juillet 2018
La circulation des modèles
Le kaléidoscope Matera 2019
et ses modèles négociés
Le kaléidoscope Matera 2019 et ses modèles négociés,
Riurba no
6, juillet 2018.
URL : https://www.riurba.review/article/06-modeles/negocies/
Article publié le 1er juil. 2018
- Abstract
- Résumé
The Matera 2019 kaleidoscope and its negotiated models
In a context of competition between cities, labelling processes are part of an epoch defined by international competition. Many authors have thus highlighted the transfers of public policies and more specifically urban models. Through the example of Matera, the next European capital of culture for 2019, this article aims to question the effects of models distributed via labels on urban production. The study focuses on the new design methods used by the experts involved in the labelling process and their translation into urban projects. It reveals a fictional setting of the city with a narrative scenography of the projects to the detriment of the setting up of real tools of appropriation of the city.
Dans un contexte d’internationalisation des villes, les instruments classiques de la gestion urbaine évoluent et sont remplacés par de nouvelles stratégies fondées sur l’incitation et l’émulation. De nombreux auteurs ont ainsi mis en lumière l’émergence et la promotion de « bonnes pratiques » se référant à des villes modèles. À travers l’exemple de Matera, future capitale européenne de la culture en 2019, cet article vise à questionner les effets des modèles diffusés via les labels sur la production urbaine. L’étude porte sur les nouveaux modes de conception insufflés par les experts mobilisés dans le cadre de la labellisation et leur traduction dans les projets urbains. Elle dévoile une mise en scène fictionnelle de la ville avec une scénographie narrative des projets et des acteurs qui les portent.
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Introduction
Considérés comme des leviers du basculement dans un régime de concurrence, les processus de labellisation s’inscrivent dans une ère définie par la compétition internationale entre les villes (Winter, 2014[1]Winter T. (2014). « Heritage conservation futures in an age of shifting global power », Journal of Social Archaeology, n° 14(3), p. 319-339.). On voit ainsi émerger un nouveau type de « tourisme de politique urbaine » (Gonzalez, 2011[2]Gonzalez S. (2011). « Bilbao and Barcelona ‘in motion’. How urban regeneration ‘models’ travel and mutate in the global flows of policy tourism », Urban Studies, n° 7, p. 1397-1418.), ayant pour objectif la diffusion d’un ensemble de « bonnes pratiques », à même de devenir de nouvelles méthodes d’administration du territoire érigées sur l’exemplarité (Desvime, Dumont et Roy, 2008[3]Devisme L, Dumont M, Roy E. (2008). « Le jeu des “bonnes pratiques” dans les opérations urbaines, entre normes et fabrique locale », Espaces et sociétés, n° 131, p. 15-31.). À travers l’exemple de « modèles urbains gagnants » (Arab, 2007[4]Arab N. (2007). « À quoi sert l’expérience des autres ? “Bonnes pratiques” et innovation dans l’aménagement urbain », Espaces et sociétés, n° 131, p. 33-47.) comme Barcelone et sa régénération urbaine ou encore le phénomène Guggenheim à Bilbao, décideurs politiques et experts en charge du développement urbain partent à la recherche d’un savoir-faire méthodologique. Valorisées via des voyages, circuits ou visites professionnelles, ces expériences mettent en lumière le rôle tenu par les médiateurs de ces transferts de connaissances. Comme l’explique Thierry Depleuch, les fonctions tenues par les différents acteurs des transferts revêtent différentes échelles mais aussi différentes hiérarchies qui n’ont pas la même capacité à influencer le projet (Delpeuch, 2009[5]Delpeuch T. (2009). « Comprendre la circulation internationale des solutions d’action publique : panorama des policy transfer studies », Critique internationale, n° 43, p. 153-165.). Nous pouvons dès lors nous demander par quels canaux de diffusion ces modèles urbains circulent, mais surtout quels types d’acteurs sont impliqués dans ce processus. Dans un second temps, la question de la transformation du modèle au cours du processus de transfert et de son appropriation dans son contexte de réception se pose. Puisque la circulation des modèles urbains est un fait indéniable, l’enjeu n’est pas tant celui de « l’homogéisation et de la reproduction que celui de l’apprentissage et de la connaissance » (Arab, 2007[6]Op. cit., p. 34.). Plus qu’une translation, nous pouvons alors parler d’hybridation, selon les termes de Michel Espagne pour qui « transférer, ce n’est pas transporter, mais plutôt métamorphoser » (Espagne, 2013[7]Espagne M. (2013). « La notion de transfert culturel », Revue Sciences/Lettres, n° 1.).
Afin d’interroger cette double dimension d’acteurs-vecteurs et les influences qu’ils génèrent sur la transformation du territoire, notre article s’intéressera au cas de Matera 2019[8]Le titre concerne également la région de la Basilicata, où se situe Matera., capitale européenne de la culture. Par l’étude du projet de l’Open Design School (ODS), une école internationale de design présentée comme un « laboratoire d’innovation », notre analyse portera sur les nouvelles méthodes de conception défendues et revendiquées par la fondation Matera-Basilicata 2019[9]Créée en 2015, la fondation Matera-Basilicata 2019 a pour mission la mise en œuvre du programme culturel pour l’année 2019. Elle se présente comme une structure autonome à but non lucratif et se compose d’un conseil d’administration, d’un comité de pilotage, d’un conseil scientifique et d’un comité de commissaires aux comptes.. En reprenant l’approche formulée dans l’ouvrage d’Alain Bourdin et Joël Idt, à savoir « le rôle de la circulation des pratiques dans la production de l’action publique urbaine » (Bourdin, Idt, 2016[10]Bourdin A, Idt J. (2016). L’urbanisme des modèles. Références, benchmarking et bonnes pratiques, Éditions de l’Aube, 189 p., p. 10.), nous aborderons plus particulièrement l’appropriation et la traduction de visions internationalisées dans la mise en œuvre des stratégies urbaines. Nous chercherons à comprendre de quelle manière les pratiques et les outils prônés par la fondation sont interprétés et quels en sont les effets intentionnels et non intentionnels sur la fabrique de la ville. En partant d’une analyse micro sur l’ODS, nous souhaitons interroger plus largement les visions urbaines qui en résultent, les complémentarités mais aussi les oppositions qu’elles mettent en exergue.
Les matériaux empiriques ici présentés sont issus d’une enquête de terrain réalisée en février 2018 durant une semaine de workshop à Matera avec les participants de l’Open Design School[11]Dans le cadre de notre thèse, nous avons réalisé cinq enquêtes de terrain allant d’une semaine à deux mois sur place, de janvier 2017 à décembre 2018.. Nous avons observé une partie de leur travail au sein de leurs locaux, pris part à des visites organisées sur site et effectué plusieurs entretiens. L’article se nourrit de cinq récits par les professionnels sélectionnés pour prendre part à l’atelier, complétés par un entretien avec le responsable de communication de l’école et les réunions de suivi avec le directeur de l’ODS.
Notre article se structure en trois parties. Dans un premier temps, nous aborderons brièvement l’histoire des capitales européennes de la culture en faisant référence aux politiques culturelles de développement sous l’angle des bonnes pratiques. Nous verrons en quoi Matera s’est distinguée des villes concurrentes italiennes, comme Sienne ou Ravenne, et quelles sont les visions urbaines encouragées. La notion de « modèle » est ici entendue comme un modèle de développement par la culture à travers la programmation d’évènements urbains et la mise en œuvre d’un agenda de politique de la ville et de la région. Cette approche fait écho aux travaux d’Elsa Vivant sur la diffusion du modèle de revitalisation urbaine à travers l’implantation de « quartiers culturels » (Vivant, 2007[12]Vivant E. (2007). « L’instrumentalisation de la culture dans les politiques urbaines : un modèle d’action transposable ? », Espaces et sociétés, n° 131, p. 49-66.) mais aussi aux études de Giovanni Secchi sur la ville créative à Saint-Étienne (Secchi, 2016[13]Secchi G. (2016). « Les dessous de la ville créative : Saint-Étienne, entre modèles théoriques et pratique », ÉchoGéo, n° 36.). La seconde partie de notre propos portera sur le cas d’étude de l’Open Design School, projet phare porté par la fondation Matera-Basilicata 2019. Nous nous intéresserons à ses missions principales, aux modèles de référence pédagogiques empruntés, ainsi qu’aux outils et compétences requis pour ses collaborateurs. Dans cette optique, l’idée de modèle comprend aussi bien les pratiques de conception architecturale que les démarches d’apprentissage. Nous pouvons faire référence au concept de « modèle urbain alternatif », utilisé par Nicolas Douay et Maryvonne Prévot dans leur recherche sur l’urbanisme tactique, qui s’appuie sur une communauté connectée aux réseaux sociaux afin de développer des initiatives d’appropriation d’espaces publics (Douay et Prévot, 2016[14]Douay N, Prévot M. (2016). « Circulation d’un modèle urbain “alternatif” ? », ÉchoGéo, n° 36.). Enfin, la troisième partie de l’article questionnera les limites du modèle mis en œuvre par l’Open Design School, dans les méthodes proposées et les effets socio-spatiaux générés.
À travers l’exemple d’un projet porté par la fondation Matera-Basilicata 2019, nous souhaitons montrer que le label « Capitale européenne de la culture » révèle une multiplicité de modèles et de visions différentes voire contradictoires. La notion de « kaléidoscope » rend ainsi compte d’une pluralité d’objets, circulant aussi bien par le biais d’acteurs institutionnels internationaux que par la pratique de professionnels locaux qui aspirent à une autre transformation de leur ville.
Le label « Capitale européenne de la culture »,
vers quel modèle de ville ?
Établi en 1985 par la ministre grecque de la Culture, Melina Mercouri, avec l’objectif de célébrer la diversité culturelle européenne, le titre de Capitale Européenne de la Culture (CEC) s’adresse au départ aux principales villes culurelles européennes (Paris, Madrid, Florence). Les années 1990 signalent un tournant avec la municipalité de Glasgow qui s’empare de cette labellisation afin d’y mener une politique de régénération urbaine et de redéveloppement économique suite à une forte désindustrialisation du territoire. Assurée par le prestige associé au titre de rang européen, la candidature au label culturel vise avant tout à bénéficier d’une couverture médiatique non négligeable et d’une mise en visibilité dans la sphère internationale. Poursuivant des stratégies de marketing, les municipalités et régions de toute taille tentent de se distinguer afin d’établir une identité spatiale telle une image de marque (Nobili, 2005[15]Nobili V. (2005). « The role of European capital of culture events within Genoa’s and Liverpool’s branding and positioning efforts », Place Branding and Public Diplomacy, n° 3, p. 316-328. ; Paddison, 1993[16]Paddison R. (1993). « City Marketing, image reconstruction and urban regeneration », Urban Studies, n° 30(2).). Ce processus de transformation de l’image urbaine s’accompagne généralement de transformations physiques de la ville. En 2002, la cité de Salamanque se dote d’un nouveau centre des arts de la scène, tout comme Bruges, la même année, avec la salle de concert du Concertgebouw, et plus récemment Marseille et son musée du MUCEM, en 2013 (Lucchini, 2006[17]Lucchini F. (2006). « Les capitales européennes de la culture », Les annales de la recherche urbaine, n° 101, p. 91-99.). Parallèlement, la restauration d’équipements culturels, la reconversion de friches (la Belle de Mai à Marseille, le tramway à Glasgow, les Maisons Folies à Lille) et les investissements en termes d’infrastructures (transport public, passerelle, quartiers culturels) sont au cœur du dispositif de l’année culturelle.
À l’image de Matera à la poursuite du « bon modèle », plusieurs types de villes culturelles se font face et se déclinent, selon Boris Grésillon, en quatre familles (Grésillon, 2011[18]Grésillon B. (2011). Un enjeu « capitale » : Marseille-Provence 2013. La Tour‑d’Aigues, Éditions de l’Aube, coll. Monde en cours.). Le premier modèle est celui de la « ville-événement », symbolisé par le cas de Lille en 2004, où les artistes et les acteurs de l’urbain collaborent pour mettre en scène une ville en fête. Le concept de « ville créative », initié par Charles Landry en 1980 en est le précurseur. Le second archétype proposé est celui de la « ville-patrimoine », jusqu’alors modèle privilégié par les CEC de l’Europe du Sud. L’événement est prétexte à la rénovation d’équipements culturels et mise en lumière du patrimoine historique de la ville, comme à Gênes en 2004 et à Istanbul en 2010. Une troisième voie est celle de la « ville-chantier » qu’on retrouve dans les CEC de l’Europe du Nord, avec comme figure emblématique la ville de Glasgow en 1990 jusqu’à Liverpool en 2008. Il s’agit pour ces capitales d’engager des opérations de rénovation et de réhabilitation pour faire émerger des immeubles et quartiers nouveaux. Enfin, le dernier modèle s’inscrit dans une perspective historique pour contribuer à une mémoire européenne. C’est le cas des deux villes autrichiennes de Graz en 2003 et Linz en 2009, que l’auteur regroupe sous l’expression de « ville-mémoire ».
Le « défi » Matera 2019 :
devenir un modèle de réussite pour le Mezzogiorno
Indiquée dans le dossier comme un « défi » à relever pour 2019, Matera refuse d’afficher un modèle de ville préférentiel mais se revendique comme un modèle hybride ancré dans un contexte local prégnant. Stigmatisée en 1950 sous les termes de « honte nationale », prononcés par le président du Conseil italien, Alcide de Gasperi, la ville se présente aujourd’hui sous un jour nouveau, faisant de son patrimoine autrefois tant décrié un argument majeur de la promotion touristique. L’ouvrage de Carlo Levi, Christ s’est arrêté à Eboli, publié en 1945, en dresse à l’époque un portrait sans appel qui marquera durablement la cité par une image dantesque. Durant son exil, l’écrivain souligne les difficiles conditions de vie des habitants, caractérisées par l’insalubrité, la misère et le fort taux de mortalité infantile : « Dans ces trous sombres, entre les murs de terre, je voyais les lits, le pauvre mobilier, les hardes étendues. Sur le plancher étaient allongés les chiens, les brebis, les chèvres, les cochons. Chaque famille n’a en général qu’une seule de ces grottes pour toute habitation. » (Levi, 1945[19]Levi C. (1945). Christ s’est arrêté à Eboli, Paris, Gallimard, coll. Folio, 175 p., p. 97.). Le nom « sasso » signifiant « pierres » ou « cailloux » identifie cette partie de la ville, qui s’est développée en contrebas du centre historique. Occupés depuis le néolithique, les habitats troglodytes des Sassi se sont peu à peu urbanisés au Moyen Âge, transformant les anciennes dépendances agricoles, jardins et puits en véritables quartiers urbains (Laureano, 1993[20]Laureano P. (1993). Giardini di pietra: i Sassi di Matera e la civiltà mediterranea, vol. 40, Turin, Bollati Boringhieri, 200 p.). La création de la ville baroque au xviie siècle, que l’on nomme Le Piano, instaure les prémisses d’une différentiation sociale entre les paysans des Sassi et les familles bourgeoises du Piano. En 1950, la visite du politicien Alcide de Gasperi signale le début d’une politique de relogement par la réalisation d’opérations urbaines exemplaires avec le bourg rural de la Martella, construit à quelques kilomètres du centre-ville par des urbanistes de renom, tels Quaroni, Gorio, Agati.
Sombrant peu à peu dans l’oubli, le quartier se dégrade et fait face à des occupations illégales mais aussi des éboulements (Bilo, Vadini, 2013[21]Bilo F, Vadini E. (2013). Matera e Adriano Olivetti, Collana Intangibili, Fondazione Adriano Olivetti, n° 23.). En 1967, la conférence internationale organisée par la revue locale La Basilicata, « The Sassi of Matera are our National Heritage to be Conserved and Protected », instaure un premier débat sur la réhabilitation de ce tissu urbain. L’intérêt national de leur conservation et récupération est officiellement reconnu par la loi n° 771 de 1986, qui définit une concession de 90 ans en faveur de la mairie et une subvention de l’État pour rénover le quartier (Fabre et Iuso, 2010[22]Fabre D, Iuso A. (2010). Les monuments sont habités, Paris, Les Éditions de la MSH, coll. Ethnologie de la France, n° 24, p. 336.). La valorisation des Sassi se poursuit lors de l’inscription sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco en 1993, en tant que « paysage culturel ». Le dernier stade de reconversion de l’image négative peut se lire depuis 2008 par la candidature de Matera au titre de « Capitale européenne de la culture ». Face aux opportunités économiques qu’il représente pour des territoires en décroissance, le processus de labellisation rend compte de puissants enjeux politiques et identitaires. Le maire, Raffaello De Ruggieri, insiste notamment sur l’image à véhiculer : « En 2019, nous représentons l’Italie, nous représentons l’Europe, nous devons devenir européens dans nos consciences, dans nos comportements, dans nos décisions (…), nous devons montrer que cette ville peut devenir un modèle pour le Mezzogiorno (…). L’année capitale ne peut être un jeu ludique, un moment de spectacle et d’évènements, elle doit être l’instrument stratégique pour réaliser les services qui manquent, ces services qui doivent faire de Matera une ville européenne[23]Traduit de l’italien. ». Annoncée comme un exemple à suivre pour le Sud de l’Italie, Matera est élue par un jury d’experts européens, le 17 octobre 2014. Le compte à rebours commence alors, laissant cinq ans de préparation aux acteurs locaux pour mettre en œuvre le programme intitulé « Open Future ».
Entre métamorphose et résilience, des visions plurielles de la ville
Plébiscitée face à Cagliari, Lecce, Pérouse, Ravenne et Sienne, la cité lucane s’est distinguée par un programme axé sur les notions de « frugalité » et de « résilience ». La fondation Matera-Basilicata 2019 axe son discours sur la réutilisation de structures existantes et la construction d’installations légères, flexibles et temporaires. Suivant cette ligne directrice, la responsable du développement, Rossella Tarantino, indique par ailleurs que l’originalité du projet ne réside pas dans la création de nouvelles infrastructures mais dans la mise en visibilité et l’utilisation des ressources existantes. Dans cette optique, la ville d’Aarhus, capitale européenne de la culture en 2017, première à présenter un modèle de durabilité (Sustainability Model) dans son programme culturel, est présentée comme un « modèle à importer » et un exemple à suivre pour son attention portée à l’écologie. À partir de l’expérience danoise, deux journées de réflexion intitulées « Du vieux monde arrive le nouveau » se sont déroulées en 2017 pour tenter « d’adapter ce modèle durable en Basilicata », comme le propose la responsable culturelle de Matera 2019. Au-delà des réflexes pratiques à adopter, nous notons dans le discours d’experts porté par la représentante d’Aarhus, l’injonction à créer une « community building », décrite comme une communauté susceptible d’appliquer une série de « bonnes pratiques ». Dans cette prescription à l’éducation des acteurs culturels locaux, un cursus de formation a été mis en place. Démarré en juin 2016, sous l’appellation de « Build Up », il vise à former les opérateurs culturels et touristiques du territoire. Plusieurs workshops ont porté sur des thématiques liées aux marchés culturels européens, à la formation spécifique sur la production et le management culturels (Matera change makers) ainsi qu’à la médiation culturelle et l’implication du public (Matera links). À cette occasion, Elena Natale, directrice du projet de Tallin 2011, a exprimé une vision porteuse de « nouvelles possibilités » pour le futur de la région et d’une « nouvelle identité » de Matera 2019.
En parallèle de cette projection, un autre type de discours se manifeste de la part d’associations locales, de comités de quartier et de groupes de professionnels. Ces acteurs militent pour une transformation majeure de Matera par la création d’infrastructures et d’équipements publics. Empreints d’un idéal de transformation et dénonçant l’absence de chantiers, trois syndicats de travailleurs italiens (CGIL, UIL, CISL) rejoints par 19 associations locales[24]Parmi ces associations, nous pouvons citer le mouvement étudiant Movimento studenti 21, l’association culturelle Centro Carlo Levi qui milite en faveur de la création d’un musée des Sassi, l’institut d’urbanisme italien INU, l’association environnementale Legambiente Matera, l’association Amici della biblioteca pour la sauvegarde de la bibliothèque provinciale, ou encore l’association Matera Ferrovia Nazionale, groupe actif pour la création d’un réseau ferroviaire national à Matera. ont conduit une manifestation le 10 mars 2018. Revendiquant le « besoin de devenir un modèle comme Liverpool et Marseille », les organisateurs ont alerté l’administration communale sur le manque d’infrastructures[25]Le premier dossier de candidature de Matera 2019 portait à 166 000 euros le budget pour la création et la réhabilitation d’infrastructures culturelles. Le second dossier présenté à la commission européenne réduit de moitié le budget qui chute à 82 400 euros. et de structures d’accueil pour 2019 : « Bibliothèque, théâtre, université, où est la culture dans cette ville[26]« A Matera, la marcia per la cultura e il lavoro », sassilive.it [En ligne ? ». Ces militants citent en référence la capitale écossaise Glasgow en termes de mutations urbaines, tout comme le projet EuroMéditerranée à Marseille, véritable étendard pour attirer de nouveaux investisseurs et rompre avec une image négative de la ville (Maisetti, 2013[27]Maisetti N. (2013). « City branding et fragmentation métropolitaine : l’impossible recherche d’une marque territoriale dans le cas du territoire marseillais », Communication & langages, n° 175, p. 95-118.). L’exemple de Tallin est également mis en avant pour son action de régénération urbaine dans la conversion d’une aire industrielle abandonnée en centre de création pour les industries culturelles. Ces architectures iconiques, énoncées en tant que preuves de réussite, témoignent de la puissance des images qu’elles véhiculent et qu’une partie des acteurs locaux souhaiteraient imiter localement.
Face à ces revendications en faveur de la construction d’infrastructures, le maire de la ville a indiqué que le titre de Capitale européenne de la culture s’adressait à l’ensemble de la région Basilicata, sur laquelle Matera devait s’appuyer en termes d’équipements et d’installations culturelles. Cette ambition à l’échelle territoriale repose sur un concept clé du dossier de candidature : l’open access. L’objectif tel qu’on peut le lire est de « développer une culture accessible et ouverte à tous », d’où le slogan principal « Open Future », fil conducteur. Il est donc question, essentiellement à partir de la culture numérique et digitale, de proposer des projets de manière diffuse sur l’ensemble de la région. Figure d’un certain idéalisme sur les nouvelles technologies, la fondation mise sur ces modes de diffusion pour impliquer les habitants, rebaptisés « habitants culturels ». Poursuivant cet idéal de capital humain au service de la culture, le mot « touriste » est banni des discours, préférant l’expression de « citoyen temporaire ». Peu évoquée dans les déclarations, l’idée de classe créative (Florida, 2002[28]Florida R. (2002). The rise of the creative class, and how it is transforming work, leisure, community and everyday life, New York, Basic Books, 416 p.) est néanmoins sous-jacente à cette stratégie, que l’on devine dans le projet d’Open Design School, décrit comme une « plate-forme d’échange dans le domaine de l’art, de la science et de la technologie ».
Trois visions urbanistiques s’affrontent sur la scène locale. La première, portée par des acteurs institutionnels internationalisés, vise un impact minimum sur le territoire avec des installations modulaires et des dispositifs numériques. L’objectif, sous le terme de « frugalité » est la réduction des coûts globaux liés au projet de CEC. Opposés à cette stratégie, les associations locales, comités de quartiers et habitants souhaitent profiter de cette mise en visibilité pour revendiquer un certain nombre d’infrastructures culturelles manquantes. Enfin, les acteurs institutionnels locaux, sous l’égide du maire de Matera, se placent dans une situation de négociation avec la région et la fondation afin de développer l’accessibilité du territoire de la ville.
L’Open Design School, laboratoire international
Bien que son nom puisse indiquer le contraire, l’Open Design School se défend d’être une école. Les brochures distribuées lors de la Design Week à Milan, en avril 2017, en spécifient les objectifs : « L’Open Design School n’est pas une école. C’est un laboratoire qui produit des projets réels et non des idées ». Le concepteur et directeur artistique de Matera 2019, Joseph Grima, parle d’instrument au service de « contenus novateurs », dont la mission principale est de construire les installations nécessaires aux projets culturels de 2019 (gradins, stands, scène). Le site Internet consacré à l’ODS[29]« Open Design School / Matera », ods.matera-basilicata2019.it [En ligne expose clairement les modèles de référence dont se réclame la nouvelle institution. Les techniques pédagogiques sont présentées comme les héritières du Bauhaus en Allemagne, par l’alliance entre la technique et le design mais plus largement sur le lien entre processus de production et de conception. On trouve ainsi, dans les espaces de l’ODS, des pièces dédiées à la fabrication de prototypes jouxtant des bureaux occupés par les architectes et designers. Le second exemple, caractérisé par l’expression « apprendre en faisant », découle de l’expérience de Frank Lloyd Wright à Taliesin, en Arizona. Joseph Grima reprend la maxime de l’architecte en instaurant les concepts d’autoconstruction et d’interdisciplinarité pour les participants aux workshops. Les premières semaines sont consacrées à l’aménagement des espaces de vie et de travail. Les communiqués de l’ODS vont jusqu’à mentionner l’idée de « maison » dans une démarche d’appropriation du site et de « construction collective de l’école ».
Parmi une centaine de candidats, six professionnels ont été sélectionnés pour prendre part au workshop « Les lieux de Matera 2019 ». Avec l’anglais comme langue officielle, un des premiers enjeux évoqués par le responsable scientifique est la rencontre d’un tiers de personnalités internationales, italiennes et locales. La capacité à travailler dans une équipe multidisciplinaire, le partage des « savoirs en accord avec la culture Open Design », la « pertinence de l’expérience professionnelle, la motivation et la qualité du portfolio », constituent une seconde sélection. Bien qu’aucun critère d’âge ne soit annoncé[30]Le rapport de 2016 mentionne : « des personnes créatives de n’importe quel âge et n’importe quelle discipline »., on observe majoritairement des professionnels d’une trentaine d’années, le plus souvent architectes et designers. En questionnant les participants au cours de notre enquête de terrain, nous nous apercevons que leurs attentes et leur parcours trouvent des similitudes mais aussi des motivations différentes. Une jeune diplômée de la Design Academy d’Eindhoven explique s’être intéressée au processus de l’Open Design School pour son concept tourné vers l’innovation et l’ouverture et évoque l’envie de mieux découvrir Matera, une ville dont elle est tombée « amoureuse » au cours d’un voyage touristique. Cette attention au contexte particulier de Matera ainsi qu’à son patrimoine est récurrente dans le discours des collaborateurs italiens, qui invoquent l’inspiration suscitée par l’ambiance « hors du temps » des Sassi. Du côté des participants locaux, une des premières raisons évoquées est l’implication dans la transformation de leur ville d’origine après un parcours en dehors du Mezzogiorno. Le fantasme d’un changement profond aussi bien spatial que social a guidé leur retour dans la région, comme l’explique une architecte : « après plusieurs années à Rome, nous avons décidé de rentrer à Matera en 2014. J’avais envie d’essayer et je sentais qu’il pouvait se passer des choses intéressantes (…) je dois dire qu’aujourd’hui je suis assez heureuse, surtout maintenant que cette opportunité m’a été donnée… d’être ici, à l’intérieur du processus et de pouvoir comprendre certains phénomènes avec plus d’attention. J’espère, même s’il reste peu de temps, que nous arriverons encore à construire quelque chose de valide pour 2019 ». Une seconde architecte diplômée de l’université de Basilicata nous fait part de son désir de travailler pour l’ODS qui représentait un « rêve lointain ». Toutes deux critiques vis-à-vis du manque de transformations profondes sur le territoire, les deux architectes restent sceptiques quant à l’impact du workshop et la faisabilité du projet sur un temps aussi court[31]Le workshop que nous avons suivi devait initialement durer 8 semaines mais a été prolongé par la suite de deux mois à la demande des professionnels..
Cartographier les lieux de Matera 2019
L’équipe que nous avons suivie a pour mission de cartographier, dans un premier temps, à l’échelle urbaine puis à l’échelle régionale, les espaces susceptibles d’accueillir les évènements en 2019. L’exploration quotidienne des professionnels se concentre sur la recherche de sites en plein air et d’équipements qui pourraient devenir le cadre de différents types d’événements. Sans tenir compte des projets culturels au départ, le but est de repérer des espaces intéressants et des lieux significatifs parfois oubliés mais sans critères précis indiqués. Le site Internet de l’Open Design School qualifie l’approche « d’exploratoire » sur l’ensemble du territoire : « Pour nous, la ville entière, avec ses rues, ses espaces ouverts, ses structures architecturales, cache différentes scènes et lieux de rencontre. Nous voulons les recueillir afin d’avoir une vision plus large de leur potentiel ».
Au vu des courts délais laissés aux professionnels pour relever le territoire, un protocole a été mis en place. Accompagné d’un photographe, le groupe se déplace sur différents sites, préalablement sélectionnés, ce qui laisse songeur quant à la réelle découverte des lieux. Comme nous l’explique l’un des participants, un premier repérage est effectué par la fondation, indiquant les sites à visiter. Durant une matinée, nous suivons un groupe afin d’identifier les outils utilisés ainsi que la méthode de recueil des données. Devant l’ampleur du travail, peu de temps est consacré à chaque espace. Le relevé dure en moyenne trente minutes, durant lesquelles le site est géolocalisé, nommé et décrit à l’aide d’une grille d’analyse, connue sous le nom de « fiche technique[32]Ce document, similaire pour tous les groupes, comporte quatre feuillets avec une première page de critères à cocher, une seconde page blanche pour d’éventuels croquis, un espace dédié aux notes écrites et enfin un plan de situation. ». Le terme « vision » revient à plusieurs reprises, il s’agit de comprendre quelles sont les possibilités du lieu et ses « points forts ». Les cases à sélectionner renseignent donc sur l’état actuel du lieu, ses usages futurs mais aussi son état de conservation et le type de propriété (publique, semi-privée, privée). À l’intérieur du document, les participants sont invités à dessiner plus spécifiquement certains détails de l’espace, en tenant compte des éléments architecturaux et paysagers (inclinaison du terrain, obstacles, matériaux). De l’ordre du catalogue, cette approche typologique au service d’une architecture utilisée pour un événement festif pose question quant à la pertinence des critères invoqués et la stratégie de réhabilitation de ces lieux à long terme.
Une fois les données collectées, le second temps en atelier vise à reporter les informations sur une carte consultable sur Internet. Considérée comme une ressource collective par les concepteurs de la carte, l’objectif énoncé est de laisser une « trace » après 2019. Une des participantes relève la difficulté d’en faire un instrument assez souple et ouvert pour permettre aux citoyens ou touristes d’ajouter un lieu facilement, tout en gardant un contrôle sur les informations enregistrées. Ce « pouvoir » conféré aux professionnels interroge la designer graphique sur la temporalité de mise en œuvre du label : « dans un an, nous nous rendrons compte que nous avons oublié certains lieux importants, et par cet oubli, celui-ci n’aura pas été considéré pour 2019. Cela veut dire que nous avons un certain pouvoir, celui de montrer un lieu ou non. C’est pourquoi je pense que ce workshop devait se dérouler bien avant (…) Il aurait été nécessaire de le commencer bien en amont, dès la candidature pour Matera 2019, sur une durée plus longue et continue ».
La ville éphémère : proposer une nouvelle image urbaine
Les effets du workshop s’inscrivent dans la mutation de l’image de la ville, de ses représentations et de ses transformations physiques. Décrits comme des nouveaux scénarios possibles pour 2019, la ville est ainsi entendue tel un vaste décor dans lequel faire émerger des actions culturelles, révélatrices d’un potentiel dissimulé. Cette idée de ville spectacle fait directement écho au projet de l’architecte japonais Gakutoshi Kojima pour le concours international de réhabilitation des Sassi en 1974. À cette époque, l’abandon du quartier suscita une réflexion sur les usages du site troglodytique par le lancement d’un concours d’architecture donnant lieu dix ans plus tard au premier programme de réhabilitation. Le projet japonais consistait à faire des Sassi un théâtre en plein air en imaginant l’environnement naturel de l’ancien quartier pour toile de fond aux différents types d’évènements. Cette référence est actuellement mobilisée et revendiquée par l’Open Design School dans son travail d’atlas des espaces potentiels. La ville est dès lors perçue comme un support physique dont les caractéristiques spatiales offriraient ou non des scénographies possibles. Selon le directeur de l’école, l’intérêt de Matera réside dans son tissu urbain spécifique, qu’il souhaite concevoir « telle une scène », où les activités culturelles peuvent se refléter d’une manière particulièrement stimulante dans un décor patrimonial saisissant (Silvestrini, 2015[33]Silvestrini V. (2015). « Biennale di Architettura di Chicago. Parla Joseph Grima », Artribune [En ligne). Cette approche vis-à-vis du patrimoine a de fait suscité une forte opposition, menée par le nouveau maire Raffaello De Ruggieri et son administration. L’élu local, avocat de profession et fondateur de la première association pour la conservation des Sassi[34]Association La Scaletta, fondée en 1959., conteste cette vision du patrimoine. D’un côté, on observe l’idée d’un patrimoine en tant que monument à préserver et, de l’autre, une image tournée plus largement vers des technologies contemporaines susceptibles de réinterpréter le patrimoine.
L’influence du projet de Gakutoshi Kojima se lit également en termes d’aménagement spatial. En effet, l’utilisation de structures modulaires pour créer amphithéâtre ou salle de concert était d’ores et déjà prévue par Kojima en 1974. Précurseur de la philosophie « ouverte », cette démarche se retrouve aujourd’hui dans le concept clé de l’Open Design School, à savoir la combinaison d’éléments modulaires adaptables dans différents contextes. Ce modèle architectural mène à la réalisation d’éléments modulaires composés d’une armature métallique et de panneaux en bois. Or, comme nous l’indique un designer de l’ODS, cette démarche d’assemblage peut présenter des limites dans les possibilités d’adaptation sur un site particulier. De manière plus générale, on peut s’interroger sur la stratégie indiquée par ce processus quant à la durée des installations. Suivant le concept de « frugalité » esquissé dans le dossier, les aménagements prévus pour 2019 sont pensés de manière temporaire. Cette position affirmée vis-à-vis d’infrastructures non permanentes provoque à nouveau des tensions au sein des associations, comités de quartier, universitaires et étudiants de Matera. Dans une région à l’accessibilité réduite et aux équipements vieillissants, ils réclament d’urgence la réhabilitation du théâtre municipal, le réaménagement de la gare et la requalification des quartiers périphériques.
Difficultés et limites d’appropriation
d’un projet aux accents numériques
L’objectif énoncé par le directeur scientifique de l’école, Joseph Grima, à savoir une succession de workshops accueillant de nouveaux participants pour chaque session, pose la question de la transmission des connaissances et des compétences une fois le départ de ces derniers. L’inquiétude d’une disparition d’un savoir accumulé à travers les rencontres et l’arpentage des lieux apparaît dans le discours des professionnels qui réfléchissent au type de restitution à développer afin d’éviter ce biais. Deux positions sont défendues au sein de l’Open Design School. La première consiste à la création d’un atlas imprimé présentant une sélection de 200 lieux, tandis que la seconde option privilégie un modèle digital à partir de cartes, suivant le principe d’OpenStreetMap. Les défenseurs de ce modèle considèrent qu’une totalité des informations en ligne est suffisante pour rendre compte de leur travail, tandis que les architectes locaux s’interrogent sur la pertinence de cet outil dans une région où la culture numérique est encore peu développée. La méthode axée sur les principes d’Opensource trouve ici une première limite dans le type de rendu final à instaurer. Exprimé de manière récurrente dans les conversations, le terme « open » prend la forme d’un certain dogme à appliquer sur l’ensemble des méthodes de travail et de pensée. Visant un objectif de diffusion auprès d’un public plus large, cette méthode prend finalement peu en considération les caractéristiques propres du contexte dans lequel elle s’inscrit et écarte une partie de la population. La vision plus « classique » de présentation sur papier est ainsi rejetée, évoquant une cristallisation des informations figées à un moment précis sans évolution possible.
Une seconde limite questionne la démarche du workshop dans sa durée et son approche quantitative. En effet, les interactions sociales sont partiellement absentes du processus. De par un temps limité sur le terrain, les participants n’ont pas la possibilité de discuter de manière approfondie avec les habitants du lieu cartographié et d’enrichir leur approche par des entretiens en amont. Comme le mentionne une architecte : « nous sommes sur place souvent une heure, nous n’avons pas le temps de parler à qui que ce soit sur le site… Quelquefois oui, mais ce n’est pas vraiment une conversation. C’est vraiment quelque chose qui manque dans la manière dont nous approchons l’espace. Cela pourrait être beaucoup plus élaboré dans un sens ». Reposant sur une représentation des lieux issue des professionnels et la construction d’un regard collectif, une « expertise savante » prend place sans tenir compte des habitants (Heinich, 2009[35]Heinich N. (2009). La Fabrique du patrimoine. De la cathédrale à la petite cuillère, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, coll. « Ethnologie de la France » 288 p.). Paradoxalement, cette question de la participation est une des priorités énoncées dans le dossier de candidature. L’expression « habitant culturel », mentionnée tout au long du dossier Matera 2019, évoque la prise en compte des attentes des citoyens pour mettre en œuvre les évènements de l’année culturelle. Certes, des ateliers sont organisés par l’Open Design School, mais il s’agit le plus souvent d’apprentissage des outils Opensource, comme lors de la journée « Open Day[36]Dans le cadre de cette présentation officielle, deux workshops s’adressaient à la population. Le premier comprenait un atelier d’autoconstruction et d’assemblage d’une chambre claire avec les élèves du lycée artistique de Matera. Le second intitulé « projet participatif » avait pour objectif la création de mobilier extérieur en bois à partir des modules développés lors du premier workshop en 2016. ». Enfin, un principe « d’Open Talks » propose sous la forme de conférence chaque vendredi en fin de journée, une présentation autour d’un artiste, architecte ou théoricien au sein de l’école. Le principe d’ouverture de l’école se mesure par ces différents moments collectifs, mais l’on peut se demander dans quelle mesure l’échange se nourrit mutuellement et s’il ne s’agit pas uniquement d’un apprentissage de nouvelles techniques et bonnes pratiques à insuffler à la « communauté » de Matera.
« The community » ? Une culture commune partagée
L’expression « communauté » est maintes fois employée dans le dossier de candidature de Matera 2019. En italien, c’est le mot « comunità » que l’on retrouve, tandis qu’en anglais, le nom « community » est évoqué. Cette expression dialogue intimement avec l’histoire urbaine de Matera et en particulier avec les habitants des Sassi délogés de leur quartier. C’est au travers des études d’un groupe de chercheurs américains mandaté par Adriano Olivetti[37]Vice-président de l’UNRRA-CASAS et président de l’INU (Institut National d’Urbanisme) en 1951. L’administration des Nations unies pour le secours et la reconstruction (UNRRA) est chargée d’entreprendre la reconstruction de l’Europe à la fin de la Seconde Guerre. L’UNRRA-Casas s’occupe en priorité des logements. Ce plan de reconstruction mènera au plan Marshall, en 1947., en 1950, que le mot « comunità » entre dans la mémoire collective. La commission disciplinaire pour l’étude de la ville et de l’agriculture à Matera est constituée de plusieurs historiens, anthropologues et architectes, dont Federico Gorio et Ludovico Quaroni qui construiront par la suite le premier bourg rural de la Martella à quelques kilomètres du centre historique (Bilò et Vadini, 2013[38]Op. cit.). En parallèle, la sociologue Lidia de Rita s’intéresse à une notion centrale dans l’organisation des Sassi, à savoir l’unité du « vicinato[39]Traduction « voisinage ». ». À la différence d’une maison avec une cour fermée, les habitats troglodytiques s’organisent autour d’une cour centrale circulaire où les ressources telles que l’eau sont mises en commun par la présence d’un puits collectif. Le manque de lumière dans les logements creusés dans la pierre en fait un lieu de regroupement porteur d’usages variés durant la journée. Vivant dans une de ces unités de voisinage encore habitées en 1950, la sociologue De Rita y travaille sur la base de l’observation directe et montre dans son enquête l’importance de cet espace, porteur d’une véritable sociabilité urbaine empreinte néanmoins de tensions exaspérées. Lidia De Rita soutient en effet que « (…) la relation de voisinage n’est pas une relation d’amitié (…) Quiconque croit être confronté à une communauté archaïque qui vit dans d’excellentes relations d’affection et de compréhension mutuelle est déçu » (De Rita, 1955[40]De Rita L. (1955). « Il vicinato come gruppo », Centro sociale 1, n° 2, p. 13-18.).
Cette notion de « communauté », idéalisée dans le dossier de candidature, reste encore aujourd’hui ambiguë, comme en témoignent les différents sens que lui confèrent les collaborateurs de l’Open Design School. Pour certains, le terme italien « comunità » et son synonyme anglais « community » ne revêtent pas la même signification mais s’adressent à deux mondes différents. D’un côté, il s’agirait d’un réseau caractérisé par les nouvelles technologies et l’innovation, de l’autre, un sentiment d’appartenance à une ville, voire à un territoire. Une des participantes originaires de Matera explique que la « community » mise en œuvre est susceptible d’exclure une partie de la population peu connectée sur les réseaux sociaux et, d’après ses termes, sur « une autre longueur d’onde ». Elle justifie l’expression « comunità » par des valeurs de générosité et des caractéristiques géographiques : « pour une ville à taille humaine, je pense que c’est le bon mot. Et de toute façon, l’une des raisons pour lesquelles Matera a été élue… du moins de la part du comité d’évaluation… c’est qu’il y avait cet accueil particulier, avec le sentiment que toute la ville était impliquée dans le processus. » D’autres professionnels du workshop soulignent l’importance des réseaux dans la création d’une communauté. Le terme « network » apparaît ainsi comme fondateur d’une pensée commune, d’un partage de compétences et d’une disponibilité à échanger ses idées. Un designer nous explique qu’il est nécessaire pour lui d’être « prêt à se connecter aux autres » afin d’établir les liens d’une communauté naissante. La notion de complémentarité semble s’articuler de pair avec ce réseau de relations prenant la forme d’un « microcosme », selon une architecte.
Un vecteur de références globalisées :
l’architecte médiateur Joseph Grima
Le terme de « network » est également cher au directeur de l’Open Design School, Joseph Grima. L’architecte, diplômé de l’AA[41]Architectural Association School of Architecture. à Londres, est sélectionné parmi 87 candidatures en 2014 pour devenir le directeur artistique de Matera 2019. Choisi « quasi à l’unanimité (…) pour son expérience dans le domaine des arts et ses capacités de réseautage international » (Paternoster, 2017[42]Paternoster S. (2017). Le città invincibili. L’esempio di Matera 2019, Potenza, Universosud, p. 269), il développe le programme culturel et est en charge de rédiger le dossier final intitulé OpenFuture. Son objectif, tel qu’il est indiqué dans le journal de bord, est de construire un réseau international capable de relier les réalités locales aux meilleures expériences européennes. Une fois élu, en juin 2015, le maire Raffaello De Ruggieri ne manque pas de remettre en question la figure du directeur artistique, signifiant ainsi le rejet d’une personnalité au parcours trop internationalisé et dont les racines ne sont pas régionales. En effet, l’architecte de nationalité anglaise est né à Avignon en 1977 et est naturalisé italien par la suite. Rédacteur dans la revue DOMUS, sous la direction de Stefano Boeri, il poursuit sa carrière en tant que directeur du Storefront for Art and Architecture à New York, un espace d’expositions et d’évènements qu’il anime. De retour sur la scène professionnelle italienne en 2011, il devient rédacteur en chef de la revue Domus, dans laquelle il souhaite concilier architecture et design. À la même période, il crée son agence Space Caviar à Gênes, dont le concept est d’utiliser le langage et les outils du design pour répondre à des commandes d’installations temporaires. En parallèle, il enchaîne les directions artistiques de biennales de design en Europe et à l’international (Istanbul, Kortrijk, Chicago, Saint-Étienne). Son parcours axé sur le design et l’architecture lui vaut d’être nommé, en septembre 2017, directeur de la Design Academy à Eindhoven, où il enseigne depuis plusieurs années. Dans un article paru en 2018, le nouveau directeur exprime sa vision sur l’institution hollandaise qu’il souhaite transformer : « À Eindhoven, j’ai l’intention d’expérimenter la manière dont une école peut devenir une plate-forme pour donner aux élèves la possibilité de faire des choses, au-delà des simulations ou des prototypes. Une école qui n’est pas un moyen d’endoctrinement des dogmes ou qui puise dans ce qui lui est familier, mais un laboratoire d’incubation et d’idées qui puise son inspiration dans la vraie vie et qui conçoit aussi pour elle » (Traldi, 2018[43]Traldi L. (2018). « Joseph Grima: conviviality creates good design (and happy people) » [En ligne).
Cette citation n’est pas sans lien avec la pensée de l’Open Design School telle qu’elle est décrite par le site web qui vise à en promouvoir les projets. Les concepts de « laboratoire », « plate-forme » et « réseau » sont au cœur de l’approche voulue par Joseph Grima dans une démarche de prototypage et d’expérimentation. Le fil conducteur de l’open source, qui apparaît comme novateur dans le récit de Matera 2019, est en réalité développé depuis plusieurs années par l’architecte. En 2011, plusieurs numéros de la revue Domus qu’il dirige sont dédiés à la culture open source annoncée par le magazine comme un « méta-sujet du xxie siècle » à ne pas laisser de côté (D’Agostino, 2012[44]D’Agostino S. (2012). « La Domus di Joseph Grima » [En ligne). Dans un des articles[45]Domus, n° 948, juin 2011., on trouve la préfiguration du système développé à Matera, à travers le projet OpenStructures de Thomas Lommée. Le designer explore la possibilité d’un système de construction modulaire sur la base d’une grille géométrique commune. Mobilisé au sein de l’ODS en tant qu’expert, Thomas Lommée prodigue ses conseils pour la fabrication du mobilier dessiné par les participants du workshop et directement issu de ses concepts.
La notion de réseau n’est donc pas uniquement théorique mais s’applique, pour Joseph Grima, aussi bien dans les outils mobilisés que dans les personnes impliquées. La philosophie d’un « espace pensé comme un réseau social », tel que l’indique le directeur artistique de Matera 2019, prend tout son sens dans le modèle de l’Open Design School, en réalité moins novateur que promis sur le papier (Grima et Vandeputte, 2012[46]Grima J, Vandeputte T. (2012). “Sites of Experimentation”, Conversation with Joseph Grima, Exhibitions. Showing and Producing Architecture, OASE, n° 88, p. 61-70 [En ligne). Dans ce réseau européen et international, nous pouvons nous interroger sur les composantes et les participants de cet espace de conception à partir du digital. On remarque en effet, au sein de l’ODS, une proximité avec la Design Academy d’Eindhoven et son récent directeur[47]Les deux professionnels étrangers sélectionnés viennent de la Design Academy d’Eindhoven. mais également le retour d’une génération de professionnels à Matera après des années en dehors de la Basilicata. Face à ce constat, nous observons l’émergence d’une classe créative locale nourrie par des expériences internationales en amont. Par l’application de nouveaux outils et de méthodes issues de leur expérience à l’étranger, ce regroupement de « créatifs » souhaite impulser et générer d’autres types de projet, via l’Open Design School. Le groupe in-situ s’appuie par ailleurs sur un réseau international d’experts mobilisé de manière ponctuelle pour apporter des solutions techniques et une réflexion plus large autour de modèles alternatifs pour penser la ville. À travers la culture commune du numérique, une communauté professionnelle prend racine et se structure selon des savoirs et des pratiques identifiées sous le terme d’OpenSource. Cette nouvelle génération de créatifs fait néanmoins partie d’une certaine classe sociale que l’on peut qualifier « d’expatriés », de retour dans leur région d’origine qu’ils ambitionnent de réinventer.
Conclusion
À partir de l’étude de cas de l’ODS, nous avons voulu souligner les effets directs sur la transformation des espaces de la ville et les effets indirects relatifs à la représentation et mise en visibilité de certains lieux privilégiés. Nous mettons en lumière les limites d’un modèle de conception fondé sur des techniques dites d’innovation et d’expérimentation face aux attentes plus concrètes en termes d’infrastructures et d’équipements à Matera. Cette dualité de vision se lit également dans les modèles de villes défendus : la supposée résilience d’Aarhus, d’une part, et la métamorphose du centre historique de Marseille, de l’autre. La croyance envers des « bonnes pratiques » qui rassurent, se heurte au désir d’expérimentation prescrit par les acteurs principaux de la fondation Matera-Basilicata 2019. L’utilisation de modèles expérimentés dans d’autres villes érigées en tant que symbole de réussite semble être la solution aux risques soulevés par les militants[48]Représentants des syndicats CGIL, CISL e UIL et associations professionnelles, culturelles, étudiantes, sportives (il Movimento studenti 21, Centro Carlo Levi, INU, Legambiente Matera, Associazione Amici biblioteca, Matera Ferrovia Nazionale…) en faveur d’une transformation durable du territoire. En réalité, l’interprétation des règles issues de « l’expérience des autres » (Arab, 2007[49]Op. cit.) s’adapte en fonction des projets à légitimer et des investissements économiques à développer en priorité. Dans le cas de Matera, nous sommes en présence d’une pluralité de modèles mobilisés différemment, voire rejetés selon les acteurs concernés. Marseille est ainsi considérée comme un exemple à suivre pour les professionnels locaux pour sa transformation urbaine spectaculaire, tandis que les acteurs institutionnels souligneront la grande capacité à intégrer les entrepreneurs privés en utilisant l’outil « culture » pour requalifier le territoire. Le modèle devient de cette manière hybride et se compose d’une diversité d’expériences qui tente de s’adapter au contexte local, à travers un concept « d’assemblage ». La notion de kaléidoscope reprend ainsi l’idée d’une diversité de modèles, qui s’affrontent aussi bien localement qu’à l’échelle internationale. La vision binaire d’un modèle international qui s’implanterait localement avec un processus top down est de fait dépassée et témoigne à Matera d’une narration multiple de la ville. Pour la mairie, il s’agit de proposer une cité digitale au cœur du numérique souhaitant attirer les entrepreneurs sur la vague de la smart city, tandis que la fondation Matera-Basilicata 2019 prône une ville créative autour de la tradition du design, et que le secteur touristique propose le concept de slow city dans un décor patrimonial inchangé depuis des millénaires. Comme Boris Grésillon l’annonçait pour la capitale européenne de la culture Marseille-Provence 2013, la fonction de catharsis du label met en lumière les frustrations, contradictions et tensions urbaines qui se conjuguent avec les attentes multiples des acteurs de la labellisation.
Parallèlement, on note l’émergence d’une nouvelle communauté de créatifs qui se reconnaît dans le modèle de l’OpenSource et se structure progressivement à travers le processus Matera 2019. L’Open Design School devient un vecteur pour cette génération de professionnels qui se construit un cadre de références internationales. Comme l’évoque Nadia Arab, ce processus de transfert témoigne d’une démarche d’apprentissage sur un mode empirique, pragmatique et territorialisé (Arab, 2007[50]Op. cit.). Les ateliers de prototypage de l’ODS se combinent aux expériences internationalisées par le biais de conférences et de formations, l’ensemble sous l’œil expert du directeur scientifique, véritable passeur de connaissances. Dans cette vision des Sassi en cluster créatif, nous assistons toutefois à une mise en scène narrative d’un décor urbain. Nous pouvons reprendre la notion « d’urbanisme fictionnel » développée par Laurent Matthey, qui énonce l’émergence d’une mise en spectacle des projets d’agglomération par des stratégies de storytelling. Cette « bulle discursive » conduit à la dématérialisation de la fabrique urbaine scénarisée par des professionnels (Matthey, 2011[51]Matthey L. (2011). « Urbanisme fictionnel : l’action urbaine à l’heure de la société du spectacle », Métropolitiques, p. 14.). Par la centralité de l’outil vidéo et de la photographie développée sous le format quotidien du blog de l’Open Design School, la ville est donnée à voir tel un film diffusé majoritairement via les réseaux sociaux, pour une communauté que l’on peut qualifier de virtuelle et qui reste peu visible dans l’espace physique de la ville. Cette invisibilité des acteurs entre en résonnance avec l’absence de chantiers urbains qui restent de l’ordre de l’imaginaire et de la vision, dans une ville en attente de transformations.
[1] Winter T. (2014). « Heritage conservation futures in an age of shifting global power », Journal of Social Archaeology, n° 14(3), p. 319-339.
[2] Gonzalez S. (2011). « Bilbao and Barcelona ‘in motion’. How urban regeneration ‘models’ travel and mutate in the global flows of policy tourism », Urban Studies, n° 7, p. 1397-1418.
[3] Devisme L, Dumont M, Roy E. (2008). « Le jeu des “bonnes pratiques” dans les opérations urbaines, entre normes et fabrique locale », Espaces et sociétés, n° 131, p. 15-31.
[4] Arab N. (2007). « À quoi sert l’expérience des autres ? “Bonnes pratiques” et innovation dans l’aménagement urbain », Espaces et sociétés, n° 131, p. 33-47.
[5] Delpeuch T. (2009). « Comprendre la circulation internationale des solutions d’action publique : panorama des policy transfer studies », Critique internationale, n° 43, p. 153-165.
[6] Op. cit., p. 34.
[7] Espagne M. (2013). « La notion de transfert culturel », Revue Sciences/Lettres, n° 1.
[8] Le titre concerne également la région de la Basilicata, où se situe Matera.
[9] Créée en 2015, la fondation Matera-Basilicata 2019 a pour mission la mise en œuvre du programme culturel pour l’année 2019. Elle se présente comme une structure autonome à but non lucratif et se compose d’un conseil d’administration, d’un comité de pilotage, d’un conseil scientifique et d’un comité de commissaires aux comptes.
[10] Bourdin A, Idt J. (2016). L’urbanisme des modèles. Références, benchmarking et bonnes pratiques, Éditions de l’Aube, 189 p., p. 10.
[11] Dans le cadre de notre thèse, nous avons réalisé cinq enquêtes de terrain allant d’une semaine à deux mois sur place, de janvier 2017 à décembre 2018.
[12] Vivant E. (2007). « L’instrumentalisation de la culture dans les politiques urbaines : un modèle d’action transposable ? », Espaces et sociétés, n° 131, p. 49-66.
[13] Secchi G. (2016). « Les dessous de la ville créative : Saint-Étienne, entre modèles théoriques et pratique », ÉchoGéo, n° 36.
[14] Douay N, Prévot M. (2016). « Circulation d’un modèle urbain “alternatif” ? », ÉchoGéo, n° 36.
[15] Nobili V. (2005). « The role of European capital of culture events within Genoa’s and Liverpool’s branding and positioning efforts », Place Branding and Public Diplomacy, n° 3, p. 316-328.
[16] Paddison R. (1993). « City Marketing, image reconstruction and urban regeneration », Urban Studies, n° 30(2).
[17] Lucchini F. (2006). « Les capitales européennes de la culture », Les annales de la recherche urbaine, n° 101, p. 91-99.
[18] Grésillon B. (2011). Un enjeu « capitale » : Marseille-Provence 2013. La Tour‑d’Aigues, Éditions de l’Aube, coll. Monde en cours.
[19] Levi C. (1945). Christ s’est arrêté à Eboli, Paris, Gallimard, coll. Folio, 175 p., p. 97.
[20] Laureano P. (1993). Giardini di pietra: i Sassi di Matera e la civiltà mediterranea, vol. 40, Turin, Bollati Boringhieri, 200 p.
[21] Bilo F, Vadini E. (2013). Matera e Adriano Olivetti, Collana Intangibili, Fondazione Adriano Olivetti, n° 23.
[22] Fabre D, Iuso A. (2010). Les monuments sont habités, Paris, Les Éditions de la MSH, coll. Ethnologie de la France, n° 24, p. 336.
[23] Traduit de l’italien.
[24] Parmi ces associations, nous pouvons citer le mouvement étudiant Movimento studenti 21, l’association culturelle Centro Carlo Levi qui milite en faveur de la création d’un musée des Sassi, l’institut d’urbanisme italien INU, l’association environnementale Legambiente Matera, l’association Amici della biblioteca pour la sauvegarde de la bibliothèque provinciale, ou encore l’association Matera Ferrovia Nazionale, groupe actif pour la création d’un réseau ferroviaire national à Matera.
[25] Le premier dossier de candidature de Matera 2019 portait à 166 000 euros le budget pour la création et la réhabilitation d’infrastructures culturelles. Le second dossier présenté à la commission européenne réduit de moitié le budget qui chute à 82 400 euros.
[26] « A Matera, la marcia per la cultura e il lavoro », sassilive.it [En ligne].
[27] Maisetti N. (2013). « City branding et fragmentation métropolitaine : l’impossible recherche d’une marque territoriale dans le cas du territoire marseillais », Communication & langages, n° 175, p. 95-118.
[28] Florida R. (2002). The rise of the creative class, and how it is transforming work, leisure, community and everyday life, New York, Basic Books, 416 p.
[29] « Open Design School / Matera », ods.matera-basilicata2019.it [En ligne].
[30] Le rapport de 2016 mentionne : « des personnes créatives de n’importe quel âge et n’importe quelle discipline ».
[31] Le workshop que nous avons suivi devait initialement durer 8 semaines mais a été prolongé par la suite de deux mois à la demande des professionnels.
[32] Ce document, similaire pour tous les groupes, comporte quatre feuillets avec une première page de critères à cocher, une seconde page blanche pour d’éventuels croquis, un espace dédié aux notes écrites et enfin un plan de situation.
[33] Silvestrini V. (2015). « Biennale di Architettura di Chicago. Parla Joseph Grima », Artribune [En ligne].
[34] Association La Scaletta, fondée en 1959.
[35] Heinich N. (2009). La Fabrique du patrimoine. De la cathédrale à la petite cuillère, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, coll. « Ethnologie de la France » 288 p.
[36] Dans le cadre de cette présentation officielle, deux workshops s’adressaient à la population. Le premier comprenait un atelier d’autoconstruction et d’assemblage d’une chambre claire avec les élèves du lycée artistique de Matera. Le second intitulé « projet participatif » avait pour objectif la création de mobilier extérieur en bois à partir des modules développés lors du premier workshop en 2016.
[37] Vice-président de l’UNRRA-CASAS et président de l’INU (Institut National d’Urbanisme) en 1951. L’administration des Nations unies pour le secours et la reconstruction (UNRRA) est chargée d’entreprendre la reconstruction de l’Europe à la fin de la Seconde Guerre. L’UNRRA-Casas s’occupe en priorité des logements. Ce plan de reconstruction mènera au plan Marshall, en 1947.
[38] Op. cit.
[39] Traduction « voisinage ».
[40] De Rita L. (1955). « Il vicinato come gruppo », Centro sociale 1, n° 2, p. 13-18.
[41] Architectural Association School of Architecture.
[42] Paternoster S. (2017). Le città invincibili. L’esempio di Matera 2019, Potenza, Universosud, p. 269
[43] Traldi L. (2018). « Joseph Grima: conviviality creates good design (and happy people) » [En ligne].
[44] D’Agostino S. (2012). « La Domus di Joseph Grima » [En ligne].
[45] Domus, n° 948, juin 2011.
[46] Grima J, Vandeputte T. (2012). “Sites of Experimentation”, Conversation with Joseph Grima, Exhibitions. Showing and Producing Architecture, OASE, n° 88, p. 61-70 [En ligne].
[47] Les deux professionnels étrangers sélectionnés viennent de la Design Academy d’Eindhoven.
[48] Représentants des syndicats CGIL, CISL e UIL et associations professionnelles, culturelles, étudiantes, sportives (il Movimento studenti 21, Centro Carlo Levi, INU, Legambiente Matera, Associazione Amici biblioteca, Matera Ferrovia Nazionale…)
[49] Op. cit.
[50] Op. cit.
[51] Matthey L. (2011). « Urbanisme fictionnel : l’action urbaine à l’heure de la société du spectacle », Métropolitiques, p. 14.