouvrent un champ des possibles tout en s’efforçant de s’approprier des compétences que la loi de nationalisation de 1946 leur avait fait perdre. Elles sont amenées à faire dialoguer des domaines qui étaient relativement étanches (développement économique, logement, environnement…) et à structurer de nouvelles relations aux acteurs privés (dans notre cas aux entreprises). Ce changement dans les modalités d’agir et de penser le territoire (les ressources et leur usage à un niveau plus local) ne se réalise pas selon une trajectoire en ligne droite, mais de manière incrémentale. Il ne permet pas encore d’atteindre un objectif tacite : renouer les liens métaboliques et circulariser les flux à l’échelle territoriale entre milieu urbain et rural.
Annexe : Tableau des entretiens menés pour l’étude.
[1] Bertrand F, Rocher L. (2013). Les territoires face aux changements climatiques : une première génération d’initiatives locales, Éditions Peter Lang, coll. ÉcoPolis.
[2] Saujot M, Rudinger A, Guerry A. (2014). Gouvernance locale de l’énergie : clarification des enjeux et illustration par la planification territoriale, IDDRI Sciences Po, 15 p.
[3] Canévet C, Duthoit V, Labarthe J, Waintrater A. (2012). « Entre autonomie et solidarités territoriales, quelle gouvernance énergétique dans les territoires urbains ? », Étude ACUF-AMGVF-INET.
[4] Boiteau C. (2015). « Énergie et développement durable », Revue française d’administration publique, n° 156, p. 1077-1084.
[5] Loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, du 27 janvier 2014 (loi n° 2014‑58, dite « loi MAPTAM ») et loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, du 7 août 2015 (loi n° 2015‑991, dite « loi NOTRe ».
[6] ADEME Nord-Pas-de-Calais-Picardie. (2016). Planification et programmation énergétique territoriale : guide technique de réalisation, 32 p.
[7] Izard C (dir.). (2016). « Nouvelles compétences Climat-énergie des collectivités territoriales : loi NOTRe, transition énergétique : quels impacts pour les territoires ? », Réseau Action Climat-France, 21 p. [En ligne]. Disponible sur : http://rac-f.org/Nouvelles-competences-climat-energie-des-collectivites-territoriales
[8] Étude financée par EDF pour accompagner la communauté de communes. Coordinatrices : Sabrina Brullot et Julie Gobert. Entretiens effectués par Julie Gobert. Nouveau travail d’analyse réalisé en 2017 dans le cadre d’une réflexion sur énergie et collectivité territoriales par Hiba Chakar et Julie Gobert et qui a permis l’émergence de cet article.
[9] Poupeau FM. (2014). “Central-Local Relations in French Energy Policy-Making: Towards a New Pattern of Territorial Governance”, Environmental Policy and Governance, n° 24(3), p. 155-168.
[10] Dobigny L. (2009). « Changement énergétique et rapport au monde », dans Menozzi MJ, Flipo F, Pecaud D. (dir.), Énergie et société : sciences, gouvernances et usages, Aix-en-Provence, Édisud, p. 215-224.
[11] Pecqueur B. (2001). « Qualité et développement territorial : l’hypothèse du panier de biens et de services territorialisés », Économie rurale, n° 261(1), p. 37-49.
[12] Allais R, Reyes T, Roucoules L. (2015). “Inclusion of territorial ressources in the product development process”, Journal of cleaner production, n° 94, p. 187-197.
[13] Nevens F, Frantzeskaki N, Gorissen L, Loorbach D. (2013). “Urban Transition Labs: co-creating transformative action for sustainable cities”, J. Clean. Prod., n° 50, p. 111-122.
[14] Jaglin S. (2014). “Urban energy policies and the governance of multilevel issues in Cape Town”, Urban Study, n° 51, p. 1394-1414.
[15] Debizet G, Tabourdeau A, Gauthier C, Menanteau P. (2016). “Spatial processes in urban energy transitions: considering an assemblage of Socio-Energetic Nodes”, Journal of Cleaner Production, vol. 134, p. 330-341.
[16] Rocher L. (2013). « Le chauffage urbain dans la transition énergétique : des reconfigurations entre flux et réseau », Flux, n° 92, p. 23-35.
[17] Coutard O, Rutherford J. (2010). “Energy Transition and City Region Planning: Understanding the Spatial Politics of Systemic Change”. Technology Analysis and strategic Management, vol. 22, n° 6, p. 711-727.
[18] Op. cit.
[19] Roudil N. (2017). « Introduction. Villes, territoires et énergies : enjeux et défis actuels », Géographie, économie, société, vol. 20, p. 157-171.
[20] Hodson M, Marvin A. (2010). “Can cities shape socio-technical transitions and how would we know if they were?”, Research Policy, n° 39(4) , p. 477-485.
[21] Op. cit.
[22] Calvert K, Mabee W. (2014). « Energy transition management as a ‘spatial strategy’? Geographical implications of the Environmental Politics », working paper, 14 p.
[23] Barles S. (2014). « L’écologie territoriale et les enjeux de la dématérialisation des sociétés : l’apport de l’analyse des flux de matières », Développement durable et territoires, vol. 5, n° 1.
[24] Paola P, Carreón J, Boer H. (2017). “A multi-level framework for metabolism in urban energy systems from an ecological perspective”, Resources, Conservation and Recycling, n° 132, p. 230-238.
[25] Raineau L. (2011). « Vers une transition énergétique ? », Natures Sciences Sociétés, vol. 19, n° 2, p. 133-143.
[26] Gobert J, Brullot S. (2017). « La mobilisation du capital territorial pour le développement d’une logique d’EIT », Revue d’économie régionale et urbaine, n° 5, p. 881-903.
[27] Cerceau J, Junqua G, Gonzalez C et al. (2014). « Quel territoire pour quelle écologie industrielle ? Contribution à la définition du territoire en écologie industrielle », Développement durable et territoires, vol. 5, n° 1.
[28] Jacobsen N, Anderberg S. (2004). “Understanding the evolution of industrial symbiotic: the case of Kalundborg”, dans Van Der Bergh J, Janssen M (dir.), Economics of industrial ecology: Materials, structural change, and spatial scales, Cambridge, MIT Press, p. 313-336.
[29] Évrard, A. (2016). « Définir la transition énergétique, décrypter un consensus ambigu. Le cas de l’Allemagne et de la France », dans Fortin MJ, Fournis Y, L’Italien F. (dir.), La transition énergétique en chantier. Les configurations institutionnelles et territoriales de l’énergie, Presses de l’Université Laval, p. 67-82.
[30] Labussière O. (2016). « Transition énergétique et reconfigurations d’accès à l’énergie », dans Fortin MJ, Fournis Y, L’Italien F. (dir.), La transition énergétique en chantier. Les configurations institutionnelles et territoriales de l’énergie, Presses de l’Université Laval, p. 31-50.
[31] Communauté de communes de Vitry, Champagne et Der. (2014). Actualisation du programme de mandature, 28 p.
[32] Communauté de communes de Vitry, Champagne et Der. (2015). Dossier de candidature à l’appel à projets ADEME sur l’économie circulaire Champagne-Ardenne, 31 p.
[33] Communauté de communes de Vitry, Champagne et Der. (2016). Projet de territoire, actualisation, 73 p.
[34] Contrat de ruralité du Pays Vitryat. (2017). Accord-cadre, 2017-2022, 97 p.
[35] Contrat de ville 2015-2020 Vitry-le-François. (2015). 120 p.
[36] OPEQ. (2013). État des lieux du territoire de Vitry-le-François. Zoom sur le secteur de l’industrie, 48 p.
[37] Vitry-le-François. (2016). Plan Local d’Urbanisme, dossier de modification, 199 p.
[38] INSEE. (2012). Note INSEE n° 159 sur l’évolution de la démographie et des chiffres de l’emploi.
[39] Située à l’est de la ville de Vitry, la zone industrielle de Vitry-Marolles s’étend sur 250 ha et deux communes de la CCVCD. Au regard des chiffres de 2011 d’ADEVA, cette ZI est la zone d’activité du Pays Vitryat qui compte le plus d’entreprises et d’emplois. Elle est dotée d’un embranchement au réseau ferroviaire de fret. Elle comprend 106 entreprises, dont de grands groupes industriels ou agro-industriels, et représente un bassin de 3 400 emplois.
[40] Cette association, créée en 2004, est chargée de développer économiquement le territoire et d’accompagner les élus dans son aménagement. Elle entretient un rapport étroit avec la communauté de communes, les bureaux d’ADEVA se situant à la Fabrique, où sont regroupés les personnels œuvrant pour le développement économique du territoire.
[41] INSEE. Notes sur l’évolution de la démographie et des chiffres de l’emploi.
[42] 65 % de la superficie est exploitée à des fins agricoles. 25,8 % des entreprises sont issues du domaine de l’agriculture, qui compte 1 076 établissements.
[43] La Communauté de Communes Vitry Champagne et Der (CCVCD) compte 35 communes (26 264 habitants – INSEE, 2012) et se structure autour de la ville de Vitry-le-François (13 065 habitants, 52,5 % de la population de la communauté de communes – INSEE, 2012), quelque peu excentrée dans cet ensemble.
[44] Wolff M, Fol S, Roth H, Cunningham-Sabot E. (2013). « Shrinking Cities, villes en décroissance : une mesure du phénomène en France », Cybergeo : European Journal of Geography.
[45] « C’est un territoire où il y a personne… Vitry, il y a eu beaucoup d’industries et ils ont du mal à ce moment » (extrait d’entretien avec un représentant d’une chambre consulaire de la Marne). « Un des [territoires de la Marne] plus difficiles quand même… Ils avaient une économie assez industrielle qui a connu d’énormes difficultés… On approche de la Haute-Marne, de la Meuse, des endroits fortement industrialisés à une époque, donc ils ont été touchés… Sur le plan environnemental, par contre, ils ont des choses intéressantes, parce qu’il y a la vallée de la Marne, le lac du Der… » (extrait d’entretien avec un représentant du conseil départemental de la Marne).
[46] Gamberini J. (2011). « Rétrécissement urbain et conditions d’innovation pour un développement durable : le cas de l’enjeu énergie-climat », Géocarrefour, vol. 86, n° 2, p. 139-149.
[47] Miot Y, Rousseau M. (2017). « Décroître pour survivre ? Démolitions et transition énergétique à Vitry-le-François », Métropolitiques [En ligne].
[48] Op. cit.
[49] Colletis G, Pecqueur B. (2005). « Révélation de ressources spécifiques et coordination située », Économie et Institutions, n° 6 et 7, p. 51-74.
[50] Gumuchian H, Pecqueur B. (dir.). (2007). La ressource territoriale, Paris, Anthropos.
[51] Bouba-Olga O. (2017). Dynamiques territoriales. Éloge de la diversité, Atlantique, 100 p.
[52] Le territoire d’action envisagé est le pays, mais l’incarnation politique reste du côté d’une des intercommunalités de ce territoire. De même, c’est au niveau de la CCVCD que l’ingénierie est la plus mobilisée, même si le travail d’ADEVA sur le développement économique s’avère non négligeable.
[53] Plusieurs communes sont couvertes par une zone de développement de l’éolien et situées en zone favorable au schéma régional éolien.
[54] ADEVA. (2017). Diagnostic socio-économique. État des lieux des principales tendances qui caractérisent le bassin vitryat [En ligne], p. 21.
[55] Contrat de ville 2015-2020 Vitry-le-François, 120 p.
[56] Boons F, Baas LW. (1997). “Types of industrial ecology: the problem of coordination”, Journal of Cleaner Production, n° 5, p. 79-86.
[57] Beaurain C, Brullot S. (2011). L’écologie industrielle comme processus de développement territorial, Revue d’économie régionale et urbaine, n° 2, p. 313-340.
[58] Op. cit.
[59] La proximité organisationnelle est un construit social qui apparaît au travers des relations que tissent les acteurs et des règles qu’ils peuvent instaurer quand ils décident de travailler ensemble (Rallet A, Torre A. (1995). Économie industrielle et économie spatiale, Paris, Économica).
[60] Faure A, Négrier E. (2013). Croyances politiques et territoires, rapport de recherche, 27 p.
[61] Borup M, Brown N, Konrad K, Van Lente H. (2016). « The Sociology of Expectations in Science and Technology », Technology Analysis & Strategic Management, vol. 18, n° 3/4, p. 285-298.
[62] Lazarevic D, Valve H. (2017). “Narrating expectations for the circular economy: Towards a common and contested European transition”, Energy Research & Social Science [En ligne].
[63] Référence à l’appel à contribution du colloque « Territoires fabriqués/Territoires instrumentalisés » qui s’est tenu à Vannes en juin 2017.
[64] Société d’habitat social de droit privé qui regroupe 4 400 logements.
[65] L’entreprise Haffner Energy intervient dans la conception et réalisation de centrales de production d’énergie.
[66] Le label « Territoire Hydrogène » doit permettre un accompagnement financier et juridique des projets retenus par les ministères en charge du Développement durable et de l’Industrie, le Commissariat Général à l’Investissement (CGI), l’ADEME, BPI France, la Caisse des dépôts et consignations.
[67] Knoepfel P, Larrue C, Varone F. (2006). Analyse et pilotage des politiques publiques, Ed. Rüegger, 384 p.
[68] Nadaï A, Labussière O, Debourdeau A et al. (2015). “French Policy Localism: Surfing on ‘Positive Energie Territories’ (Tepos)”, Energy Policy, vol. 78, p. 281-290.
[69] Le projet concernait ici le changement des luminaires existants par des LED ; une étude de faisabilité et de mise en œuvre d’un schéma de mobilité durable ; le remplacement des chaudières à fuel des bâtiments municipaux par des pompes à chaleur.
[70] L’État est présent en filigrane dans ces projets car il finance une partie des actions, fournit certains appuis opérationnels et cherche à favoriser les échanges entre collectivités, que ce soit par le biais de la DRÉAL ou de l’ADEME. Ce qui rejoint l’analyse de Poupeau d’une administration d’État qui ne s’efface pas mais agit différemment sur les territoires (Poupeau FM. (2013). « Quand l’État territorialise la politique énergétique. L’expérience des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie », Politiques et management public, vol. 30/4).
[71] Fortin MJ, Fournis Y, L’Italien F (dir.). (2016). La transition énergétique en chantier. Les configurations institutionnelles et territoriales de l’énergie, Presses de l’Université Laval, 200 p.
[72] Op. cit.
[73] Op. cit.
[74] La Branche S, Bosboeuf P. (2007). « La prise en main de l’énergie par les collectivités territoriales : freins et moteurs », Environnement Urbain/Urban Environment, vol. 11.
[75] Rumpala Y. (2013). « Formes alternatives de production énergétique et reconfigurations politiques. La sociologie des énergies alternatives comme étude des potentialités de réorganisation du collectif », Flux, n° 92, p. 47-61.
[76] En 2013, une entreprise agroalimentaire et un fournisseur d’énergie ont inauguré une nouvelle chaufferie à bois. Par ailleurs, la malterie valorise ses boues au travers de l’épandage dans les champs (2013). Une autre entreprise a cherché à limiter ses déchets plastiques par différents moyens. Cependant, toutes les fibres polyester ne peuvent être valorisées à l’heure actuelle et deviennent un déchet banal. Une entreprise de bâtiments publics récupère les eaux usées de sa centrale à béton, concasse les déchets de bâtiments et les réintègre dans ces matériaux… Un agriculteur, par le biais d’une société par action simplifiée, prépare la création d’une unité de méthanisation sur la zone industrielle Vitry-Marolles.
[77] Op. cit.
[78] Op. cit.
[79] Ce constat vaut pour la période d’étude allant jusqu’à juillet 2016.
[80] Buclet N. (2011). Écologie industrielle et territoriale, stratégies locales pour un développement durable, Presses Universitaires du Septentrion.
[81] « À l’échelle locale, l’environnement occupe encore souvent le rôle de support de légitimation de politiques sectorielles, largement permis par la diffusion de notions polysémiques comme le développement durable, la nouvelle gouvernance environnementale ou la gestion intégrée » (Bombenger PH, Larrue C. (2014). « Introduction. Quand les territoires font face aux nouveaux enjeux de l’environnement », Natures Sciences Sociétés, n° 22, p. 189-194.)
[82] Wenger E. (1998). Communities of practice: learning, meaning, and identity, Cambridge, UK, Cambridge University Press, 318 p.