juillet 2018
La circulation des modèles
Nouveaux modèles théoriques pour l’urbanisme
Apports et limites de l’interdisciplinarité scientifique disruptive
Nouveaux modèles théoriques pour l’urbanisme : apports et limites de l’interdisciplinarité scientifique disruptive,
Riurba no
6, juillet 2018.
URL : https://www.riurba.review/article/06-modeles/theoriques/
Article publié le 1er juil. 2018
- Abstract
- Résumé
New theoretical models for urban planning: contributions and limits of a breaking interdisciplinarity
The great utopias founding urban planning are exhausted. New operational models are proposed. Beyond, new theoretical models are presently suggested which goal is to refound urban planning theories and practices. Those models are inspired by sciences with large aura and universality. However, as the structure of scientific knowledge is disciplinary, the application of such models in the field of urban planning raises the problem of interdisciplinarity. Disruptive interdisciplinarity introduces in the field of urban planning theories issued from external disciplines, especially “hard sciences” (mathematics, physics, biology). Those new theoretical models question the paradigms of urban planning. This article analyses those new models, their foundations, their claims, but also their limits.
Face à l’épuisement des grandes utopies fondatrices et à côté de la diffusion de modèles opérationnels, des modèles théoriques sont actuellement proposés pour refonder l’urbanisme. Ils s’inspirent de sciences dont l’aura est grande et le caractère universel peu contesté. Pourtant l’organisation des savoirs scientifiques étant disciplinaire, l’application dans le champ urbanistique pose le problème de l’interdisciplinarité. L’interdisciplinarité disruptive introduit dans le champ de l’urbanisme des théories venues de disciplines extérieures, notamment des sciences « dures » (mathématiques, physique, biologie). Les nouveaux modèles théoriques mettent en cause les paradigmes de l’urbanisme. L’article examine ces nouveaux modèles, leurs fondements, leurs prétentions mais aussi leurs limites.
post->ID de l’article : 3833 • Résumé en_US : 3851 • Résumé fr_FR : 3847 •
Les physiciens peuvent-ils réinventer la ville ? (France Culture, 8/5/2015).
Des modèles interdisciplinaires au secours des villes
Au regard des attentes contemporaines, nombre de problèmes urbains semblent ne pas trouver de solutions. Par exemple, les tendances à l’étalement urbain ne sont pas maîtrisées ; à certaines échelles, on va vers plus de ségrégation et moins de mixité sociale ; les coûts de la gestion des villes explosent ; des grandes villes du Sud concentrent la pauvreté. Il ne s’agit pas de problèmes nouveaux, mais pendant longtemps on a pu croire que la croissance économique assortie d’une planification intelligente viendrait à bout de ces difficultés. Aujourd’hui, le doute domine, d’autant plus que des préoccupations nouvelles imposent d’autres impératifs. Le développement durable, le risque climatique (Calthorpe, 2011[1]Calthorpe, P. (2011). Urbanism in the Age of Climate Change, Washington D.C., Island Press, 176 p.), les questions de sécurité sont apparues sur l’agenda politique. On a désormais le sentiment que l’évolution urbaine n’est pas soutenable ni même tenable.
Pourtant, face à cette évolution, des propositions urbanistiques ont été élaborées : densification, mixité, new urbanism, smart growth, TOD (Transport Oriented Development), écoquartiers, smart cities. En Grande-Bretagne, le gouvernement en vient même à préconiser un retour des villes à la campagne. Afin de freiner la bulle immobilière tout en promouvant le développement durable et en développant l’emploi, il s’agit de construire d’ici 2020 un million de logements répartis dans de nouveaux villages et petites villes (entre 1 500 et 10 000 habitants) dans la campagne anglaise, de la Cumbrie à la Cornouaille. Mais toutes ces solutions peinent à convaincre. D’une part, leur efficacité reste à prouver, d’autre part, la confiance dans les solutions urbanistiques venues d’en haut n’a plus rien d’évident (Whatmore et Landström, 2011[2]Whatmore, S. and Landström, C. (2011). « Flood apprentices: an exercise in making things public », Economy and Society, 40, 4, pp 562-610. ; Deboulet et Nez, 2013[3]Deboulet, A., Nez, H. (dir.) (2013). Savoirs citoyens et démocratie urbaine, Rennes, PUR, 139 p.).
Dans ce contexte, de nouveaux modèles sont proposés. Si l’urbanisme utilise depuis bien longtemps des modèles, c’est à différents niveaux. La reproduction de bonnes pratiques fonde aujourd’hui une large part de l’usage des modèles en urbanisme (normes, benchmarking, labels). Mais les limites dans ce domaine (non-reproductibilité, incohérences, inadaptation aux situations locales) appellent des modèles à un autre niveau, plus en amont. Il ne s’agit pas de la simple circulation d’idées mais de la construction de modèles théoriques, conçus pour fonder l’urbanisme et donc cadrer l’action urbanistique. Les utopies ont longtemps joué ce rôle : ville hygiénique, city beautiful, ville radieuse. Pourtant, les modèles utopiques qui ont servi de référence semblent aujourd’hui affaiblis, laissant place à d’autres schémas explicatifs ou normatifs : qu’est-ce que la ville, comment la rendre meilleure ? Si le modèle de la smart city peine encore à émerger (Doherty, 2013[4]Doherty P. (2013). Smart city: How to create public and economic value with high technology in sustainable and resilient environments in an increasingly urbanized world, New York, Mac Graw Hill, 238 p.), le développement durable peut être considéré comme un fondement théorique majeur de l’urbanisme contemporain. Toutefois, la réduction d’échelle nécessaire pour passer du développement durable à la ville durable fragilise le modèle.
Une autre source d’inspiration provient de sciences, dont l’aura est grande et le caractère universel peu contesté.
Urbanisme et disciplines
Pourtant, l’organisation des savoirs scientifiques étant disciplinaire, l’application dans le champ urbanistique pose le problème de l’interdisciplinarité. Cette question mérite un retour en arrière. On considère que l’urbanisme est constitué d’arts, de techniques, de sciences, dont l’ensemble vise à assurer une bonne organisation et un bon aménagement des villes (Merlin et Choay, 2015[5]Merlin, P. & Choay, F. (2015). Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, Paris, PUF, 863 p.). Si l’histoire des actions urbanistiques remonte fort loin, la codification des pratiques est plus récente, généralement datée du milieu du xixe siècle. De nos jours, les savoirs et savoir-faire dans ce domaine ont acquis droit de cité. Non seulement la profession d’urbaniste est reconnue, mais on est arrivé à considérer l’urbanisme (et ses déclinaisons anglo-saxonnes d’urban planning, urban design) comme de quasi-disciplines : corpus de connaissances, recherche, colloques, formations universitaires reconnues, revues. Cette « disciplinarisation » de l’urbanisme en vient à masquer les obstacles apparus au fil de l’histoire dans les rapports avec les disciplines scientifiques proprement dites et plus précisément celles des sciences « dures ». En même temps que les premiers urbanistes œuvraient pour apporter à leur manière des solutions aux problèmes urbains, des champs de savoir, comme les mathématiques ou la physique, s’organisaient avec leurs objets, leurs paradigmes, leurs méthodes, leurs protocoles, apportant des réponses à des interrogations fondamentales mais aussi à des questions pratiques (science des matériaux, climatologie) (Pagney, 2012[6]Pagney P. (2012). « La climatologie française, la modélisation des climats et le réchauffement climatique : la climatologie en question », EchoGéo, n° 22.). L’urbanisme a su faire appel à ces disciplines scientifiques, avec toutefois les difficultés causées par des problématiques d’aménagement changeantes : hygiène publique, villes nouvelles… Il en est résulté une difficulté de s’accorder sur des champs stables, dignes d’intérêt pour les différentes disciplines auxquelles l’urbanisme entendait faire appel : médecine, hydraulique, ingénierie, démographie, économie. Du côté des urbanistes, il faut rappeler les efforts pour créer une discipline autonome, une science nouvelle un temps baptisée « urbanologie ».
Finalement, les collaborations avec les disciplines se sont avérées difficiles, heurtées ou infructueuses. Citons trois exemples. Présente jusque dans les années 1960 au programme de l’institut d’urbanisme de l’université de Paris (avec le Docteur Hazemann), la médecine disparaît définitivement des programmes en 1970. Pour ce qui est des sciences du trafic et des transports urbains, les savoirs s’autonomisent à partir des années 1950 aux États-Unis puis partout dans le monde (Chatzis, 2018[7]Chatzis, K. (2018) « La circulation urbaine et son ingénieur : la constitution de la figure du traffic engineer dans les États-Unis de l’entre-deux-guerres », e-Phaïstos 1217.). Enfin, l’économie urbaine, emportée par la modélisation néoclassique, s’écarte, elle aussi, de l’urbanisme à partir des années 1960.
Aujourd’hui, l’on constate des démarches nouvelles venues de champs extérieurs à l’urbanisme et aux disciplines connexes qu’il est parvenu à mobiliser depuis ses débuts (histoire, géographie, architecture, anthropologie, sociologie, sciences politiques). Par comparaison avec les analyses d’A. Bourdin sur les modèles théoriques en urbanisme (Bourdin, 2015[8]Bourdin A. (2015). « L’enjeu de la théorieRevue Internationale d’urbanisme, juillet-décembre.), les sciences « dures » occupent une place de choix dans les nouvelles initiatives que nous examinons ici. La question de l’interdisciplinarité est au cœur de ces démarches.
Une interdisciplinarité disruptive
La littérature sur l’interdisciplinarité est abondante, et celle qui concerne l’interdisciplinarité en urbanisme comporte quelques auteurs tels, pour la France, L. Devisme (2001[9]Devisme L. (2001). « L’urbanologie : une constitution disciplinaire problématique », Cahiers thématiques : architecture, histoire/conception, école d’Architecture de Lille et des Régions du Nord, n °1, np., 2003[10]Devisme L. (dir.). (2003). « Vertiges et prodiges de l’interdisciplinarité », Lieux communs, école nationale supérieure d’architecture de Nantes, n° 7, p. 69-82.), T. Ramadier (2004[11]Ramadier, T. (2004) « Transdisciplinarity and its challenges: The case of urban studies », Futures, n° 36(4), p. 423-439.), D. Pinson (2004[12]Pinson D. (2004). « Urban planning: an ‘undisciplined’ discipline? », Futures, n° 36(4), p. 103-113.), T. Paquot (2013[13]Paquot T. (2013). « Urbanisme, urbanologie, études urbaines : l’improbable classification », Hermès, n° 67, p. 95-102.).
Partant de cette littérature, Dupuy et Benguigui (2015[14]Dupuy G, Benguigui G. (2015). « Sciences urbaines : interdisciplinarités passive, naïve, transitive, offensive », Métropoles, n° 16.) ont proposé une typologie d’interdisciplinarités dans le domaine urbanisme-aménagement. On trouve d’abord une interdisciplinarité « passive » consistant à rassembler et mettre en forme synthétique à l’occasion de l’élaboration de plans ou de projets les apports de différentes disciplines. Selon certains auteurs (Davoudi, 2015[15]Davoudi S. (2015). « Is planning an academic discipline?Revue Internationale d’urbanisme, juillet-décembre., Meyer-Heine, 2016[16]Meyer-Heine G. (2016). Au-delà de l’urbanisme, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube, 184 p. (1ère édition, 1968, Paris, CRU).), il s’agirait d’ailleurs plutôt dans ce cas de pluridisciplinarité que d’interdisciplinarité. En tous cas, l’insatisfaction de certaines disciplines auxiliaires à l’égard de cette démarche a conduit à l’apparition d’autres formes d’interdisciplinarité. C’est d’abord l’interdisciplinarité « naïve » qui conduit des chercheurs de telle ou telle discipline à se saisir à leur manière, selon les paradigmes et protocoles qui leur sont familiers, d’un objet urbain pour en faire apparaître des propriétés nouvelles (Dupuy, 2013[17]Dupuy G. (2013). « Network geometry and the urban railway system: the potential benefits to geographers of harnessing inputs from “naive” outsiders », Journal of Transport Geography, n° 33, p. 85-94.). M. Batty illustre bien cette démarche (Batty, 2011[18]Batty M. (2011). « Building a science of cities ». Cities Journal, p. 9-16.). Enfin, un dernier type d’interdisciplinarité, qualifiée « d’offensive » dans l’article de Dupuy et Benguigui (2015[19]Op. cit.), mais que nous préférons nommer ici « disruptive », se propose de refonder les bases mêmes des principes et méthodes mis en œuvre dans le domaine de l’urbanisme-aménagement. Le choix du terme « disruptif » insiste sur l’objectif de rompre avec le paradigme urbanistique qui fait de l’urbanisme une quasi-discipline (Davoudi, 2015[20]Op. cit.). Cette interdisciplinarité disruptive émane elle aussi de courants extérieurs au champ de l’urbanisme mais, contrairement à l’interdisciplinarité naïve, elle vise à y imposer, sur la base d’arguments scientifiques et de manière parfois radicale, des règles nouvelles fondées sur des approches inédites. Il s’agit de modèles théoriques qui se situent en amont des pratiques urbanistiques tout en cherchant à les orienter. Dans le présent article, nous présenterons des démarches de ce type en provenance de différentes disciplines. Nous examinerons ensuite les raisons du développement actuel de l’interdisciplinarité disruptive appliquée à la ville. Nous évaluerons enfin les limites de ces démarches dans le contexte d’aujourd’hui.
L’article ne vise pas à présenter de manière exhaustive l’ensemble des démarches individuelles à l’œuvre dans ce processus d’interdisciplinarité disruptive. Nous nous fondons sur des écrits publiés récemment mais nous cherchons à aller au-delà des publications proprement dites pour faire comprendre les tendances sous-jacentes dans les approches présentées, par exemple un certain positivisme ou un naturalisme chez les auteurs en provenance des sciences « dures ». Cette tendance importante est bien mise en évidence par Vanoutrive et al. (2016[21]Vanoutrive T et al. (2016). “On the Rationality of Network Development: the Case of the Belgian Motorway Network”, dans Carola Hein (ed.) International Planning History Society Proceedings, 17th IPHS Conference, History-Urbanism-Resilience, TU Delft 17-21 July, p. 235-247.).
L’interdisciplinarité disruptive a généralement son point de départ dans un champ disciplinaire externe (physique, mathématiques, sciences de la vie), même lorsqu’elle se manifeste à l’intérieur du champ urbanistique. Nous avons donc examiné une cinquantaine de textes publiés depuis une quinzaine d’années, trouvés sur Internet, et manifestant un caractère critique et offensif vis-à-vis de l’urbanisme contemporain. La répartition par disciplines de ces publications est résumée dans le tableau 1. La colonne « Divers » regroupe des attaches disciplinaires variées : biologie, hydrologie, environnement, architecture, économie, climatologie, énergétique… On remarque le nombre important de publications émanant du champ de la physique sans que nous ayons d’explication à cette prépondérance. Nous avons choisi de présenter quelques cas exemplaires de cet ensemble. Les cas ont été choisis en fonction des critères suivants : variété disciplinaire, notoriété, pertinence par rapport à la démarche urbanistique.
Une théorie des villes issue de la physique
Au départ, Luis Bettencourt est un spécialiste de physique théorique. Après une thèse sur les modèles en physique des hautes énergies, il a travaillé principalement avec ses collègues du Santa Fe Institute sur les villes et l’urbanisation. Ses recherches préconisent une nouvelle synthèse interdisciplinaire capable de décrire les villes et de prédire leur évolution sur des bases quantitatives, en se fondant sur la disponibilité croissante de données empiriques à l’échelle mondiale (Big data) (Bettencourt et al., 2007a[22]Bettencourt LM et al. (2007a). « Growth, innovation, scaling, and the pace of life in cities », Proc. Nat. Acad. of Science, vol. 104, p. 7031-7036., 2007b[23]Bettencourt LM et al. (2007b). « The hypothesis of urban scaling: formalization, implications and challenges », arXiv: 1301.5919v1. ; Bettencourt, 2012[24]Bettencourt LM. (2012). « The origins of scaling in cities », Santa Fe Institute, Working Paper., 2013[25]Bettencourt LM. (2013). « The kind of problem a city is », Santa Fe Institute, working paper.).
Les positions du groupe Bettencourt aboutissent à une quasi-disparition de l’urbanisme. Le point central de cette approche est de montrer que de nombreuses caractéristiques des villes varient avec la taille de la ville selon une loi de puissance[26]Relation entre deux quantités x et y qui s’écrit ainsi : y=axk, a et k étant des constantes. En coordonnées logarithmiques, le graphe d’une loi de puissance est une droite.. Les caractéristiques considérées (au nombre de 23) vont de la surface habitée à la consommation d’électricité et à celle de l’eau, en passant par le nombre de dépôts bancaires, de crimes, de brevets, etc. Ces caractéristiques se répartissent en trois groupes, selon le type de lois de puissance qui les relient à la population. Apparaissent ainsi les infrastructures (par exemple, la longueur du réseau viaire), les caractéristiques économiques (par exemple, la masse salariale) et les données d’habitat et de consommation.
Geoffrey West, proche collaborateur de Bettencourt, déclare au New York Times : « Je peux prendre ces lois et faire des prédictions précises sur le nombre de crimes et la superficie de voirie dans une ville du Japon de 200 000 personnes. Je ne sais rien de cette ville ni de son histoire, mais je peux tout vous raconter. Et la raison pour laquelle je peux le faire est que chaque ville est vraiment la même » (17/12/2010).
La conclusion de ces auteurs est qu’ils ont trouvé des lois universelles concernant toutes les villes, et cela indépendamment de leur histoire et de leur localisation dans le monde.
La deuxième étape de la démarche consiste à proposer un modèle expliquant la généralité des lois de puissance. Le modèle est basé sur la notion d’interaction entre individus au sein des ensembles urbains. Il se rapporte à certaines notions de la théorie des réseaux. Le modèle permet plusieurs scénarios de croissance de la ville.
La dernière étape propose une théorie de la ville pour « cadrer » l’urbanisme et les urbanistes, qui sont supposés s’y conformer.
Le cœur de la méthode réside effectivement dans la détermination des fameuses lois de puissance, en particulier la mesure des exposants. Les résultats sont obtenus avec des ajustements approximatifs portant sur des tendances représentées par des nuages ou des suites limitées de points et non sur des équations validées statistiquement, ce qui conduit à une certaine confusion entre une approche qualitative (un nuage) et une approche quantitative (une équation[27]Cette critique est fondée sur les travaux du physicien L. G. Benguigui, professeur au Technion Israeli Institute of Technology.). Cela n’empêche pas les auteurs de bâtir un modèle et une théorie de l’urbanisme à partir de tels résultats. Luis Bettencourt estime que cette nouvelle théorie met en évidence les avantages de la ville (selon son échelle) pour la société humaine : « En raison de cet énorme potentiel de développement humain, les villes ne doivent pas être considérées comme des systèmes à contrôler ou à maîtriser, mais être encouragées à évoluer spontanément vers la réalisation des meilleures expressions ouvertes de notre nature collective ». Ce sont donc des principes naturalistes et extrêmement libéraux qui sous-tendent la démarche de Bettencourt, rendant l’urbanisme presque incongru.
Un urbanisme à base mathématique
Nikos Angelos Salingaros est Professeur de mathématiques à l’Université du Texas. Il est connu pour ses travaux sur la théorie de la complexité. Il a d’abord travaillé en algèbre et en physique mathématique (champs magnétiques et fusion nucléaire). Collaborateur en son temps de C. Alexander, Salingaros s’est ensuite intéressé à l’architecture en travaillant sur des théories de l’architecture et de la ville.
Dans son approche théorique, Salingaros critique les approches traditionnelles de l’urbanisme et valorise la fractalité[28]Les fractales sont des figures géométriques auto-similaires. Leur forme obtenue par des règles de fractionnement, reste la même lorsque l’on change d’échelle.. « Les propriétés fractales de la ville traditionnelle ont été effacées, avec des conséquences désastreuses pour le tissu urbain » (Salingaros, 2017a[29]Salingaros NA. (2017a) [En ligne).
« Quand nous regardons selon une perspective large les structures qui se répètent, nous constatons qu’elles se répètent apparemment à de plus petites échelles quand elles sont plus éloignées. Cette information fractale nous aide à lire les distances et la profondeur dans l’environnement. En confondant la simplicité avec l’ordre, nous avons éliminé de notre environnement la connexion des échelles et les relations fractales. Nous avons remplacé un monde d’urbanisme richement connecté par une géographie désordonnée de produits artistiquement emballés mais catastrophiquement non-artistiques » (Mehaffy et Salingaros, 2012[30]Mehaffy M, Salingaros NA. (2012). « Explainer: What scaling and fractals are, and how designers can use them », Metropolis, May 28.).
Récemment, Salingaros s’est intéressé aussi aux neurosciences. Son idée est qu’elles pourraient suggérer aux architectes et aux urbanistes des principes mathématiques à adopter pour « parler aux gens », via leurs neurones, quant à leur perception de l’environnement bâti :
« L’humanité est au seuil d’une approche novatrice des bâtiments et des villes, guidée par la science, à la place de l’esthétique expressionniste abstraite, qui domine l’architecture à la mode » (Salingaros, 2017a[31]Op. cit., 2017b[32]Salingaros NA. (2017b). « How neuroscience can generate a healthier architecture. Comments », Conscious Cities Journal, n° 3, August.).
Il s’agit toujours, pour Salingaros, dans la lignée d’Alexander comme dans l’inspiration de la biophilie et de la neurophysiologie, de remettre en cause les manières de faire dominantes en architecture et en urbanisme, notamment celles inspirées par le mouvement moderne et ses fondements mathématiques simplistes.
Certes, la mise en évidence empirique d’une composition fractale des villes dans l’histoire n’a jamais pu être réalisée, notamment à cause d’obstacles méthodologiques non surmontés jusqu’ici (Joye, 2011[33]Joye Y. (2011). « A review of the presence and use of fractal geometry in architectural design », Environment and Planning B Planning and Design, n° 38 (5), p. 814-828. ; Bonin et Douady, 2013[34]Bonnin P, Douady S. (2013). « Morphogénèse du réseau viaire », dans Les réseaux dans le temps et dans l’espace, Paris, ouvrage collectif du groupe FMR, n° 2. ; Tannier, 2018[35]Tannier C. (2018). « À propos des modèles fractals en géographie urbaine et en aménagement : réfutation de l’esthétique et de la norme universelle », Cybergeo, n° 14/2.). D’autre part, comment rendre compte ou expliquer les constats de fractalité urbaine ? Quel(s) serai(en)t le ou les principes fondateurs de l’urbain qui s’exprimeraient de manière fractale ? Jusqu’ici, quelques hypothèses ont été formulées, quelques modèles proposés concernant la genèse des réseaux ou les processus d’usage des sols (Dupuy, 2017[36]Dupuy G (dir.). (2017). Villes, réseaux, transport, le défi fractal, Paris, Économica, 256 p.). Malgré des efforts comme ceux de Hernan Makse (cité par Batty, 1995[37]Batty M. (1995). “New ways of looking at cities”, Nature, n° 377, p. 574.), ces tentatives se sont heurtées à des difficultés pour relier la fractalité aux théories existantes sur l’évolution de la forme urbaine, qu’il s’agisse de théories à dominante économique ou plus historiques ou encore de théories sur l’évolution des réseaux. Le projet interdisciplinaire de N. Salingaros et de ceux qui l’accompagnent paraît encore loin du but annoncé.
Pourtant N. Salingaros voudrait que l’urbanisme renoue avec la fractalité qui, suppose-t-il, a présidé à la composition urbaine tout au long de l’histoire mais a été malheureusement abandonnée par l’urbanisme contemporain. C’est ainsi que l’on pourrait éviter les effets fâcheux de l’urbanisme sur le tissu urbain.
Un urbanisme scientifique : Big data et pseudo-science
Nous nous référons ici à des auteurs acculturés à l’approche de l’espace géographique, approche qui sous-tend habituellement le travail des urbanistes. Pourtant, la plupart d’entre eux ont une solide formation de base dans d’autres disciplines : mathématiques, informatique, physique, ingénierie, sociopolitique, philosophie.
À partir de là, ils préconisent des modifications assez radicales du paradigme urbanistique (Solecki et al., 2013[38]Solecki W et al. (2013). « It’s time for urbanization Science », Environment, Science and Policy for Sustainable Development, n° 55, p. 12-17.) : soit en revisitant la représentation de la ville commune aux urbanistes (par exemple, les échelles, la centralité, le système de voirie, l’organisation des réseaux), soit en contestant à partir d’autres disciplines les modes de pensée habituels du planning (utopie, absence d’expérimentation, projet, singularité des cas). Pour cela, ils s’appuient sur leurs travaux et expériences mais aussi sur les changements qu’ils perçoivent dans les autres domaines scientifiques ou disciplines qui leur sont familiers : SIG, sciences des systèmes, modèles multi-agents, modèles biologiques, théorie des réseaux, fractales, Big data, analyse sociopolitique, écologie. Ces préconisations, dont la tonalité est forte au point qu’on y décèle de véritables convictions, relèvent de l’interdisciplinarité disruptive. Parmi les positions que nous avons examinées, nous avons retenu à titre d’exemples celles de S. Marshall et de l’équipe de T. Shelton.
Dans un article très documenté, Stephen Marshall, de la Bartlett School of Planning de Londres, accuse l’urbanisme, ou du moins les théories qui l’inspirent, de n’être que de la pseudo-science (Marshall, 2012[39]Marshall S. (2012). “Science, pseudo-science and urban design”, Urban Design International, n° 17(4), p. 257-271.). S. Marshall est architecte et urbaniste. Il a travaillé sur les réseaux de voirie urbaine en proposant des principes de composition prenant en compte les différentes fonctions des réseaux : accessibilité, connectivité, qualité des espaces publics. Il insiste particulièrement sur la nécessité d’une approche cohérente dans ce domaine.
Cela l’amène à critiquer de façon virulente les principes urbanistiques habituels (Marshall, 2012[40]Op. cit.). D’après lui, ces principes relèvent de la pseudo-science déjà dénoncée il y a un demi-siècle dans une autre perspective par Jane Jacobs dans son ouvrage The Death and Life of Great American Cities. Pour Marshall, le caractère non scientifique des théories de l’urbanisme tient au fait qu’elles se fondent sur des hypothèses fortes qui ne seraient jamais validées. Non seulement, il n’y a guère eu de test des principales hypothèses du paradigme de l’urbanisme, mais, ce qui est plus grave selon lui, les urbanistes ne semblent pas intéressés par la validation de ces hypothèses. Par exemple, la nécessité de promouvoir la densité et la mixité pour favoriser l’animation urbaine est couramment affirmée mais l’hypothèse sous-jacente n’est jamais testée faute d’un quelconque intérêt pour ce test.
La préconisation de S. Marshall de rendre scientifique la démarche urbanistique est discutable. Pourquoi demander à l’urbanisme d’être à cet égard plus « scientifique » que maintes sciences humaines et sociales sur lesquelles il s’appuie ? Pour beaucoup de ces sciences, il est admis épistémologiquement que la validation rigoureuse des hypothèses est impossible eu égard au grand nombre de paramètres à contrôler pour de telles vérifications. Ces disciplines s’en accommodent. Pourtant, Marshall n’en propose pas moins de refonder l’urbanisme comme véritable science urbaine dont les théories seraient réfutables et les hypothèses rigoureusement testées.
Dans un autre registre, à partir des données du Big data issues des usages de la téléphonie mobile, T. Shelton et al. mettent en cause un fondement du paradigme urbanistique : l’existence de ségrégations sociospatiales que l’urbaniste constate et doit combattre. L’étude de Shelton porte sur Louisville, Kentucky (Shelton et al., 2015[41]Shelton T et al. (2015). « Social media and the city; rethinking urban socio-spatial inequality using user-generated geographic information », Landscape and Urban Planning, n° 142, p. 198-211.). L’imaginaire populaire que relaient sur place les urbanistes veut qu’il existe une véritable barrière ségrégative, baptisée « 9th Street Divide », séparant le West End de Louisville du reste de la ville. En analysant les données des échanges quotidiens sur Twitter entre différents espaces et différents groupes, Shelton et ses collaborateurs ont pu montrer que, loin d’être ségrégés, les quartiers en question sont reliés de manière fluide, poreuse et active plutôt que séparés de manière rigide, statique et fixe. Il conclut en faveur d’une utilisation des Big data.
À vrai dire, la méthode employée dans l’analyse de Shelton et al. ne remet pas en cause les concepts de différenciation sociospatiale ni de ségrégation résidentielle, ce qui est une limite forte à son efficacité pour éventuellement refonder les démarches urbanistiques. Quels rapports entre ces partitions sociales et spatiales et le fait que des messages Twitter puissent à un moment ou à un autre s’affranchir de barrières imaginaires qui séparent deux communautés ? L’approche serait à affiner pour convaincre qu’elle apporterait une meilleure « scientificité » dans cet aspect crucial de la gestion urbaine. Mais la conclusion de Shelton est quand même très favorable à l’utilisation des Big Data. Pour lui, cette utilisation context sensitive permettrait de refonder les pratiques des urbanistes dans le sens d’une approche plus « scientifique » de la compréhension et de la gestion des villes.
Les limites : comment passer de la théorie à la pratique ?
Il faut bien sûr s’interroger sur le passage des théories interdisciplinaires disruptives à la réalité des savoirs et des pratiques urbanistiques (Bourdin, 2015[42]Op. cit.). Un premier point est d’une grande importance. Si les modèles théoriques évoqués ci-dessus circulent librement du fait de l’internationalisation des disciplines dont ils émanent, leur diffusion et surtout le passage à la pratique nous ramènent aux singularités de l’urbanisme dans les différents contextes nationaux. Tout d’abord, les manifestes de l’interdisciplinarité disruptive ne sont pas également représentés dans les différents pays. Dans notre échantillon de départ, nous n’avons trouvé que 7 % de publications en langue française, les autres provenant de revues anglo-saxonnes. Même si les auteurs sont de nationalités diverses, la prééminence du Royaume-Uni est manifeste.
Dans le milieu de l’urbanisme, caractérisé par l’importance de la pratique professionnelle (Davoudi, 2015[43]Op. cit.), on lit peu la littérature académique. Les auteurs interdisciplinaires disruptifs cités ci-dessus sont donc encore peu connus. La formation elle-même est marquée par la pratique et n’oriente pas les étudiants vers cette littérature principalement critique. Lorsque des auteurs comme ceux qui ont été cités ci-dessus sont connus, ils sont considérés comme des marginaux, inoffensifs. On les perçoit sur les marges du champ urbanistique, incapables de l’investir et d’en ébranler les paradigmes (Le Gates et al., 2009[44]Le Gates R et al. (2009). “Spatial thinking and scientific urban planning”, Environment and Planning B Planning and Design, vol. 36, p. 763-768.).
En France particulièrement, l’urbanisme semble pour l’instant peu sensible aux courants d’une interdisciplinarité disruptive. Dans un carcan législatif et réglementaire contraignant, les modèles de « bonnes pratiques » s’imposent, alors que les nouveaux modèles théoriques sont ignorés. Cela explique peut-être la prudence d’un Marc Barthélémy qui connaît ces résistances. Barthélémy est physicien au CEA. Il croit dans une « science des villes ». Mais tout en travaillant sur des modèles théoriques inspirés de la physique, il reste à bonne distance d’une interdisciplinarité disruptive : « Le but d’une science des villes serait de comprendre comment les villes se développent et finalement de fournir un soutien scientifique aux opérations de planification urbaine. [Nous préconisons] l’utilisation de modèles simples, guidés par des idées de la physique statistique des systèmes complexes tels que l’auto-organisation et des modèles minimaux, et soumis à la contrainte cruciale d’être en accord avec les observations » (Barthélémy, 2016[45]Barthélémy M. (2016). The structure and dynamics of cities: urban data analysis and theoretical modeling, New York, Cambridge University Press, 278 p.).
Pourquoi les urbanistes ne se sentent-ils pas menacés par les fortes mises en cause de l’interdisciplinarité disruptive ? Au mieux, on constate un réel scepticisme des praticiens. Face aux connaissances scientifiques proposées par les experts, l’attitude des urbanistes est ambiguë. Une étude récente permet de mieux en comprendre les ressorts (Van Stigt et al., 2015[46]Van Stigt R et al. (2015). “A user perspective on the gap between science and decision-making. Local administrators’ views on expert knowledge in urban planning”, Environment Science and Policy, vol. 47, p. 167-176.). L’étude porte notamment sur les savoirs scientifiques proposés aux urbanistes parce que présumés utiles à l’urbanisme dans le domaine de l’environnement. Si les urbanistes de terrain ne rejettent pas en bloc ces connaissances, ils en font usage de manière très nuancée, circonspecte et sélective. Il s’agit surtout pour eux d’utiliser certains des éléments scientifiques proposés (mais pas les autres) en jouant sur les incertitudes inhérentes à la connaissance scientifique et à la rationalité relative des décisions urbanistiques. Ils parviennent ainsi à tenir leur propre ligne de conduite : disposer d’une marge de manœuvre suffisante pour trouver des solutions de compromis disposant de l’accord des politiques et du public. Il y a donc matière à relativiser les apports scientifiques quels qu’ils soient dans la pratique urbanistique. À cet égard, les apports scientifiques standards et les apports disruptifs seraient donc à mettre sur le même plan, notamment dans des domaines tels que l’environnement ou le paysage.
Finalement, les chercheurs interdisciplinaires disruptifs trouvent leur reconnaissance dans de petits cercles qui ne font pour l’instant qu’effleurer le cœur des pratiques et des disciplines.
Il y a là une tache aveugle de l’urbanisme. L’interdisciplinarité disruptive se développe ailleurs, de façon puissante, en attirant des talents et en nourrissant de nouveaux acteurs dont le pouvoir sur la ville croît : opérateurs de réseaux classiques ou numériques, consultants. On notera que la plupart des auteurs interdisciplinaires disruptifs dont nous avons examiné les travaux exercent aussi une part de leur activité comme consultants. Les autorités publiques sont prêtes à faire confiance à de tels courants au détriment de l’urbanisme traditionnel. Ces courants jouent de fait un rôle croissant dans la résolution de problèmes urbains actuels (problem solving, ingéniérie urbaine, génie urbain, urban physics, métabolisme, énergétique, systémique urbaine). Leurs propositions trouvent aussi un grand écho auprès des médias, comme si le caractère novateur des modèles théoriques scientifiques disruptifs faisait écho aux préoccupations de ceux qui s’interrogent sur les problèmes urbains et ne font plus guère confiance aux urbanistes pour les résoudre. Les titres de certains articles de presse sont révélateurs à cet égard : “A Physicist Solves the City” (New York Times, 17/12/2010) ; “Is a slime mold competing for your job”, (Planetizen, 23/072012) ; “Building with Biophilia” (Clarion, 27/9/ 2017) ; “Moving Toward an Evolutionary Theory of Cities” (CityLab, 11/2014) ; “Cities that steal smart ideas from plants and animals” (The Guardian, 19/4/2016) ; “It’s Time for an Urbanization Science” (Environment, Jan-Feb, 2013). Pour la France, la citation en exergue du présent article, « Les physiciens peuvent-ils réinventer la ville ? », va dans le même sens.
On peut préjuger que, par ce biais, l’influence exercée sur les décideurs politiques, voire sur le public, s’accroîtra rapidement : « Les décideurs ont besoin de faits, de preuves empiriques et de théories sur la façon de planifier et de gérer les villes et l’urbanisation à l’ère contemporaine du changement rapide et de l’incertitude environnementale » (Solecki et al., 2013[47]Op. cit.). En dépit des faiblesses théoriques inhérentes à l’interdisciplinarité disruptive, une telle tendance ne saurait rester à terme sans effets sur les professions, les formations et les doctrines de l’urbanisme.
Conclusion
Malgré ses théories prometteuses et ses provocations, l’interdisciplinarité disruptive n’apporte pas de solution évidente aux problèmes actuels des villes. Il faut examiner avec circonspection ses propositions et les comparer avec les apports d’autres démarches, notamment l’interdisciplinarité naïve. On pourrait prendre comme exemples les approches de Tero, d’Adamatzky (Tero et al., 2010[48]Tero A et al. (2010). « Rules for biologically inspired adaptive network design », Science, n° 327, p. 439-442. ; Adamatzky et al., 2013[49]Adamatzky A et al. (2013). « Are motorways rational from Slime Mould’s point of view? », International Journal of Parallel, Emergent and Distributed Systems, n° 28(3), p. 230-248.) qui, malgré le potentiel de leurs découvertes, en restent à une position naïve acceptable. En France, on peut surtout mettre en avant les travaux de S. Barles sur le métabolisme urbain, ceux de P. Frankhauser sur les fractales, ceux de S. Douady sur la morphogénèse. Leurs apports sont précis, certains et effectués sans rupture. L’exemple de M. Batty, qui œuvre dans ce sens depuis des décennies, est également très éclairant. M. Batty est critique vis-à-vis de l’urbanisme tel qu’il s’est pratiqué. Il estime, par exemple, que le schéma des ceintures vertes en Angleterre aurait dû être revu en fonction des apports de la modélisation. Celle-ci permettait de prévoir l’incapacité des green belts à contrer les tendances à la périurbanisation (Batty, 2008[50]Batty M. (2008). “Fifty years of urban modelling: macro statics to micro dynamics”, in Albeverio S et al., The Dynamics of Complex Systems, An interdisciplinary Approach, New York, Springer, 484 p.). Batty a donc défendu l’approche quantitative, l’apport des sciences « dures » et de la modélisation dans le domaine de la géographie appliquée et de l’aménagement de l’espace. Il a prôné des méthodes inspirées de la physique. Mais sa « naïveté » lui a permis d’éviter les écueils de l’interdisciplinarité disruptive tout en exerçant une certaine influence sur la théorie urbanistique. Il n’a certes pas imposé de nouveau modèle dans le champ. Les modèles théoriques issus de l’interdisciplinarité disruptive, en dépit de leurs promesses, parviendront-ils à de meilleurs résultats ? Au vu de ce qui précède, on peut en douter.
[1] Calthorpe, P. (2011). Urbanism in the Age of Climate Change, Washington D.C., Island Press, 176 p.
[2] Whatmore, S. and Landström, C. (2011). « Flood apprentices: an exercise in making things public », Economy and Society, 40, 4, pp 562-610.
[3] Deboulet, A., Nez, H. (dir.) (2013). Savoirs citoyens et démocratie urbaine, Rennes, PUR, 139 p.
[4] Doherty P. (2013). Smart city: How to create public and economic value with high technology in sustainable and resilient environments in an increasingly urbanized world, New York, Mac Graw Hill, 238 p.
[5] Merlin, P. & Choay, F. (2015). Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, Paris, PUF, 863 p.
[6] Pagney P. (2012). « La climatologie française, la modélisation des climats et le réchauffement climatique : la climatologie en question », EchoGéo, n° 22.
[7] Chatzis, K. (2018) « La circulation urbaine et son ingénieur : la constitution de la figure du traffic engineer dans les États-Unis de l’entre-deux-guerres », e-Phaïstos 1217.
[8] Bourdin A. (2015). « L’enjeu de la théorie », Revue Internationale d’urbanisme, juillet-décembre.
[9] Devisme L. (2001). « L’urbanologie : une constitution disciplinaire problématique », Cahiers thématiques : architecture, histoire/conception, école d’Architecture de Lille et des Régions du Nord, n °1, np.
[10] Devisme L. (dir.). (2003). « Vertiges et prodiges de l’interdisciplinarité », Lieux communs, école nationale supérieure d’architecture de Nantes, n° 7, p. 69-82.
[11] Ramadier, T. (2004) « Transdisciplinarity and its challenges: The case of urban studies », Futures, n° 36(4), p. 423-439.
[12] Pinson D. (2004). « Urban planning: an ‘undisciplined’ discipline? », Futures, n° 36(4), p. 103-113.
[13] Paquot T. (2013). « Urbanisme, urbanologie, études urbaines : l’improbable classification », Hermès, n° 67, p. 95-102.
[14] Dupuy G, Benguigui G. (2015). « Sciences urbaines : interdisciplinarités passive, naïve, transitive, offensive », Métropoles, n° 16.
[15] Davoudi S. (2015). « Is planning an academic discipline? », Revue Internationale d’urbanisme, juillet-décembre.
[16] Meyer-Heine G. (2016). Au-delà de l’urbanisme, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube, 184 p. (1ère édition, 1968, Paris, CRU).
[17] Dupuy G. (2013). « Network geometry and the urban railway system: the potential benefits to geographers of harnessing inputs from “naive” outsiders », Journal of Transport Geography, n° 33, p. 85-94.
[18] Batty M. (2011). « Building a science of cities ». Cities Journal, p. 9-16.
[19] Op. cit.
[20] Op. cit.
[21] Vanoutrive T et al. (2016). “On the Rationality of Network Development: the Case of the Belgian Motorway Network”, dans Carola Hein (ed.) International Planning History Society Proceedings, 17th IPHS Conference, History-Urbanism-Resilience, TU Delft 17-21 July, p. 235-247.
[22] Bettencourt LM et al. (2007a). « Growth, innovation, scaling, and the pace of life in cities », Proc. Nat. Acad. of Science, vol. 104, p. 7031-7036.
[23] Bettencourt LM et al. (2007b). « The hypothesis of urban scaling: formalization, implications and challenges », arXiv: 1301.5919v1.
[24] Bettencourt LM. (2012). « The origins of scaling in cities », Santa Fe Institute, Working Paper.
[25] Bettencourt LM. (2013). « The kind of problem a city is », Santa Fe Institute, working paper.
[26] Relation entre deux quantités x et y qui s’écrit ainsi : y=axk, a et k étant des constantes. En coordonnées logarithmiques, le graphe d’une loi de puissance est une droite.
[27] Cette critique est fondée sur les travaux du physicien L. G. Benguigui, professeur au Technion Israeli Institute of Technology.
[28] Les fractales sont des figures géométriques auto-similaires. Leur forme obtenue par des règles de fractionnement, reste la même lorsque l’on change d’échelle.
[29] Salingaros NA. (2017a) [En ligne].
[30] Mehaffy M, Salingaros NA. (2012). « Explainer: What scaling and fractals are, and how designers can use them », Metropolis, May 28.
[31] Op. cit.
[32] Salingaros NA. (2017b). « How neuroscience can generate a healthier architecture. Comments », Conscious Cities Journal, n° 3, August.
[33] Joye Y. (2011). « A review of the presence and use of fractal geometry in architectural design », Environment and Planning B Planning and Design, n° 38 (5), p. 814-828.
[34] Bonnin P, Douady S. (2013). « Morphogénèse du réseau viaire », dans Les réseaux dans le temps et dans l’espace, Paris, ouvrage collectif du groupe FMR, n° 2.
[35] Tannier C. (2018). « À propos des modèles fractals en géographie urbaine et en aménagement : réfutation de l’esthétique et de la norme universelle », Cybergeo, n° 14/2.
[36] Dupuy G (dir.). (2017). Villes, réseaux, transport, le défi fractal, Paris, Économica, 256 p.
[37] Batty M. (1995). “New ways of looking at cities”, Nature, n° 377, p. 574.
[38] Solecki W et al. (2013). « It’s time for urbanization Science », Environment, Science and Policy for Sustainable Development, n° 55, p. 12-17.
[39] Marshall S. (2012). “Science, pseudo-science and urban design”, Urban Design International, n° 17(4), p. 257-271.
[40] Op. cit.
[41] Shelton T et al. (2015). « Social media and the city; rethinking urban socio-spatial inequality using user-generated geographic information », Landscape and Urban Planning, n° 142, p. 198-211.
[42] Op. cit.
[43] Op. cit.
[44] Le Gates R et al. (2009). “Spatial thinking and scientific urban planning”, Environment and Planning B Planning and Design, vol. 36, p. 763-768.
[45] Barthélémy M. (2016). The structure and dynamics of cities: urban data analysis and theoretical modeling, New York, Cambridge University Press, 278 p.
[46] Van Stigt R et al. (2015). “A user perspective on the gap between science and decision-making. Local administrators’ views on expert knowledge in urban planning”, Environment Science and Policy, vol. 47, p. 167-176.
[47] Op. cit.
[48] Tero A et al. (2010). « Rules for biologically inspired adaptive network design », Science, n° 327, p. 439-442.
[49] Adamatzky A et al. (2013). « Are motorways rational from Slime Mould’s point of view? », International Journal of Parallel, Emergent and Distributed Systems, n° 28(3), p. 230-248.
[50] Batty M. (2008). “Fifty years of urban modelling: macro statics to micro dynamics”, in Albeverio S et al., The Dynamics of Complex Systems, An interdisciplinary Approach, New York, Springer, 484 p.