juillet 2018
La circulation des modèles
De l’usage des références
pour une coconstruction des savoirs
Retour sur une coopération technique
pour les transports urbains au Pérou
De l’usage des références pour une coconstruction des savoirs : retour sur une coopération technique pour les transports urbains au Pérou,
Riurba no
6, juillet 2018.
URL : https://www.riurba.review/article/06-modeles/perou/
Article publié le 1er juil. 2018
- Abstract
- Résumé
Using references for the co-construction of knowledge: technical cooperation for urban transport in Peru
This article interrogates the place of models and “best practices” in the development of urban transportation projects in Peru. It analyses a technical cooperation financed by the French Development Agency implemented in 2016, which provides a technical support oriented towards Peruvian authorities. Two cases of projects are discussed, in Lima and Arequipa. Beyond the transfer of turnkey models, the article highlights the mobilization of exogenous experiences by the stakeholders as well as their confrontation to on-the-ground realities. This analysis emphasizes the challenges that appear in the co-construction of knowledge and expertise proposed by the technical cooperation and based on multiple references. It reflects on the role played by international cooperation and the positions taken by the experts, as well as on how they are perceived by the local counterparts and how it integrates in the local (geo) political games. Finally, it highlights the difficulties in analysing the impacts of international and local cooperation, and furthers an understanding of the complex relations involved in the co-construction of urban transportation projects.
Cet article interroge la place des modèles et des « bonnes pratiques » dans la conception des projets de transport urbain au Pérou dans le cadre d’une coopération technique. Mise en place en 2016 et financée par l’Agence française de développement, cette coopération permet une assistance technique à destination des autorités péruviennes. L’article analyse le processus de conception de projets de transport dans les villes de Lima et d’Arequipa. Plus que le transfert de modèles clés en main, il met en évidence la mobilisation d’expériences exogènes par les différents acteurs, ainsi que leur confrontation aux réalités du terrain. Cette analyse permet de mettre en lumière les enjeux de la coconstruction des savoirs et des savoir-faire, proposée par la coopération technique et basée sur des références multiples. Elle questionne le rôle de la coopération internationale et la position des experts, ainsi que sa réception par les contreparties et son inscription dans les jeux (géo)politiques locaux. Finalement, elle met en évidence la difficulté de saisir son impact et, par là-même, sa complexité.
post->ID de l’article : 3990 • Résumé en_US : 4010 • Résumé fr_FR : 4007 •
Introduction
Début 2016, l’Agence Française de Développement (AFD), établissement public de l’État en charge du financement des actions de coopération, lance un programme de coopération technique avec le ministère péruvien du Transport, pour une durée de deux ans. Animée par l’association Coopération pour le Développement et l’Amélioration des Transports Urbains et périurbains (CODATU) depuis Lima, cette coopération prend le pari d’une méthodologie participative et collaborative, avec l’objectif de faire émerger des projets de mobilité urbaine par le collectif dans plusieurs villes du Pérou. Elle aboutit notamment à l’élaboration d’une étude technique concernant un projet de transport public massif type Bus Rapid Transit (BRT1[1]Aussi définis comme des bus à haut niveau de service, fonctionnant sur des voies réservées.), bus express, ou tramway à Arequipa, seconde ville du pays, de presque 1 million d’habitants. À Lima, métropole de 10 millions d’habitants et capitale du pays, plusieurs initiatives sont proposées mais peinent à se concrétiser. Évoquées par les experts internationaux ou par les acteurs locaux, les références à des expériences exogènes de transports publics intégrés (à la ville et entre différents modes de transports) sont multiples. Les cas mobilisés sont français — Bordeaux, Paris, Lyon, Montpellier, etc. —, asiatiques ou africains — Kochi, Bombay (Inde), Casablanca (Maroc) —, en passant par les expériences latino-américaines connues — Curitiba (Brésil), Bogotá et Medellin (Colombie).
En contraste avec d’autres expériences, ce n’est pas un modèle spécifique ni une solution clés en main qui est importé, comme cela a pu être le cas avec le modèle du BRT répliqué avec succès à partir de Curitiba puis de Bogota vers d’autres villes de la région et au-delà (Paquette, 2018[2]Paquette Vassalli C. (2018). « L’amélioration du transport public et de la mobilité, catalyseur de changement dans les métropoles d’Amérique latine », Métropoles, hors-série [En ligne ; Wood, 2015[3]Wood A. (2015). « The politics of policy circulation: unpacking the relationship between South African and South American cities in the adoption of bus rapid transit », Antipode, vol. 47 n° 4, p. 1062-1079.). La posture de la coopération technique se distingue de deux façons. D’une part, elle propose plutôt une façon de réfléchir et de formuler des solutions, en se basant sur des références à des exemples concrets. Nous préfèrerons donc l’usage du terme de « référence », plus neutre, que de celui plus normatif de « modèle ». D’autre part, elle propose de promouvoir le lien entre transport et urbanisme, qui est souvent une dimension absente des projets de transport et qui impose une recherche d’adéquation au contexte local.
L’analyse de la coopération technique se détache donc d’une lecture trop simple qui verrait un transfert ou une imposition de modèles du Nord vers le Sud. La multiplicité des lieux de production de modèles, au Nord comme au Sud, tout comme la diversité des agents qui permettent leur circulation, imposent d’autres grilles de lecture (Verdeil, 2005[4]Verdeil E. (2005). « Expertises nomades au Sud. Éclairages sur la circulation des modèles urbains », Géocarrefour, vol. 80, n° 3.). Il s’agit d’abord de prendre la mesure de la combinaison de modèles internationaux et des arrangements locaux qui jouent dans la construction des politiques (Mc Cann et Ward, 2011[5]McCann E, Ward K (dir.). (2011). Mobile urbanism. Cities and policymaking in the Global Age, Minneapolis, University of Minnesota Press.). Il s’agit ensuite de saisir le rôle de la circulation de pratiques, savoirs et expériences dans la reconfiguration des rapports de pouvoirs, notamment entre l’État central, les villes et la coopération internationale (Beal et al. 2015[6]Beal V, Epstein R, Pinson G. (2015). « La circulation croisée : modèles, labels et bonnes pratiques dans les rapports centre-périphérie », Gouvernement et action publique, vol. 3, n° 3, p. 103-127. ; Peyroux et Sanjuan, 2016[7]Peyroux E, Sanjuan T. (2016). « Stratégies de villes et “modèles” urbains : approche économique et géopolitique des relations entre villes », EchoGéo, n° 36.). De fait, les injonctions internationales prenant l’urbain pour cible[8]En particulier les objectifs du développement durable et le nouvel agenda urbain, qui ont été publiés à la suite de la conférence Habitat III (2016)., tout comme le développement de réseaux transnationaux de villes (Bulkeley et Betsill, 2005[9]Bulkeley H, Betsill M. (2005). « Rethinking sustainable cities: multilevel governance and the “urban” politics of climate change », Environmental Politics, vol.14, n° 1, p. 42-63.), s’accompagnent d’une multiplication des modèles et des références. Dans ce contexte, il semble nécessaire de réinterroger le rôle de la coopération internationale et sa capacité à s’adapter aux réalités et spécificités des Sud (Koop et Amilhat-Szary, 2011[10]Koop K, Amilhat-Szary AL. (2011). « Introduction. Approche critique des transferts contemporains des modèles de développement territorial vers les Sud », L’Information géographique, vol. 75, n° 4, p. 6-14.). La coopération technique est au cœur de ces dynamiques.
Afin de saisir ce qui est produit au sein de cette coopération, nous proposons d’observer le dispositif d’intervention en pratique (Lavigne Delville, 2011[11]Lavigne Delville P. (2011). « Pour une anthropologie symétrique entre “développeurs” et “développés” », Cahiers d’études africaines, n° 202-203.) et les modalités de circulation et d’usages des références qui se jouent en son sein. La coopération technique constitue une « scène d’échange » spécifique, qui contribue directement au partage d’expériences. Nous nous intéressons à ce qui émerge de la confrontation des savoirs et des expériences dans la conception des projets (Arab, 2017[12]Arab N. (2017). « L’élaboration collective des projets d’urbanismeRiurba, n° 3.), entre une expertise française avec un mandat spécifique et une temporalité d’action courte, et des acteurs locaux, avec leurs propres contraintes et références (elles aussi souvent internationales). En analysant cette rencontre, l’objectif est d’interroger le processus de coconstruction des savoirs et des savoir-faire, proposé par la coopération technique. Comment les références exogènes sont-elles mobilisées dans ce processus ? Dans quelle mesure ce dispositif de coopération influence la production locale des politiques urbaines ? Quelles en sont les limites et quels enseignements en tirer sur les enjeux de la fabrique urbaine dans les villes latino-américaines ?
Cet article s’appuie sur un travail de recherche sur le déroulement et les enjeux de la coopération technique française au Pérou[13]Le projet « Accompagnement par la recherche de la coopération technique française pour la mobilité urbaine au Pérou », est mis en place dans le cadre d’une collaboration entre l’IFEA et la CODATU, en 2017, et implique les trois auteurs de cette communication. Il a donné lieu à un stage de master, réalisé en 2017 par Dai Li Chang (Chang DL. (2017). Une coopération technique pour le développement de projets de transport urbain au Pérou. Enjeux et proposition d’évaluation, Rapport de stage de Master 2 de Géographie/DynPED, universités Paris Diderot et Paris 1 Panthéon-Sorbonne), et qui est remobilisé dans cet article.. Proposée par des chercheurs de l’Institut français d’études andines, cette recherche a bénéficié de l’intérêt certain manifesté par les membres de la coopération technique, en particulier par la CODATU, qui ont largement contribué à son développement. Cette association française loi 1901, fondée en 1980 à l’occasion de la 1ère conférence mondiale sur la planification des transports dans les villes des pays en développement à Dakar[14]Voir les actes du colloque fondateur [En ligne, est spécialisée dans les projets de transports à l’international. Elle regroupe notamment des opérateurs de transports (RATP, SOTRA à Abidjan, etc.), des autorités publiques en charge de ceux-ci (Ile-de-France Mobilité, Sytral, etc.) ou des collectivités locales (Eurométropole de Strasbourg, ville de Lomé, etc.), des constructeurs de véhicules (Alstom, Iveco, etc.), de nombreux bureaux d’études (Artelia, Systra, ODA en Afrique du Sud, etc.) et des institutions d’enseignement et de recherche (CNAM, IFFSTAR, université de Leeds, etc.). Aujourd’hui, la CODATU se trouve dans une phase expérimentale de développement d’une méthode dans le cadre de cinq coopérations techniques commanditées par l’AFD (au Pérou, en Inde, en Tunisie, au Brésil et en Égypte).
La recherche dont nous présentons ici certains résultats mobilise les différents documents touchant aux projets de transports dans les villes considérées, en attachant une attention particulière à ceux produits par la coopération (documents de cadrage d’objectifs, éléments de diffusion, études techniques). Cette analyse est complétée par une observation participante de quatre ateliers de travail et la réalisation d’une vingtaine d’entretiens, aussi bien avec des intervenants français qu’avec des partenaires locaux (annexe 1). Des entretiens spécifiques ont par ailleurs été réalisés avec les experts de la CODATU, chargée de la coopération au Pérou, mais aussi avec ceux impliqués dans d’autres coopérations du même type.
Après de brefs éléments de contexte, nous présenterons les caractéristiques de la coopération technique, en soulignant l’usage des références qui est fait en son sein. Nous analyserons ensuite les logiques d’opérationnalisation des projets identifiés dans le cadre de la coopération, d’abord à Lima puis à Arequipa. Nous reviendrons, dans une dernière partie, sur les enseignements que nous tirons de ces deux cas, en proposant une mise en perspective sur le rôle de la CODATU et sur la réception de la coopération par les acteurs locaux.
L’enjeu des transports urbains au Pérou et la coopération technique
Quelques éléments de contexte
sur le transport public dans les villes péruviennes
Selon les enquêtes de perceptions de la qualité de vie menées par l’observatoire Lima Como Vamos dans la capitale, le transport public est le deuxième problème des habitants de Lima en 2017, et ce depuis plusieurs années (Lima Como Vamos, 2017[15]Lima Como Vamos. (2017). Encuesta Lima cómo vamos: Estudio de percepción sobre calidad de vida (8e rapport), Lima, Observatorio Lima Como Vamos.). Dans la ville d’Arequipa, la situation est similaire. Ce sont des villes où le transport public représente la majorité des déplacements, 51 % à Lima[16]Selon la base de données de l’Observatoire de la mobilité urbaine de la CAF en 2015 [En ligne, 63 % à Arequipa[17]Pour une présentation plus détaillée de la problématique du transport dans chaque ville, voir les notes de situations de L. Boudet et C. Bourdais (Boudet L, Bourdais C. (2017). « Arequipa, ville péruvienne dans l’attente d’un nouveau système de transport », CODATU [En ligneEn ligne. Cette offre apparaît désorganisée et de mauvaise qualité suite aux dérégulations des années 1990 (Vega Centeno et al., 2011[18]Vega Centeno P, Dextre JC, Alegre M. (2011). « Inequidad y fragmentación: movilidad y sistemas de transporte en Lima Metropolitana », dans De Mattos C, Ludeña L (dir.), Lima-Santiago. Reestructuración y cambio metropolitano, Lima, CIAC-PUCP, p. 289-328.). Une multitude de petits bus se font concurrence sur les axes centraux (Bielich Salazar, 2009[19]Bielich Salazar C. (2009). La guerra del centavo. Una mirada actual al transporte público en Lima Metropolitana, Lima, Consorcio de Investigación Económica y Social, Instituto de Estudios Peruanos.), rompant souvent les règles de conduite pour rentabiliser leurs trajets. À cela s’ajoute la prolifération des taxis — plus de 200 000 à Lima (1 pour 50 habitants), 30 000 à Arequipa (1 pour 30 habitants) —, des colectivos informels et des motos-taxis, véhicules à moteur à trois roues pouvant transporter deux passagers, suscitant d’autres inconvénients. Malgré la démultiplication des opérateurs, l’offre est insuffisante. L’informalité, la congestion, les accidents de la route et la pollution sont des problèmes visibles qui font régulièrement la une des médias.
Dans ce contexte, les politiques de transport urbain deviennent une priorité dès le début des années 2000, en écho aux dynamiques régionales (Paquette, 2018[20]Op. cit.). Les projets et les réformes se multiplient, en particulier dans la capitale. Un premier BRT est mis en place par la ville de Lima en 2010, suivi d’un projet de Système Intégré de Transport (SIT), en 2012. Une ligne de train électrique est inaugurée par l’État central, en 2012, étendue en 2014. Une deuxième ligne est en construction, et d’autres sont à l’étude. Arequipa, pour sa part, commence à réfléchir à la mise en place d’un système intégré de transport dès 2006. Ces réformes et grands projets d’infrastructures marquent un retour de l’intervention publique sur la question des transports urbains, jusqu’alors dérégulés et laissés à la libre concurrence. Du fait de l’ampleur des investissements à réaliser, l’État central promeut la participation du secteur privé, dans le cadre de partenariats public-privé ou d’initiatives exclusivement privées (Strauch et al., 2015[21]Strauch L, Takano G, Hordijk M. (2015). « Mixed-use spaces and mixed social responses: Popular resistance to a megaproject in Central Lima, Peru », Habitat International, n° 45, p. 177-184.), s’appuyant aussi sur les bailleurs internationaux. La dynamique de construction de grands projets d’infrastructures connaît cependant un ralentissement important lié aux récents scandales de corruption et à l’instabilité politique[22]Il s’agit du scandale lié à l’entreprise brésilienne Odebrecht, depuis 2016, de la démission du président Kuczynski en mars 2018 et des changements de gouvernements successifs (depuis 2016, 4 changements de ministre de l’Économie et 3 de ministre du Transport). En 2017, sur une vingtaine de projets envisagés avec les bailleurs, seulement deux, représentant 10 % du montant de volume de prêt annoncé, ont été approuvés..
En parallèle de ces grands projets, des réformes institutionnelles sont aussi engagées. Deux intentions inédites figurent actuellement dans le portefeuille de projets du ministère des Transports : d’une part, la mise en place d’un programme national de transport urbain qui prévoit l’accompagnement des autorités locales ; d’autre part, la création d’une autorité de transport urbain entre Lima et Callao[23]La zone métropolitaine de Lima-Callao comprend deux territoires administratifs distincts : la province de Lima, gérée par la Municipalité Métropolitaine de Lima (MML), et la province constitutionnelle de Callao, administrée par la Municipalité Provinciale de Callao (MPC). Chacune dispose de ses propres institutions pour réguler les lignes de transport public qui se déploient pourtant sur les deux territoires. pour y instaurer une gestion optimisée et intégrée du transport.
Ces politiques s’inscrivent dans le processus de décentralisation, avec une place de plus en plus forte revendiquée par les gouvernements locaux des villes. Compétentes sur le secteur, les villes ne disposent cependant pas des capacités d’investissements (ni d’endettement) suffisantes pour réaliser des grands projets, restant alors dépendantes de l’État central. Ce dernier utilise amplement ce levier pour s’imposer sur les territoires locaux. Dans ce contexte, les projets font l’objet de nombreux conflits, exacerbés par les batailles politiques, avec comme conséquences de nombreux retards et blocages. À Lima, l’État central a imposé son projet de métro, à l’encontre du développement du BRT porté par la municipalité. Le projet d’autorité unique de transport, porté par le ministère des Transports et actuellement en discussion, soulève une forte contestation de la part des autorités locales qui craignent de perdre une partie de leurs compétences. À Arequipa, les tensions sont aussi importantes, notamment lorsque la municipalité provinciale s’est vue imposé un projet de monorail en 2014 (abandonné plus tard) en lieu et place du système de transport intégré qu’elle commençait à mettre en œuvre.
Montage et format de la coopération technique
C’est donc dans un contexte de transformation rapide des politiques publiques mais conflictuel que se met en place la coopération technique financée par l’AFD. Elle s’inscrit dans le développement d’une nouvelle forme de coopération, basée sur une logique technico-financière (Meimon, 2007[24]Meimon J. (2007). « Que reste-t-il de la coopération française ? », Politique africaine, n° 105, p. 27-50.). Elle est complémentaire des missions économiques des ambassades, orientées vers les besoins des entreprises privées, et des coopérations décentralisées, relativement peu développées dans ce domaine en Amérique latine. La coopération technique mise en place au Pérou est financée grâce à un Fonds d’expertise technique et d’échanges d’expériences (FEXTE), outil mis en place récemment par l’AFD. Il s’agit d’une enveloppe souple qui permet d’assurer un accompagnement technique, complémentaire à l’activité principale de financement de prêts, et qui constitue en ce sens la principale plus-value de l’Agence (en comparaison avec d’autres banques commerciales). Plusieurs conditions se sont avérées propices au montage de cette coopération. Selon le représentant de l’AFD au Pérou : « L’AFD avait un nouvel outil à tester [le FEXTE], il y avait un défi majeur dans le secteur, une expertise française, un prêt sur la ligne 2 du métro [de 120 millions d’euros en 2015] et des entreprises françaises sur place, car on attendait des gros projets d’infrastructures [Veolia, Vinci, Ingerop] ».
Financée à hauteur de 800 000 euros (provenant de fonds du gouvernement français), cette coopération représente l’opportunité de valoriser le savoir-faire français et le rôle de l’AFD au Pérou. Elle permet aussi d’accompagner la mise en œuvre du projet de métro, ainsi que les autorités locales, en proposant une expertise technique sur des aspects peu ou pas développés dans les contrats (développement urbain, impacts socio-environnementaux ou encore intégration modale). Cet espace de la coopération est d’autant plus « stratégique » que l’État péruvien dispose de marges de manœuvre pour se financer sur les marchés internationaux, limitant l’influence et les capacités de négociations des bailleurs. Cette coopération est donc un moyen « soft » (en complément du contrat de prêt) de transmettre les critères et les exigences de l’AFD en matière de transport urbain. In fine, il s’agit pour l’AFD de trouver un moyen de « peser » sur les politiques locales et de construire une collaboration et un environnement qui facilitent le financement de projets dans le futur.
Commanditée par l’AFD, cette coopération s’appuie sur un ensemble d’acteurs de l’expertise française. L’animation est à charge de la CODATU, qui dispose d’une expertise internationale et d’un savoir-faire reconnus. Elle mobilise aussi des centres d’études publics (le CEREMA[25]Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement.), des collectivités territoriales (la métropole de Bordeaux), des bureaux d’études privés (Ingerop et Artelia), qui font eux-mêmes partie du réseau de la CODATU. Le contrat est signé avec le ministère des Transports péruvien, bénéficiaire et principal partenaire de la coopération, en particulier sa Direction générale du budget et de la planification chargée de définir les grandes orientations du secteur. Dès le départ, l’AFD précise cependant l’intention de collaborer avec les villes, qui seront progressivement associées : l’agglomération de Lima-Callao, Arequipa, Trujillo et Cuzco. Concrètement, elle est portée par un petit groupe de personnes clés. Pour la CODATU, un Coordinateur senior réalise des missions régulières au Pérou (tous les trois mois environ) et une Volontaire de solidarité internationale est basée dans les locaux du ministère, ce qui lui permet de « comprendre la mécanique » (Meimon, 2007[26]Op. cit.) du secteur. L’AFD, à travers son représentant pays et le responsable technique depuis le siège[27]L’AFD mobilise aussi une Volontaire internationale basée à Lima sur ce sujet., suit son déroulement de façon régulière et prend les décisions en fonction des propositions de la CODATU.
Des références exogènes
pour créer un langage commun
Comme le mentionne la convention, l’objectif principal de la coopération technique est « d’amorcer, à partir du transport urbain, un dialogue autour du développement du concept de ville durable » au Pérou. La méthodologie proposée par la CODATU se veut ouverte et participative. Elle propose un cadre d’action initial volontairement large, qui doit évoluer en fonction des relations et des besoins exprimés par les partenaires. Elle se base sur une première phase d’échange avec un double objectif explicité ainsi par l’expert senior de la CODATU: « comprendre tous les sujets, débattre avec tout le monde, pour ensuite construire et déboucher sur des choses concrètes ». Elle répond aussi à une stratégie d’intervention dans un contexte conflictuel entre l’État central et les autorités locales. Face à la complexité du dialogue interinstitutionnel, la mise en place d’échanges horizontaux entre acteurs dans le cadre d’ateliers[28]Les principaux acteurs convoqués aux ateliers sont les fonctionnaires du MTC, des agences nationales chargées du transport urbain, des gouvernements municipaux (en particulier des services du transport). Selon les thématiques des ateliers, d’autres acteurs ont pu être invités, notamment d’autres bailleurs internationaux (la CAF — Banco de Desarrollo de América Latina, la Banque Mondiale, etc.), des associations de la société civile spécialisées sur les questions de mobilité et des membres de l’académie. a pour objectif d’escamoter les conflits entre échelles d’action. C’est l’ensemble de ce processus — du débat à la matérialisation du projet — qui doit permettre de changer la façon de faire et de penser les projets de transports et de territoires.
L’usage de références exogènes est central dans les échanges proposés par la CODATU. Il permet de multiplier les points de vue et les expériences, réussies ou non. Un premier niveau est celui des références globales correspondant à un niveau stratégique : concevoir les politiques de transport comme un agent de la transformation urbaine et sociale. L’objectif général est de faire émerger des projets de transport avec un impact positif sur la ville et sur la qualité de vie des gens. Il s’agit d’être ambitieux : « let’s dream », comme le clame la CODATU[29]Pour reprendre le titre de présentation de la méthodologie CODATU lors du premier atelier (26 mai 2016) : « Let’s dream, let’s play chess ».. Plusieurs références sont mobilisées en ce sens. Pour Arequipa, l’expérience du tramway de la ville de Bordeaux, une agglomération de taille équivalente et marquée par des enjeux patrimoniaux proches, est mise en avant. Bien maîtrisée par l’expert de la CODATU qui en a été le chef de projet, cette référence permet d’insister sur la faisabilité d’un projet sur un temps relativement court (5 ans) et avec un impact visible sur la ville (redynamisation du centre historique, organisation de la polycentralité urbaine et planification du développement urbain). Dans le cas de Lima, le projet du métro de Kochi, en Inde, articule des enjeux d’intégration tarifaires, physiques et opérationnels et des objectifs de régulation du transport informel et d’amélioration de l’espace public. Il est porté par une mission de coopération de la CODATU et correspond à une métropole de taille équivalente à la capitale péruvienne. Ces expériences font contraste avec la logique très sectorielle des politiques et des projets de transport menés au Pérou. Pour la coopération, l’enjeu est alors d’identifier les moyens d’articuler le projet de transport au projet urbain.
Un second niveau de mobilisation des références répond à un objectif technique et opérationnel. Il s’agit de confronter la réalité locale aux expériences internationales sur des sujets spécifiques, en réponse aux besoins des partenaires. Les échanges sont organisés lors des ateliers autour des thématiques identifiées : transports intégrés, rénovation urbaine, transports intelligents, financement, intermodalité, gouvernance. Les références sont choisies en fonction des thématiques et permettent de générer le débat. Doit-on chercher systématiquement l’équilibre financier, si c’est finalement une exception dans le monde ? Quelle compétence doit avoir une autorité organisatrice de transport, sur quel territoire ? Comment est-on arrivé à mettre en place des systèmes d’intégration tarifaire, et avec quels bénéfices ? Les références sont confrontées aux réalités de terrain, présentées par les professionnels locaux invités aux ateliers. La confrontation de réalités et de problématiques se fait du local vis-à-vis de l’international, mais aussi à l’échelle nationale[30]La municipalité d’Arequipa dit apprendre des erreurs de la gestion du Metropolitano (BRT) de Lima depuis maintenant bientôt 10 ans..
Cette première phase permet d’aboutir à la construction d’un langage commun, sur les problèmes et les besoins. Le choix des projets et leur « opérationnalisation » sont menés dans une seconde phase, qui soulève d’autres difficultés. Il s’agit pour la coopération de définir un projet à réaliser en coordination avec les partenaires, sur la base des échanges initiaux (où et par quels projets peuvent se concrétiser les objectifs ?). Comme nous proposons de le voir dans le cas de Lima, puis d’Arequipa, ces choix révèlent différents types d’enjeux et de rapports de pouvoirs, et mettent en évidence le poids du référent territorial — spécificités du contexte local, ambitions et stratégies territoriales, conflits — sur la façon dont sont mobilisées et appropriées les pratiques et expériences exogènes (Arab, 2007[31]Arab N. (2007). « À quoi sert l’expérience des autres ? », Espaces et sociétés, n° 131, p. 33-47.).
La mise à l’épreuve des références
par l’opérationnalisation des projets
Lima : un atterrissage impossible ?
De Kochi à Lima, le projet de métro comme levier
À Lima, la coopération technique s’est focalisée sur la ligne 2 du métro. Ce choix fait face à une multiplicité de problèmes et d’options, dans un contexte institutionnel complexe et conflictuel entre l’État central et la municipalité métropolitaine. La proposition est de profiter de la dynamique de la construction du métro pour penser des projets d’intégration urbaine, notamment autour des stations. Ce choix se justifie par la position stratégique de l’AFD dans le projet de ligne 2. À l’heure où celui-ci connaît de nombreuses difficultés, la coopération technique permet d’accompagner le projet, notamment pour pallier le manque de lien avec la planification urbaine et de coordination avec les acteurs métropolitains et locaux. Ce choix s’appuie aussi sur la référence du métro de Kochi. Cette expérience de coopération menée par la CODATU, à partir de 2015, en partenariat avec la société publique Kochi Metro Rail Limited, a permis de formuler divers projets urbains autour des stations de la ligne en construction[32]Le projet est né d’un atelier CODATU et s’est concrétisé au travers de trois interventions : réhabilitation d’une rue pour en faire un chemin piétonnier, piétonisation de 1 500 mètres d’une voie principale posant de graves problèmes urbains, mise en place d’un hub multimodal pour améliorer la circulation des piétons., tout en améliorant la coordination institutionnelle et l’intermodalité[33]La coopération a accompagné la création de cinq entreprises publiques, chargées chacune d’un mode de transport.. À partir de la mise en place d’interventions urbaines autour du métro répondant au modèle dit « de l’acuponcture urbaine » (Lerner, 2014[34]Lerner J. (2014). Urban acupuncture. Celebrating pinpricks of change that enrich city life, Washington DC, Island Press.), la société de métro a fait évoluer ses champs de compétence « en se positionnant et se revendiquant comme une grosse agence d’urbanisme pour la ville », selon l’expert senior CODATU.
En proposant cette référence aux acteurs de Lima, la CODATU présente un cas de reformulation de projet de métro comme outil de transformation urbaine, et les encourage à s’engager collectivement dans un processus similaire. Elle en définit les principes (partir de l’opportunité d’un projet d’infrastructure existant pour faire émerger des projets urbains innovants) mais aussi le cadre d’action (les stations comme espace d’intervention réduit[35]Elle se différencie sur ce dernier point des interventions menées par d’autres bailleurs, notamment la Banque Mondiale, qui propose des projets Transit-oriented development (TOD) beaucoup plus ambitieux. mais avec un potentiel d’entraînement). Ces références posées, la CODATU propose de renouveler, dans les deux sens du terme, l’expérience de Kochi à Lima. Au cours des ateliers, deux territoires d’intervention emblématiques et avec un fort potentiel de transformation sont identifiés : la station centrale et la station terminale (figure 1). Cependant, aucun projet concret n’est poursuivi, ce qui nous amène à considérer les limites de la contextualisation des « bonnes pratiques » (Arab, 2007[36]Op. cit.).
L’impossible vision commune dans un contexte conflictuel
Plusieurs facteurs déterminants permettent d’éclairer les difficultés d’opérationnalisation des projets à Lima. Un premier correspond au contexte politique qui, opposant frontalement la municipalité métropolitaine (MML) à l’État central, est peu favorable à la coopération technique. Le maire de Lima est élu en 2015 pour un nouveau mandat, fort de sa réputation de bâtisseur plutôt que de régulateur[37]Pendant la campagne, ses opposants disaient de lui « roba pero hace obras », « il vole mais il construit. ». Lors de son premier mandat, de 2003 à 2010, il avait acquis un crédit politique avec la mise en service du BRT. Dès son arrivée au pouvoir, il relance une « guerre des modes » en utilisant tout le poids de son administration pour freiner le projet de ligne 2 de métro développé par l’État. Ce conflit ouvert entre la MML et l’État central complique l’action de la coopération technique, d’autant qu’elle intervient sous le mandat du ministère des Transports, responsable du métro. Ce tropisme de la coopération vers les acteurs nationaux est dénoncé par les acteurs métropolitains, qui considèrent que le ministère tire profit de celle-ci pour imposer sa vision et ses projets.
Un deuxième facteur en est la conséquence. En l’absence de stratégie forte portée par le pouvoir politique métropolitain, les demandes formulées localement se limitent à des projets ponctuels, fournis clés en main ou financés. Ce positionnement renvoie à des expériences de coopération beaucoup plus classiques. Selon l’expert senior de la CODATU, « la MML veut des projets opérationnels. Des cyclovias. […] Mais rien qui sorte de leurs cadres, avec d’autres acteurs. Un guide, c’est facile, ça se fait depuis un bureau. Mais un projet, ça implique les gens, ça cristallise les problèmes, ça génère du débat pour les prises de décisions ». Dans ce contexte, l’intérêt des échanges et débats autour des stations de métro n’est pas saisi, comme l’illustre cette intervention d’un ingénieur du service de Transport non motorisé de la MML : « On en a assez des dialogues, des études, on a déjà trop parlé, deux ans, et rien[38]Les propos des acteurs locaux sont extraits des entretiens ou des ateliers et sont traduits de l’espagnol au français par les auteurs. ! ». Les acteurs métropolitains semblent focalisés sur des objectifs à court terme, peu compatibles avec une approche plus large des problèmes proposée dans le cadre de la coopération.
Un troisième facteur est le manque de cohérence territoriale du projet métro à venir. Il s’inscrit dans une logique de grand projet d’infrastructure menée par le ministère des Transports, mais déconnectée de la planification urbaine locale, elle-même lacunaire. Ce projet « hors sol » atterrit sur le territoire sans concertation préalable entre les différents niveaux d’action. Fragilisée par le transfert des attributions du projet aux opérateurs privés[39]À l’inverse de la ligne 1 de métro, dont la construction a été exécutée sous forme d’un ouvrage public sous la responsabilité directe de l’Autorité Autonome du Train Électrique, la ligne 2 fait l’objet d’un partenariat public/privé comprenant la construction puis la gestion du métro pendant 35 ans., l’agence ministérielle du métro, l’Autorité Autonome du Train Électrique (AATE), dispose elle-même de peu de marge de manœuvre pour agir, tant d’un point de vue contractuel que matériel (budget gelé, instabilité institutionnelle et ressources humaines limitées). Dans ce contexte, elle n’est pas à même d’assurer son rôle d’acteur pivot dans la coordination de l’aménagement du territoire en lien avec le projet.
La conception collective des projets, élément clé de l’expérience éprouvée à Kochi, affronte un ensemble de déterminations qui révèlent les difficultés de la gouvernance de la capitale liménienne. Les incertitudes inhérentes au projet de métro ont aussi largement contribué à freiner les dynamiques en cours, selon la chargée de projet de l’AFD : « Comment avancer sur l’aménagement urbain autour de la station, alors que le projet est au point mort et que l’on n’est même pas sûr que la station se construise dans un ou deux ans ? » Malgré la force des intérêts en jeu et les perspectives de changement, la coopération technique bute donc sur la ville capitale. Dans une perspective comparative, le cas d’Arequipa s’avère être plus réceptif à l’émergence d’un nouveau projet.
Arequipa : un « boulevard » est ouvert
Une demande locale explicite
La ville d’Arequipa fait figure de précurseur par rapport aux autres villes péruviennes. Depuis 2006, la municipalité provinciale conduit une politique volontariste afin de moderniser et réorganiser son système de transport. Cette politique est pensée en deux volets. Le premier, initié dès 2009, concerne la mise en place d’un Système de Transport Intégré (SIT), qui consiste à réorganiser globalement le réseau par la régulation et la rationalisation du système de transport public. Le deuxième volet concerne la mise en place d’une solution de transport massif sur l’axe principal du SIT, avec l’objectif d’augmenter l’offre et de donner une nouvelle dynamique au territoire. La stratégie consiste à mettre en place une offre évolutive dans l’attente d’un projet de transport massif plus ambitieux et cofinancé par l’État. Les demandes d’appui à la coopération française sont explicites, aussi bien de la part de l’équipe du SIT, qui souhaite un appui technique pour la mise en place d’un plan de transport intégral de mobilité comportant une étude préliminaire d’optimisation du SIT en cas d’évolution vers un mode massif de transport, que du maire, qui privilégie l’étude d’un transport massif afin d’avoir un projet prêt à financer lors de l’arrivée en 2016 du nouveau gouvernement national.
Profitant de ce contexte favorable[40]Elle profite aussi d’un climat politique favorable, avec l’élection du nouveau président de la République en juin 2016, grâce à un bastion électoral important dans la région d’Arequipa et qui permet une amélioration des relations entre le maire d’Arequipa et le nouveau gouvernement central., la coopération technique se positionne alors rapidement sur ce projet qui soulève un certain nombre de questions. Une première est celle du choix du mode le plus pertinent : Bus Rapid Service (BRS) — le plus léger car correspondant à un BRT mais sans voie réservée —, BRT ou tramway. Viennent ensuite des aspects techniques et financiers : le tracé, la demande réelle, les besoins d’investissements, etc. Enfin, une dernière correspond à son intégration urbaine et son potentiel transformateur : centre historique présentant un intérêt patrimonial, défis de la connexion des périphéries populaires. En réponse, la coopération technique mobilise la référence du tramway de Bordeaux, en insistant sur son rôle dans la métamorphose de la ville[41]Une visite technique avait été organisée en 2015 à Bordeaux avec des représentants de Lima et d’Arequipa, avant la mise en œuvre de la coopération technique, qui a facilité la mise en comparaison par la suite.. Elle engage ainsi l’ensemble des acteurs locaux dans un processus de changement urbain à grand échelle.
Un héritage remobilisé et l’ouverture d’une fenêtre d’opportunités
L’arrivée de la coopération technique française s’inscrit à la suite de plusieurs projets échoués. Le projet envisagé par les acteurs locaux lors du premier volet de la réforme des transports était un BRT (figure 2). Alors que sa mise en œuvre restait incertaine, ce dernier a dû être abandonné quelques années après lorsqu’un nouveau projet non plus de bus mais de transport guidé, un monorail, est mis à l’étude par l’État central, en 2014. Fortement critiqué localement par les professionnels du transport et par la société civile, celui-ci est finalement abandonné à son tour, en 2016. Ces expériences révèlent un conflit latent entre les autorités locales et l’État central. Cependant, à l’inverse du cas de Lima, une conciliation semble émerger autour d’un nouveau projet.
Au-delà des conflits suscités, les deux projets antérieurs ont contribué à l’apprentissage local, convoquant chacun des modèles et références propres portés par l’expertise d’acteurs internationaux. Le projet de BRT faisait référence à un modèle régional d’infrastructure de transport légère, flexible et rapide à mettre en œuvre dans les villes latino-américaines (Hidalgo et Gutierrez, 2013[42]Hidalgo D, Gutierrez L. (2013). « BRT and BHLS around the world: Explosive growth, large positive impacts and many issues outstanding », Research in Transportation Economics, vol. 39, n° 1, p. 8-13.). À l’inverse, le monorail est le fruit d’un modèle émergent de développement et de gestion efficiente de « méga-infrastructure », promu dans les pays de l’arc pacifique (Artigas, 2018[43]Artigas A. (2018). « Infrastructures et nouveaux émergents : impacts territoriaux et environnementaux », dans Lorrain D, Halpern C, Chevauché C, Villes Sobres, Paris, Presses de Sciences Po, p. 183-200.).
L’atterrissage complexe de ces deux projets sur le territoire s’accompagne aussi d’un changement des répertoires d’action de la municipalité d’Arequipa. Dès les années 2010, elle s’engage dans un processus de planification, de maîtrise de la croissance immobilière et de rénovation urbaine. Les projets de transport vont alors devenir le fer de lance d’une politique urbaine novatrice, marquée par des actions fortes, comme la piétonisation du centre historique, en 2015. Arequipa fait alors figure de laboratoire par rapport à Lima en adoptant le premier plan métropolitain[44]L’Institut Métropolitain de Planification d’Arequipa (IMPLA) est créé en 2014 et réalise le plan de développement métropolitain 2016-2025, adopté en 2016 par la municipalité. Au contraire, à Lima, le maire métropolitain, nouvellement élu en 2014, ne ratifie par le plan de développement urbain PLAM 2035 réalisé par l’équipe municipale précédente, laissant la capitale sans document officiel de planification actualisé., qui définit des stratégies de gestion du sol urbain orientées vers la mobilité durable.
Les acteurs d’Arequipa disposent ainsi d’un savoir local consolidé, avec un regard critique sur les expériences exogènes et sur la cohérence territoriale. Le projet de tramway proposé par la CODATU lors des réunions au sein de la coopération technique est particulièrement attractif pour son caractère innovant. Il répond aux objectifs de la ville d’Arequipa de mise en place d’une solution de transport massif de plus grande envergure, intégrée au SIT, dans la continuité du BRT d’abord envisagé, mais différent du monorail tout juste abandonné. Le maire, en particulier, voit dans le tramway la possibilité de diffuser une image de ville ordonnée, moderne et se portant à l’échelle internationale, ce d’autant plus qu’elle serait la première ville du pays à utiliser cette technologie. Il s’agit aussi de renforcer ses atouts de ville culturelle et patrimoniale, notamment pour l’industrie touristique. Par ailleurs, l’expérience peut être vue comme pilote avec possibilité de reproduction dans d’autres villes, intéressant aussi bien l’AFD et les entreprises françaises, que l’État péruvien dans sa stratégie de mise en œuvre d’une politique nationale de transport urbain. Reconnaissant à ses dépens les limites d’une approche top down, le ministère des Transports souhaite par ailleurs légitimer sa présence dans le transport urbain. Pour la municipalité, la coordination avec l’État central est nécessaire pour l’obtention d’un appui financier et la validation des projets.
Tous ces éléments contribuent à faire d’Arequipa le scénario idéal : l’expert senior de la CODATU va jusqu’à parler « d’une espèce de pression et d’euphorie », à laquelle il dit avoir lui-même participé. Du côté des acteurs locaux, les premiers ateliers de coopération sont qualifiés de moments « spectaculaires » et « historiques » pour avoir rassemblé tous les acteurs après des années de conflits ouverts, selon une architecte de l’institut de planification de la mairie d’Arequipa (IMPLA). Rompant avec les échecs passés, la solution du tramway semble permettre de concilier les intérêts des différentes parties. Le caractère durable de ces avancées pose cependant question : le dialogue constructif établi lors des ateliers a du mal à être approfondi en dehors de cette scène d’échange. Le processus de négociation, qui se poursuit actuellement, affronte de nouvelles difficultés liées aux contingences locales.
De la coconstruction de l’action
Les difficultés d’opérationnalisation des projets mettent en évidence le poids du référent territorial et le caractère situé de l’action de la coopération (Arab, 2007[45]Op. cit.). À Lima, les limites structurelles propres à la gouvernance de la ville cumulées avec le facteur politique, constituent les principaux obstacles à l’émergence d’un projet urbain qui perd son principal atout avec l’enlisement du métro. À Arequipa, la succession des expériences sur une période de temps longue a permis une certaine maturation, créant des conditions propices à l’émergence d’un nouveau projet qui n’est cependant pas encore concrétisé. Dans ce contexte et cette temporalité, il est difficile d’évaluer l’impact de la coopération. L’absence de validation d’un projet ne signifie pas pour autant l’absence de résultats. C’est ce que nous proposons d’interroger en revenant sur les stratégies de coproduction de savoir et savoir-faire propre à la CODATU, et de sa réception par les acteurs locaux.
CODATU,
de l’expertise internationale en partenariat
Animateur de la coopération, la CODATU propose d’apporter une expertise internationale principalement ancrée sur son expérience française, tout en revendiquant une connaissance des terrains du Sud. Elle s’appuie sur une méthode testée dans plusieurs villes du monde, suivant le même modus operandi : faire émerger des projets à partir d’échanges collectifs lors d’ateliers, l’insufflation d’une vision plus large du transport en lien avec l’urbanisme et l’apport d’une expertise technique qu’elle complète par une connaissance des enjeux de montage et gestion de projet (depuis l’étude à l’exploitation), et de la coopération internationale. Elle fait un usage multiple de références, qu’elle confronte aux réalités locales.
Plusieurs canaux et outils sont mobilisés, avec des objectifs distincts. La réalisation des études techniques par des groupes de consultants expérimentés permet d’insuffler de nouvelles idées. Comme l’indique un expert senior de la CODATU : « [les consultants] sont des gens qui ont réalisé des projets, qui ont ouvert des projets de tram en Colombie, en France, en Équateur. Ils visualisent ce que pourrait être un tramway dans la ville. Les Péruviens, ils n’ont pas cette expérience pragmatique. [Pour eux], il faut déjà organiser la situation actuelle, ou alors ils partent peut-être d’une image un peu fantasmée de transports publics idéaux. Il n’y a pas le même imaginaire ».
L’objectif n’est pas seulement de convoquer des experts, mais aussi de faciliter l’appropriation par les acteurs locaux. Les visites techniques sont l’occasion de rendre accessibles et compréhensibles des modèles exogènes : « Ça permet de voir vraiment, pas forcément un modèle, mais comment des villes peuvent être révolutionnées avec le transport. Après, ça permet aussi de démystifier un peu tout ça, de voir que c’est conçu par des gens ordinaires, qui travaillent dans leurs petits bureaux, qui eux-mêmes sont en butte avec des problèmes bureaucratiques, et ça leur permet de dire : finalement, ils sont comme nous, ce ne sont pas des Superman, il n’y a pas de raison que ça marche pas ».
L’enjeu est « d’avoir du transfert de savoir-faire qui soit adapté aux besoins de nos partenaires, et aussi faire démarrer des vrais projets opérationnels ».
Selon un expert du CEREMA invité à participer à un atelier de la coopération, l’expertise de la CODATU constitue « une force de frappe basée sur des expériences internationales, qui est à la fois proposée en termes d’administration et mise au débat pour permettre de s’approprier les solutions localement ». Elle permet ainsi « d’engranger assez rapidement des discussions techniques mais aussi de gouvernance un peu plus politique avec les acteurs, et ça leur permet de se plonger dans du concret ».
Dans son approche du local, la CODATU revendique un positionnement particulier, cherchant à se distinguer d’une relation prestataire-client pour s’inscrire dans une démarche de partenariat. Ainsi, selon l’expert senior de la CODATU, « il ne s’agit pas uniquement de livrer des rapports mais vraiment de construire quelque chose avec des partenaires pour faire émerger des projets ». Une critique de la coopération et du transfert de modèles est développée en interrogeant « [le] rôle de consultant qui est censé être omniscient, qui apporte une technologie qui aurait été développée dans les pays du Nord aux pays du Sud en disant ʺc’est comme ça qu’on faitʺ ». Il en résulte une question : « Peut-être qu’il y a un changement de paradigme à organiser dans le monde consulting… ? ».
La CODATU est alors amenée à assurer l’accompagnement des projets qu’elle impulse (c’est le cas à Arequipa et à Cuzco), en participant à la rédaction des termes de référence, mais aussi en faisant le suivi des apports techniques rendus par les consultants (organisation de réunion de coordination et de restitution, etc.). Elle se distingue ainsi d’une forme d’assistance internationale controversée du fait de son caractère paternaliste ou imposé, souvent trop coûteuse et inadaptée aux besoins locaux (OCDE, 2006[46]OCDE. (2006). « Chapitre 5 Coopération technique », Revue de l’OCDE sur le développement, n° 7, p. 121-144.). L’expert senior de la CODATU indique ainsi que la démarche consiste à proposer de nouvelles méthodes de coopération, basées « à la fois [sur] des échanges intellectuels de qualité, des échanges de ville à ville, des techniciens qui font le même métier mais l’un en Europe ou en France, d’autres dans des pays émergents, avec cette idée d’identifier des projets ». La connaissance du local est progressive et se construit dans l’échange et dans la pratique. Elle s’appuie fortement sur des experts seniors pour « essayer de repérer des projets qui sont faisables et qui pourraient être portés politiquement, institutionnellement, qui peuvent se faire et qui sont utiles. De faire un peu le tri. De dire “oui, le tram à Arequipa, ça peut être un bon truc donc allons-y” ». Et dans ce processus, c’est aussi l’expertise même de la CODATU qui évolue dans la confrontation avec la réalité des situations locales, comme l’explique l’expert de la CEREMA : « On a aussi des philosophies, des approches différentes. En France, on recherche une qualité de service pro-usagers. Au Pérou, on recherche un équilibre économique dans le développement de projets de transport. Moi, ça m’a paru complètement nouveau et ça bouscule nos façons de penser, ça les bouscule positivement, […] ça rebat un peu les cartes de comment on s’y prend en France ».
La souplesse de l’outil de coopération permet d’être cohérent avec cette approche, comme le montrent l’investissement de moyens croissants sur Arequipa, la réalisation d’une étude à Cuzco, alors que cette ville n’avait pas été identifiée initialement, ou encore une étude sur les systèmes de billetterie au niveau national réalisée à la demande du ministère des Transports. Cette démarche montre une prise de distance vis-à-vis des modèles et solutions clés en main, et une conscience de l’importance du contexte local. La mobilisation d’expériences exogènes est donc mise au service d’une coconstruction avec les acteurs locaux.
De l’opportunité
aux difficultés d’opérationnalisation :
la coopération vue par les acteurs locaux
Cette stratégie de coconstruction implique une écoute des partenaires et une adaptation constante dans un contexte où les processus sont déjà en cours et font l’objet de divers intérêts voire de conflits. La réception de la coopération localement met en évidence des attentes multiples, qui dépendent aussi bien du niveau d’implication des acteurs que de leurs trajectoires et perspectives. Si les partenaires directs et impliqués dès l’origine du projet expriment des attentes relativement claires, d’autres se montrent plus ou moins attentistes, afin de voir ce que peut leur apporter cette nouvelle coopération[47]Nouvelle, car c’est la première fois qu’ils traitent avec les Français, mais aussi parce qu’elle fait suite à d’autres coopérations, notamment espagnole et japonaise.. D’un côté, elle est gage d’expertise de qualité et valorisée par le stimulus qu’elle provoque. Ainsi, pour une architecte de l’IMPLA d’Arequipa, « quand les initiatives sont locales, elles ne sont pas impulsées avec suffisamment de forces […]. Sans la coopération, la municipalité n’aurait eu ni cette ambition, ni ces résultats ». De l’autre, elle est perçue comme imposée au détriment d’une expertise locale mal valorisée, comme l’indique un architecte du service du Centre historique de la mairie d’Arequipa : « le fait que ce soit des personnes venant de l’international qui disent la même chose que ce que tu dis depuis longtemps fait qu’on va le prendre en compte ».
La comparaison entre deux pays aux réalités différentes est d’ailleurs fortement présente, notamment lors des premiers échanges. Pour certains, cette tension initiale peut être dépassée, en valorisant notamment l’internationalisation de l’expertise. Pour un conseiller du ministère des Transports péruvien, « on pourrait penser que ce type de solution sert seulement pour des pays développés […] mais en montrant qu’il y a des solutions qui ont aussi fonctionné dans des pays aux caractéristiques similaires au Pérou, cela démontre leur validité dans nos villes ». D’autres, comme un expert péruvien consultant pour la mairie d’Arequipa, soulignent la nature « eurocentrée », voire « afrancesada[48]« Afrancesada » peut se traduire « À la française », et désigne ici le caractère orienté par des intérêts français de la coopération. » de la coopération, rappelant l’importance des références latino-américaines. Les acteurs locaux convergent cependant sur son apport au renouvellement de la façon de penser le transport urbain au Pérou. Ainsi, le même expert péruvien indique que « cela a l’avantage de transmettre une vision moderne de ce qu’est la mobilité […] de générer une masse critique de professionnels qui saisissent ce qui caractérise la bonne mobilité ».
L’espace de réflexion sur les enjeux d’intégration urbaine permet aussi de générer de nouvelles interrogations sur la façon de penser le transport. La méthode de travail, « graduelle » et « agile », permet d’identifier des problèmes et de penser des alternatives, à l’inverse d’autres coopérations qui, selon un second conseiller du ministère des Transport péruvien, « s’orientent directement sur un projet déjà identifié ». À propos de la visite technique en France, un responsable de la planification du ministère des Transports exprime son impression : « J’avais fait beaucoup de voyages, mais celui-là m’a beaucoup plu […] parce qu’il était orienté sur le transport urbain tel que je le conçois : planifié, mais avec respect envers la ville. Ici [au Pérou], on regarde où vont les gens et j’y mets la ligne de métro, mais à aucun moment je me demande si en mettant cette ligne de métro ici, je vais arriver à faire la ville que je veux. Nous n’avons pas cette vision urbaine et territoriale ».
La formation technique est soulignée comme un apport clé de la coopération face à une situation considérée comme problématique. Un des enjeux consiste en la formation d’une masse critique de professionnels capable de porter ces projets, au-delà des changements politiques. Les demandes concernent aussi bien le prolongement des formations dans la durée, « pour permettre d’approfondir les connaissances », selon un conseiller du ministère des Transports péruvien, mais elles peuvent être aussi plus spécifiques, mieux ciblées et concerner davantage de personnes.
Si les échanges et la dynamique impulsés par la coopération font l’objet d’une bonne acceptation, un certain nombre de critiques sont formulées, en particulier sur la nécessité d’aboutir à des résultats concrets. Sans projet, ces débats restent un « jeu », expression utilisée par le responsable de la planification du ministère des Transports[49]Cette critique s’inscrit de fait dans une vision relativement pessimiste à propos des possibilités d’impulser des changements en raison des difficultés locales de réalisation de projets, avec ou sans l’appui de la coopération internationale.. Une autre critique concerne les intérêts économiques et lucratifs qui animent la coopération, perçue comme une promotion des technologies et des entreprises françaises, comme l’exprime clairement un conseiller de la mairie d’Arequipa : « J’ai l’impression qu’ils sont venus vendre un tramway ». Ces deux critiques illustrent de notre point de vue la complexité de la coopération et, de façon plus générale, de son rôle dans la coconstruction de l’action publique. Elles montrent la difficulté du passage d’une phase d’échanges et de formation, à un projet concret qui implique des intérêts économiques et politiques conséquents. Ce passage fait l’objet d’un double enjeu, à la fois technique et politique. La CODATU l’identifie d’ailleurs dans son fascicule de bilan, en proposant comme première recommandation : « assurer une continuité politique et technique du projet », en s’appuyant sur des équipes techniques « autonomes » et une planification « à long terme » (CODATU, 2018[50]CODATU. (2018). ¿Cómo implementar un sistema integrado de transporte en las ciudades peruanas?, Recomendaciones para lograr el cambio de paradigma, Mayo, CODATU, 37 p. [En ligne). Face à l’absence de planification entretenue par le jeu politique, l’enjeu est, selon l’expert senior de la CODATU, « d’identifier le plus tôt possible des bons projets, qui répondent à une véritable aspiration locale et qui puissent être portés par la technostructure et le politique ». La stratégie de la CODATU part donc du principe que tout projet doit provenir d’un dialogue ouvert et technique, et sous-entend que sa réussite passe par la construction d’une base technique (de professionnels et d’argumentaire du projet) capable de résister aux aléas politiques.
De l’expertise technique aux enjeux (géo)politiques
Comme le résume bien un ingénieur de l’équipe SIT d’Arequipa, la coopération technique intervient à plusieurs niveaux : « une des instances est notre projet, une autre sont les ateliers réalisés à Lima avec les différentes villes, et la dernière au niveau international en France » et s’inscrit de fait dans plusieurs dynamiques politiques.
Un premier processus est celui de construction d’une stratégie politique et d’une légitimité par le ministère des Transports, cosignataire de la convention. La coopération joue ici un rôle clé, non seulement en apportant un appui technique, mais surtout en facilitant les réunions entre le ministère et les gouvernements locaux. Considéré comme une « nouveauté », cet aspect est largement souligné dans les entretiens, tel celui avec un conseiller du ministère des Transport péruvien : « [La coopération] nous aide à mieux préciser les actions en cours d’avancement, et nous permet de dialoguer avec Trujillo, Arequipa et Cusco pour connaître de plus près leurs problématiques de transport et de voir comment l’on peut contribuer aux solutions à mener dans ces villes ».
Ce rapprochement vers les villes se fait dans un contexte jusqu’alors conflictuel, où l’État central n’affiche pas de politique claire mais impose ses projets depuis Lima. La coopération technique permet au ministère d’impulser un nouveau discours, comme l’explique un de ses conseillers : « Réunir les personnes lors des ateliers a montré l’intention du gouvernement d’être un appui à toutes les villes. Pas une imposition mais une collaboration. [La coopération technique a un] rôle d’agent, d’acteur neutre et impartial qui aide à ce que ces villes s’expriment, et influence de manière amicale, avec l’aval d’un personnel technique étranger ».
Cet espace de discussion est aussi valorisé par les villes, qui partagent leurs avancées et problèmes respectifs. C’est notamment le cas entre Arequipa et Trujillo, qui ont en commun de s’être lancées dans un projet de SIT et un système de billetterie intégré. Ces échanges traduisent une volonté de montrer que les villes moyennes sont capables de donner l’exemple, en particulier vis-à-vis de Lima dont il s’agit d’éviter « de répéter les erreurs ». Ils ne sont pas exempts d’un certain esprit de compétition. Lors du séminaire de clôture de la coopération en juin 2018, le maire de Cuzco attaquait sur un ton ironique ses homologues d’Arequipa en indiquant, du fait d’une régulation récente dans sa ville des « combis » (transport artisanal), ne plus en avoir (« ils sont tous partis à Arequipa »), et de Trujillo, en moquant son système de billetterie au « contrat paralysé ». De fait, la concurrence entre villes est réelle, notamment en ce qui concerne l’appui de la coopération internationale. Récemment, Arequipa a obtenu un financement du programme Euroclimat+ de l’Union Européenne[51]Voir « Perú: transporte urbano sostenible Arequipa », Euroclima+. [En ligne pour la réalisation d’un plan de mobilité urbaine soutenable, avec le soutien de l’AFD et de la coopération allemande. Cuzco a, pour sa part, bénéficié, entre 2014 et 2019, d’un projet de la Banque Mondiale pour l’amélioration de son système de transport[52]Voir « Proyecto de Mejoramiento del Transporte de Cusco », Banque Mondiale [En ligne, alors que le plan de mobilité de Piura sera financé par la CAF[53]Voir « Plan Maestro de Movilidad Urbana Sostenible de la provincia de Piura », CAF-Banco de desarrollo de América Latina (Banque de développement d’Amérique latine) [En ligne. Ces dynamiques s’inscrivent dans une tendance globale de gestion par projet, qui bénéficie aux villes attractives et/ou ayant la capacité de s’assurer l’appui de la coopération internationale, et amplifie l’écart avec les autres villes. Elles traduisent aussi la recherche d’autonomie des gouvernements locaux vis-à-vis de l’État central, à qui est reproché aussi bien le manque de stratégie qu’un centralisme beaucoup trop fort, comme le développe une architecte de l’IMPLA d’Arequipa : « Il y a un manque de perspective et de vision depuis le niveau national, et une décentralisation fiscale qui aiderait à résoudre certains problèmes entre niveaux de gouvernements. […] il y a trop de charges et pas suffisamment de ressources pour affronter ces problèmes […] il manque souvent ce soutien qui devrait venir du gouvernement central ».
En contrepoint, l’État central critique le « manque de continuité des projets entre maires », pour reprendre les mots d’un ingénieur du ministère des Transports péruvien. La coopération technique connaît d’ailleurs de grandes difficultés pour se « connecter » aux plus hauts décideurs, en particulier aux maires, limitant sa capacité à influencer l’agenda politique local. Dans le cas de Lima, le désintérêt affiché par la municipalité freine toute ébauche de coopération. Malgré un contact initial prometteur à Arequipa[54]Le maire sollicite officiellement l’appui de la coopération française en 2016 dans une lettre à l’Ambassadeur de France au Pérou, qu’il reçoit ensuite en personne., la validation du projet est toujours en attente, dans un contexte de campagne électorale. En plus des difficultés de coordination entre niveaux, la coopération affronte aussi des tensions internes à la municipalité, que décrit une architecte membre de l’équipe du SIT d’Arequipa : « Il y a la volonté politique du maire, mais la volonté politique nationale est différente, avec d’autres objectifs : même au sein des services de la municipalité, il y a des divergences d’intérêts. Il est difficile de mettre en marche des projets quand il n’y a pas la même vision et un but commun ».
La barrière politique à laquelle se confronte la coopération interroge en retour les conditions de mise en place d’une stratégie de coconstruction de projet avec des contreparties techniques. Elle met en évidence l’importance du travail de médiation afin d’assurer les relais politiques et la coordination entre plusieurs niveaux d’action (Muller, 1990[55]Muller P. (1990). Les politiques publiques, Paris, PUF.). Cette charge de leader-médiateur est assumée initialement à Arequipa par un expert, formé en Europe, inscrit dans de nombreux réseaux internationaux et proche des autorités politiques locales, permettant d’impulser la mise en œuvre initiale de la coopération, mais dont le départ prématuré va fragiliser l’avancée du projet.
Conclusion : de la circulation des références à l’action publique
Les difficultés rencontrées par la coopération technique ne réduisent pas l’intérêt d’une réflexion sur le rôle des références exogènes dans l’action publique. En créant une scène d’échange, cette coopération apparaît comme un laboratoire de mise à l’épreuve, d’innovation et de coconstruction des savoirs entre experts français et partenaires locaux, à l’encontre d’une vision unilatérale du transfert de modèles du Nord au Sud. La singularité des dynamiques observées s’explique en partie par la stratégie et le positionnement particuliers de la coopération technique proposée par l’AFD et la CODATU, qui cherchent à se distinguer d’un transfert de bonnes pratiques et de modèles tout faits. Dans ce contexte et face à l’hétérogénéité des problèmes d’une ville à l’autre, l’analyse montre la multiplicité des usages qui sont faits des références (Bourdin et Idt, 2016[56]Bourdin A, Idt J (dir.). (2016). L’urbanisme des modèles : références, benchmarking et bonnes pratiques, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube.). Pour les acteurs de la coopération, elles permettent de situer le cas péruvien, d’identifier ses particularités, notamment les contraintes et les marges de manœuvre. Pour les acteurs locaux, elles permettent d’ouvrir le champ de possibilités en multipliant les exemples de ce qui se fait ailleurs. Cette approche ne garantit pas pour autant un changement des pratiques. Ici, l’écart entre le débat technique et l’opérationnalisation (politique) des projets s’avère être un enjeu majeur.
Tout ceci interroge d’abord la capacité de telles coopérations de concilier des objectifs et des temporalités diverses. Alors que le Pérou connaît de grandes difficultés à mettre en œuvre de grands projets d’infrastructures urbaines, la question est de savoir si les moyens mis en œuvre permettent d’atteindre les objectifs fixés. À la différence des grands bailleurs, comme la Banque Mondiale ou la Banque Interaméricaine de Développement, qui disposent de ressources financières leur permettant de peser sur un secteur, ou de la coopération allemande qui déploie des ressources humaines importantes au sein des institutions locales[57]Environ 200 professionnels de la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ), l’agence de coopération internationale allemande pour le développement, sont affectés au Pérou., la coopération technique proposée par l’AFD s’affiche comme une alternative. Elle constitue un outil relativement souple de coopération, propice aux échanges sans tomber dans les travers de l’imposition de solutions « toutes faites ». Ce faisant, elle met en lumière et bute sur des enjeux de gouvernance clés dans la mise en œuvre des politiques urbaines. L’impact direct de la coopération s’avère alors difficile à cerner car il s’exprime à plusieurs niveaux et interagit avec des dynamiques plus complexes. L’autonomie des acteurs publics aux échelles subnationales et la capitalisation des connaissances (Landel, 2011[58]Landel PA. (2011). « L’exportation du “développement territorial” vers le Maghreb : du transfert à la capitalisation des expériences », L’Information géographique, vol. 75, n° 4, p. 39-57.) semblent un prérequis nécessaire, notamment pour une action à long terme capable de dépasser les aléas politiques. Cependant, comme le montre le cas péruvien, elle ne peut se passer de la définition d’un cadre d’action au niveau national et de la construction d’un dialogue interinstitutionnel. La coopération technique apparaît finalement comme un espace de circulation des références, et la CODATU comme un acteur « vecteur[59]Les expériences accumulées sont d’ailleurs remobilisées pour le développement d’autres activités, notamment d’enseignement, de formation ou encore de diffusion à travers des conférences. », mais aussi « agenceur » (Louargant et al., 2011[60]Louargant S, Matteudi E, Roux E. (2011). « L’action aménagiste au Maroc entre héritages, permanences et bifurcations », L’Information géographique, vol. 75, n° 4, p. 15-38.), dans la mesure où elle participe au jeu politique local. Dans ce processus, la CODATU contribue, d’une part, à la circulation et à la diversification des références, par la confrontation d’expériences internationales et de réalités locales multiples, et d’autre part, à l’évolution des dynamiques locales.
Penser l’impact d’une telle coopération invite finalement à décentrer le regard pour saisir un monde où les références se multiplient et sont de plus en plus connues et évoquées. À l’instar de J. Robinson (2015[61]Robinson J. (2015). « “Arriving at” urban policies: The topological spaces of urban policy mobility », International Journal of Urban and Regional Research, vol. 39, n° 4, p. 831-834.), on peut alors s’interroger sur les lieux et les acteurs qui mobilisent ces références dans l’émergence de solutions localement, plutôt que de chercher à retracer la circulation de tel ou tel modèle et son application locale. C’est donc bien dans un processus de coconstruction de savoir et de savoir-faire, alimenté de références internationales et locales, que s’inscrit l’action de la coopération technique.
Note
Les auteurs tiennent à remercier les évaluateurs pour la pertinence de leurs commentaires et de leurs apports, Clément Orillard pour le travail de coordination et d’édition scientifique ainsi que Daï Li Chang pour son apport au projet et ses relectures.
Annexe 1. Liste des acteurs interviewés
Pour les acteurs signalés par *, les informations de l’entretien formel ont été complétées par de nombreux échanges informels.
[1] Aussi définis comme des bus à haut niveau de service, fonctionnant sur des voies réservées.
[2] Paquette Vassalli C. (2018). « L’amélioration du transport public et de la mobilité, catalyseur de changement dans les métropoles d’Amérique latine », Métropoles, hors-série [En ligne].
[3] Wood A. (2015). « The politics of policy circulation: unpacking the relationship between South African and South American cities in the adoption of bus rapid transit », Antipode, vol. 47 n° 4, p. 1062-1079.
[4] Verdeil E. (2005). « Expertises nomades au Sud. Éclairages sur la circulation des modèles urbains », Géocarrefour, vol. 80, n° 3.
[5] McCann E, Ward K (dir.). (2011). Mobile urbanism. Cities and policymaking in the Global Age, Minneapolis, University of Minnesota Press.
[6] Beal V, Epstein R, Pinson G. (2015). « La circulation croisée : modèles, labels et bonnes pratiques dans les rapports centre-périphérie », Gouvernement et action publique, vol. 3, n° 3, p. 103-127.
[7] Peyroux E, Sanjuan T. (2016). « Stratégies de villes et “modèles” urbains : approche économique et géopolitique des relations entre villes », EchoGéo, n° 36.
[8] En particulier les objectifs du développement durable et le nouvel agenda urbain, qui ont été publiés à la suite de la conférence Habitat III (2016).
[9] Bulkeley H, Betsill M. (2005). « Rethinking sustainable cities: multilevel governance and the “urban” politics of climate change », Environmental Politics, vol.14, n° 1, p. 42-63.
[10] Koop K, Amilhat-Szary AL. (2011). « Introduction. Approche critique des transferts contemporains des modèles de développement territorial vers les Sud », L’Information géographique, vol. 75, n° 4, p. 6-14.
[11] Lavigne Delville P. (2011). « Pour une anthropologie symétrique entre “développeurs” et “développés” », Cahiers d’études africaines, n° 202-203.
[12] Arab N. (2017). « L’élaboration collective des projets d’urbanisme : organiser l’intégration des acteurs et gérer l’incertitude des processus de conception », Riurba, n° 3.
[13] Le projet « Accompagnement par la recherche de la coopération technique française pour la mobilité urbaine au Pérou », est mis en place dans le cadre d’une collaboration entre l’IFEA et la CODATU, en 2017, et implique les trois auteurs de cette communication. Il a donné lieu à un stage de master, réalisé en 2017 par Dai Li Chang (Chang DL. (2017). Une coopération technique pour le développement de projets de transport urbain au Pérou. Enjeux et proposition d’évaluation, Rapport de stage de Master 2 de Géographie/DynPED, universités Paris Diderot et Paris 1 Panthéon-Sorbonne), et qui est remobilisé dans cet article.
[14] Voir les actes du colloque fondateur [En ligne].
[15] Lima Como Vamos. (2017). Encuesta Lima cómo vamos: Estudio de percepción sobre calidad de vida (8e rapport), Lima, Observatorio Lima Como Vamos.
[16] Selon la base de données de l’Observatoire de la mobilité urbaine de la CAF en 2015 [En ligne].
[17] Pour une présentation plus détaillée de la problématique du transport dans chaque ville, voir les notes de situations de L. Boudet et C. Bourdais (Boudet L, Bourdais C. (2017). « Arequipa, ville péruvienne dans l’attente d’un nouveau système de transport », CODATU [En ligne], et de Q. Marchand (Marchand Q. (2017). « Lima-Callao, un chemin difficile vers la modernisation des transports dans la capitale péruvienne », CODATU [En ligne].
[18] Vega Centeno P, Dextre JC, Alegre M. (2011). « Inequidad y fragmentación: movilidad y sistemas de transporte en Lima Metropolitana », dans De Mattos C, Ludeña L (dir.), Lima-Santiago. Reestructuración y cambio metropolitano, Lima, CIAC-PUCP, p. 289-328.
[19] Bielich Salazar C. (2009). La guerra del centavo. Una mirada actual al transporte público en Lima Metropolitana, Lima, Consorcio de Investigación Económica y Social, Instituto de Estudios Peruanos.
[20] Op. cit.
[21] Strauch L, Takano G, Hordijk M. (2015). « Mixed-use spaces and mixed social responses: Popular resistance to a megaproject in Central Lima, Peru », Habitat International, n° 45, p. 177-184.
[22] Il s’agit du scandale lié à l’entreprise brésilienne Odebrecht, depuis 2016, de la démission du président Kuczynski en mars 2018 et des changements de gouvernements successifs (depuis 2016, 4 changements de ministre de l’Économie et 3 de ministre du Transport). En 2017, sur une vingtaine de projets envisagés avec les bailleurs, seulement deux, représentant 10 % du montant de volume de prêt annoncé, ont été approuvés.
[23] La zone métropolitaine de Lima-Callao comprend deux territoires administratifs distincts : la province de Lima, gérée par la Municipalité Métropolitaine de Lima (MML), et la province constitutionnelle de Callao, administrée par la Municipalité Provinciale de Callao (MPC). Chacune dispose de ses propres institutions pour réguler les lignes de transport public qui se déploient pourtant sur les deux territoires.
[24] Meimon J. (2007). « Que reste-t-il de la coopération française ? », Politique africaine, n° 105, p. 27-50.
[25] Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement.
[26] Op. cit.
[27] L’AFD mobilise aussi une Volontaire internationale basée à Lima sur ce sujet.
[28] Les principaux acteurs convoqués aux ateliers sont les fonctionnaires du MTC, des agences nationales chargées du transport urbain, des gouvernements municipaux (en particulier des services du transport). Selon les thématiques des ateliers, d’autres acteurs ont pu être invités, notamment d’autres bailleurs internationaux (la CAF — Banco de Desarrollo de América Latina, la Banque Mondiale, etc.), des associations de la société civile spécialisées sur les questions de mobilité et des membres de l’académie.
[29] Pour reprendre le titre de présentation de la méthodologie CODATU lors du premier atelier (26 mai 2016) : « Let’s dream, let’s play chess ».
[30] La municipalité d’Arequipa dit apprendre des erreurs de la gestion du Metropolitano (BRT) de Lima depuis maintenant bientôt 10 ans.
[31] Arab N. (2007). « À quoi sert l’expérience des autres ? », Espaces et sociétés, n° 131, p. 33-47.
[32] Le projet est né d’un atelier CODATU et s’est concrétisé au travers de trois interventions : réhabilitation d’une rue pour en faire un chemin piétonnier, piétonisation de 1 500 mètres d’une voie principale posant de graves problèmes urbains, mise en place d’un hub multimodal pour améliorer la circulation des piétons.
[33] La coopération a accompagné la création de cinq entreprises publiques, chargées chacune d’un mode de transport.
[34] Lerner J. (2014). Urban acupuncture. Celebrating pinpricks of change that enrich city life, Washington DC, Island Press.
[35] Elle se différencie sur ce dernier point des interventions menées par d’autres bailleurs, notamment la Banque Mondiale, qui propose des projets Transit-oriented development (TOD) beaucoup plus ambitieux.
[36] Op. cit.
[37] Pendant la campagne, ses opposants disaient de lui « roba pero hace obras », « il vole mais il construit. »
[38] Les propos des acteurs locaux sont extraits des entretiens ou des ateliers et sont traduits de l’espagnol au français par les auteurs.
[39] À l’inverse de la ligne 1 de métro, dont la construction a été exécutée sous forme d’un ouvrage public sous la responsabilité directe de l’Autorité Autonome du Train Électrique, la ligne 2 fait l’objet d’un partenariat public/privé comprenant la construction puis la gestion du métro pendant 35 ans.
[40] Elle profite aussi d’un climat politique favorable, avec l’élection du nouveau président de la République en juin 2016, grâce à un bastion électoral important dans la région d’Arequipa et qui permet une amélioration des relations entre le maire d’Arequipa et le nouveau gouvernement central.
[41] Une visite technique avait été organisée en 2015 à Bordeaux avec des représentants de Lima et d’Arequipa, avant la mise en œuvre de la coopération technique, qui a facilité la mise en comparaison par la suite.
[42] Hidalgo D, Gutierrez L. (2013). « BRT and BHLS around the world: Explosive growth, large positive impacts and many issues outstanding », Research in Transportation Economics, vol. 39, n° 1, p. 8-13.
[43] Artigas A. (2018). « Infrastructures et nouveaux émergents : impacts territoriaux et environnementaux », dans Lorrain D, Halpern C, Chevauché C, Villes Sobres, Paris, Presses de Sciences Po, p. 183-200.
[44] L’Institut Métropolitain de Planification d’Arequipa (IMPLA) est créé en 2014 et réalise le plan de développement métropolitain 2016-2025, adopté en 2016 par la municipalité. Au contraire, à Lima, le maire métropolitain, nouvellement élu en 2014, ne ratifie par le plan de développement urbain PLAM 2035 réalisé par l’équipe municipale précédente, laissant la capitale sans document officiel de planification actualisé.
[45] Op. cit.
[46] OCDE. (2006). « Chapitre 5 Coopération technique », Revue de l’OCDE sur le développement, n° 7, p. 121-144.
[47] Nouvelle, car c’est la première fois qu’ils traitent avec les Français, mais aussi parce qu’elle fait suite à d’autres coopérations, notamment espagnole et japonaise.
[48] « Afrancesada » peut se traduire « À la française », et désigne ici le caractère orienté par des intérêts français de la coopération.
[49] Cette critique s’inscrit de fait dans une vision relativement pessimiste à propos des possibilités d’impulser des changements en raison des difficultés locales de réalisation de projets, avec ou sans l’appui de la coopération internationale.
[50] CODATU. (2018). ¿Cómo implementar un sistema integrado de transporte en las ciudades peruanas?, Recomendaciones para lograr el cambio de paradigma, Mayo, CODATU, 37 p. [En ligne].
[51] Voir « Perú: transporte urbano sostenible Arequipa », Euroclima+. [En ligne].
[52] Voir « Proyecto de Mejoramiento del Transporte de Cusco », Banque Mondiale [En ligne].
[53] Voir « Plan Maestro de Movilidad Urbana Sostenible de la provincia de Piura », CAF-Banco de desarrollo de América Latina (Banque de développement d’Amérique latine) [En ligne].
[54] Le maire sollicite officiellement l’appui de la coopération française en 2016 dans une lettre à l’Ambassadeur de France au Pérou, qu’il reçoit ensuite en personne.
[55] Muller P. (1990). Les politiques publiques, Paris, PUF.
[56] Bourdin A, Idt J (dir.). (2016). L’urbanisme des modèles : références, benchmarking et bonnes pratiques, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube.
[57] Environ 200 professionnels de la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ), l’agence de coopération internationale allemande pour le développement, sont affectés au Pérou.
[58] Landel PA. (2011). « L’exportation du “développement territorial” vers le Maghreb : du transfert à la capitalisation des expériences », L’Information géographique, vol. 75, n° 4, p. 39-57.
[59] Les expériences accumulées sont d’ailleurs remobilisées pour le développement d’autres activités, notamment d’enseignement, de formation ou encore de diffusion à travers des conférences.
[60] Louargant S, Matteudi E, Roux E. (2011). « L’action aménagiste au Maroc entre héritages, permanences et bifurcations », L’Information géographique, vol. 75, n° 4, p. 15-38.
[61] Robinson J. (2015). « “Arriving at” urban policies: The topological spaces of urban policy mobility », International Journal of Urban and Regional Research, vol. 39, n° 4, p. 831-834.