frontispice

L’atelier professionnel du Séminaire et atelier Tony Garnier, ou la genèse des formations en urbanisme
Le cas de l’atelier « Metz-Nancy, métropole d’équilibre » (1964-65)

• Sommaire du no 11

Amandine Diener Laboratoire de Géoarchitecture, Université de Bretagne occidentale

L’atelier professionnel du Séminaire et atelier Tony Garnier, ou la genèse des formations en urbanisme : le cas de l’atelier « Metz-Nancy, métropole d’équilibre » (1964-65), Riurba no 11, janvier 2021.
URL : https://www.riurba.review/article/11-atelier-1/tony-garnier/
Article publié le 1er oct. 2022

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Amandine Diener
Article publié le 1er oct. 2022
  • Abstract
  • Résumé

The professional workshop of the Séminaire et atelier Tony Garnier (SATG) or the genesis of training in urban planning. The case of the workshop « Metz-Nancy, métropole d’équilibre » (1964-65)

Founded in 1961 under the leadership of Robert Auzelle (1913-1983) and André Gutton (1904-2002), the Séminaire et atelier Tony Garnier (SATG) was an original experiment in urban planning training that reflects a renewal of educational practices dictated by the professional environment, in a context marked by the turbulence of the end of the “beaux-arts” system. Multidisciplinary and professionalizing, the training sets the stage for future urban planning institutes created in the early 1970s, by combining “research seminars” with “urban planning workshops” sponsored by public administrations or authorities. The example of the workshop “Metz-Nancy, métropole d’équilibre”, carried out in 1964-1965, confirms the anchoring of the work carried out in a topical of the national policy of territorial development and reveals the workshop as a laboratory of experimenting with urban planning practices.

Fondé en 1961 sous la férule de Robert Auzelle (1913-1983) et d’André Gutton (1904-2002), le Séminaire et atelier Tony Garnier (SATG) constitue une expérience originale de formation à l’urbanisme, qui traduit un renouvellement des pratiques pédagogiques dicté par le milieu professionnel, dans un contexte marqué par les turbulences de la fin du système beaux-arts. Pluridisciplinaire et professionnalisante, la formation pose les jalons des futurs instituts d’urbanisme créés au début des années 1970, en conciliant des « séminaires de recherches » à des « ateliers d’urbanisme » commandités par des administrations ou collectivités publiques. L’exemple développé de l’atelier « Metz-Nancy, métropole d’équilibre », réalisé en 1964-1965, confirme l’ancrage des travaux menés dans une actualité de la politique nationale d’aménagement territorial et révèle l’atelier comme un laboratoire d’expérience de pratiques urbanistiques.

Cet encadré technique n’est affiché que pour les administrateurs
post->ID de l’article : 430 • Résumé en_US : 2454 • Résumé fr_FR : 2451 •

Introduction

L’atelier constitue aujourd’hui l’un des piliers de l’enseignement dispensé au sein des instituts d’urbanisme en France et, plus largement, des formations accréditées par l’APERAU (Association pour la Promotion de l’Enseignement et la Recherche en Aménagement et Urbanisme). Si ce mode pédagogique a davantage fait l’objet de recherche dans le monde anglophone, particulièrement depuis les années 1980 (Bastin et Scherrer, 2018[1]Bastin A, Scherrer F. (2018). « Note de recherche – La pédagogie de l’atelier en urbanismeRiurba, n° 5.), en soulignant la généalogie commune avec l’atelier d’architecture (Long, 2012[2]Long JG. (2012). « Stage of the Studio: revisiting the potential of studio pedagogy in US-based planning programs », Journal of Planning Education and Research, n° 32(4), p. 431-448.) et les vertus de sa dimension pratique (Heumann et Wetmore, 1984[3]Heumann LF, Wetmore LB. (1984). « A partial history of planning workshops: The experience of ten schools from 1955 to 1984 », Journal of Planning Education and Research, n° 4(2), p. 120-130.) et expérimentale (Rosier, Slade et Perkins, 2016[4]Rosier J, Slade C, Perkins T et al.(2016). « The benefits of embedding experiential learning in the education of planners », Planning Practice and Research, n° 31(5), p. 486-499.), peu de recherches en ont à ce jour interrogé la genèse. Pour le cas français, les recherches ont porté sur l’Institut d’Urbanisme de l’Université de Paris (IUUP), l’établissement demeuré pendant longtemps l’unique centre de formation des urbanistes en France, afin d’en retracer l’histoire à travers ses figures fondatrices ou influentes (Baudoui, 1988[5]Baudoui R. (1988). La naissance de l’École des Hautes Études Urbaines et le premier enseignement de l’urbanisme en France, des années 1910 aux années 1920, Paris, ARDU/École d’architecture Paris-Villemin. ; Busquet et al., 2005[6]Busquet G, Carriou C, Coudroy de Lille L. (2005). Un ancien institut… Une histoire de l’Institut d’urbanisme de Paris, Créteil, université de Paris XII, Val-de-Marne.), ou encore les diplômes qui y ont été soutenus (Matus Carrasco, 2018[7]Matus Carrasco D. (2018). « Diplômes et diplômés en urbanisme : Paris 1919-1969 », thèse en architecture et aménagement de l’espace, sous la direction de J.-P. Frey à l’université de Nanterre-Paris X [En ligne). Depuis ces recherches pionnières engagées notamment par Rémi Baudoui à la fin des années 1980, d’autres, plus récemment, ont mis la lumière sur des instituts spécifiques, comme celui de Grenoble (Buyck, Martin, Prévot, Romano, 2018[8]Buyck J, Martin S, Prévot M, Romano F. (2018). « Genèse des formations en urbanisme en France : Grenoble, un “laboratoire urbain” pas comme les autres ? », Territoire en mouvement, n° 39-40 [En ligneDOI), offrant au détour de perspectives historiques des éclairages sur le caractère expérimental de cette structure, où le projet pédagogique a été façonné à l’aune d’un contexte urbanistique – local et global – déterminant. D’autres, comme un retour d’expérience, ont analysé le caractère préprofessionnalisant d’ateliers de master commandités par la ville de Paris à l’École d’urbanisme de Paris (Gomes et Bognon, 2018[9]Gomes P, Bognon S. (2018). « L’atelier pédagogique en urbanisme : apport des commanditaires à l’apprentissage par problèmes appliqués », Territoire en mouvement,n° 39-40 [En ligneDOI).

Cet article propose de revenir sur l’expérience pédagogique du Séminaire et atelier Tony Garnier (SATG), à propos duquel la littérature demeure bien maigre (Cheneau-Deysine, 2018[10]Cheneau-Deysine G. (2018). « Le séminaire et atelier Tony Garnier, 1961-1974 : un enseignement appliqué de l’urbanisme à la confluence des Beaux-Arts et de l’Équipement », Colonnes, n° 34, p. 42-46. ; Diener, 2020a[11]Diener A. (2020a). « De l’École des beaux-arts aux Instituts d’urbanisme. Repenser l’enseignement par l’atelier au sein du Séminaire et atelier Tony Garnier (1961-1974) » [En ligne). Fondé en 1961 sous la férule de Robert Auzelle (1913-1983) et d’André Gutton (1904-2002), il marque l’aboutissement d’une longue démarche entreprise par ce dernier, dès 1953, à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts (ENSBA) pour introduire l’urbanisme dans les programmes d’enseignement et réinventer les fondements d’une pédagogie (Diener, 2020b[12]Diener A. (2020 b). « L’enseignement d’André Gutton. Une démarche construite entre l’Institut d’urbanisme de l’université de Paris et l’École des beaux-arts (1921-1974) », HEnsA20, cahier n° 8, p. 22-27 [En ligne) qui pose les jalons des futurs instituts créés au début des années 1970. Comment s’organisent la pédagogie et les savoirs au sein d’un atelier du SATG ? En quoi celui-ci constitue-t-il un format pédagogique innovant, voire un laboratoire de pratiques urbanistiques nouvelles ? Quel rapport est entretenu entre l’atelier et la profession, mais aussi entre le commanditaire, le corps enseignant et les élèves ? En quoi la pédagogie de l’atelier marque-t-elle une étape vers la professionnalisation ?

Le regard historique, privilégié pour cet article, permet, d’une part, de revenir sur la genèse de l’enseignement de l’urbanisme et de la pratique de l’atelier professionnel au SATG dans un contexte marqué par les turbulences de la fin du système Beaux-Arts et, d’autre part, d’interroger les vertus du format hybride séminaires/ateliers, compris comme un renouvellement nécessaire des pratiques pédagogiques dicté par le milieu professionnel. Parmi les neuf ateliers développés par le SATG en 13 ans d’activité, l’attention sera portée sur l’atelier « Metz-Nancy, métropole d’équilibre » qui, réalisé en 1964-65, s’inscrit dans une actualité de la politique nationale d’aménagement territorial et dans la continuité des réflexions engagées par Gutton entre 1937 et 1954 pour le plan d’aménagement de la ville de Nancy. À partir de documents sources – essentiellement des publications du SATG et des cours dispensés par A. Gutton et R. Auzelle[13]Pour les publications issues d’enseignements, citons notamment : Gutton A. (1952-1962). Conversations sur l’architecture. Cours professés à l’École nationale supérieure des beaux-arts, 5 t., Paris, Vincent, Fréal & Cie ; Auzelle R. (1967). Cours d’urbanisme à l’IUUP, Première année, intelligence du milieu et stratégie d’aménagement, t. 1, Paris, Vincent, Fréal & Cie. Pour les travaux menés dans le cadre du SATG, citons notamment : Auzelle R. (1974). « Séminaire et atelier Tony Garnier, 1961-1973 », Urbanisme, n° 142, p. 81-120 ; STG. (1961-1962). Les cahiers de l’atelier d’urbanisme, n° 8. Pour les métropoles d’équilibre et le cas de Metz-Nancy, citons notamment : Urbanisme. (1965), n° 89. – mis en regard de fonds d’archives qui renseignent plus largement le contexte pédagogique Beaux-Arts[14]Les archives de la section d’architecture de l’École des beaux-arts, aux Archives nationales, sous la série AJ/52. Ces archives ont été dépouillées dans le cadre de la thèse publiée de l’auteure : Diener A. (2022). Enseigner l’architecture aux Beaux-Arts (1863-1968). Entre réformes et traditions, Rennes, PUR, 422 p., cet exemple permet d’observer l’articulation entre pédagogie, action urbanistique et construction d’un savoir de l’urbain, mais aussi les perméabilités entre l’enseignement, la recherche et la profession. Il interroge plus largement les prémices d’un cadre pédagogique aujourd’hui structurant de la formation donnée au sein des instituts d’urbanisme et d’identifier les leviers qui, comme le souligne Carole Brandt, font historiquement de l’atelier un « pont entre communautés académique et professionnelle » (Brandt, 2013[15]Brandt C et al. (2013). « A Theoretical Framework for the Studio as a Learning Environment », International Journal of Technology and Design Education, n° 23(2), p. 329-348.). 

Le SATG et les vertus du système hybride séminaires/ateliers

Après une quinzaine d’années d’enseignement en binôme à l’IUUP, A. Gutton et R. Auzelle fondent le SATG pour développer une structure originale de formation à l’urbanisme. Pour concrétiser ce projet longuement mûri, ils se saisissent d’une occasion : un décret en préparation, qui structure le corps des urbanistes de l’État, dont feraient partie « des urbanistes élèves[16]Article 2 du décret n° 62-511 du 13 avril 1962, portant statut particulier du corps des urbanistes de l’État, Journal Officiel de la République Française du 19 avril 1962, p. 4087. ». Le SATG est administrativement hébergé à l’IUUP – il est demandé aux élèves de s’inscrire en 1ère année à l’IUUP pour accéder au SATG – et s’appuie sur un réseau d’enseignants communs avec l’ENSBA. Afin d’assurer l’autonomie de sa gestion administrative et pédagogique, il s’émancipe de ces institutions en prenant la forme inédite d’une association ayant pour but l’enseignement de l’urbanisme[17]Le conseil d’administration est composé de Georges Liet-Veaux, Eugène Beaudouin, Henri-Jean Calsat, Jean Canaux, Georges Meyer-Heine, Roger Millet et Robert Auzelle. Voir Gutton A (1952-62), op. cit., t. 2, p. 357.. Il en emprunte toutefois des pratiques pédagogiques : l’enseignement mutuel en atelier des Beaux-Arts, et les qualités d’un enseignement pluridisciplinaire de l’IUUP. C’est d’ailleurs au sein de cet établissement qu’une tentative avait été faite, dès 1937 par Gaston Bardet (1907-1989), de fonder un atelier supérieur d’urbanisme appliqué, qui encourageait le travail collectif de terrain sur commande réelle[18]Après la Seconde Guerre mondiale, Bardet ne parvient pas à imposer la formule d’atelier d’urbanisme appliqué en France métropolitaine, ni même à Alger, où il fonda l’Institut d’urbanisme de l’université d’Alger, en 1945 ; il la développa davantage à l’Institut international et supérieur d’urbanisme appliquée (actuel ISURU), entre 1947 et 1977..

La formation au sein du SATG, qui échappe à un système traditionnel d’enseignement, constitue une alternative à la vacuité du système pédagogique de l’ENSBA[19]De nombreux élèves de l’École des beaux-arts dénoncent, notamment dans les années 1950, le caractère désuet des sujets de concours d’émulation auxquels ils doivent répondre durant leur scolarité, ainsi que l’absence d’un enseignement de l’urbanisme. Pierre Dufau (1908-1985) en témoigne notamment dans son récit : Dufau P. (1989). Un architecte qui voulait être architecte, Paris, Londreys. en développant la culture urbanistique par le biais de nouvelles modalités. En première année, l’enseignement s’organise autour de « séminaires de recherches[20]Les thèmes des séminaires de recherche développés lors de la première année d’étude au SATG, de 1962-63 à 1967-68, sont : la rénovation urbaine (1962-63), la locomotion terrestre routière (1963-64), les migrations alternantes (1964-65), propos sur le logis (1965-66), l’espace (1966-67), les densités (1967-68).» et, en deuxième année, propose des « ateliers professionnels d’urbanisme[21]Les thèmes des missions et travaux confiés à l’atelier lors de la seconde année d’étude au SATG, de 1961-62 à 1971-72, sont : la zone de la Défense (1961-62), le quartier des Halles à Paris (1962-63), la région de Paris et l’utilisation future de l’aéroport du Bourget (1963-64), Metz-Nancy, métropole d’équilibre (1964-65), Dijon et sa région (1965-66), La haute vallée de l’Oise (1966-67), L’aménagement de la région forestière des Yvelines (1968-69), L’aménagement d’un secteur parisien (gare du Nord et gare de l’Est) (1969-70), Banlieue nord de Paris (1971-72).» (figure 1) commandités par des administrations ou collectivités publiques qui permettent, par le biais de contrats, de financer l’achat de matériel et d’organiser des voyages d’études à l’étranger (figure 2).

Figure 1. Schéma de l’organisation de la formation au SATG (source : À partir d’un document issu de SIAF / Cité de l’architecture et du patrimoine / Archives d’architecture du XXe siècle, 242 IFA 54).
Figure 2. Localisation des voyages d’études organisés dans le cadre de la formation au SATG, entre 1966 et 1972 (source : © Urbanisme, 1974, n° 142, « Enseignement de l’urbanisme. SATG 1961-1973 »,  p. 118).

Ce renouvellement des pratiques est jugé nécessaire par Gutton et Auzelle qui veulent former « des hommes de collaboration efficace » et développer auprès des élèves « la notion exacte de leurs responsabilités professionnelles » (Auzelle, 1974[22]Auzelle R. (1974). « Séminaire et atelier Tony Garnier, 1961-1973 », Urbanisme, n° 142, p. 81-120.). Surtout, ils introduisent le lien qu’ils estiment fondamental entre enseignement, profession et recherche. Si, comme le souligne Vivianne Claude, le séminaire constitue une « expérience importante de l’histoire de l’enseignement de l’urbanisme » (Claude, 2006, p. 166[23]Claude V. (2006). Faire la ville. Les métiers de l’urbanisme au XXe siècle, Paris, Parenthèses.) et qu’il offre aux élèves un contact avec un corps enseignant éclectique[24]Au cours de ces 13 années d’activité, le SATG a mobilisé 114 personnalités pour les conférences et études en atelier, parmi lesquelles Françoise Choay, Pierre Merlin, Paul-Henry Chombart de Lauwe (1913-1998), voire même Ionel Schein (1927-2004)…, c’est-à-dire un corps enseignant éclectique : tant des universitaires que des praticiens, des sociologues, des architectes, voire même des personnalités impliquées dans l’administration, comme André Prothin., les ateliers sont l’occasion de mener des recherches collectives, in situ, largement inspirées de la démarche geddesienne. Contrairement à la pédagogie Beaux-Arts, qui prône la rapidité d’exécution d’une esquisse selon un parti de composition, le travail graphique s’amorce tardivement, au terme d’une longue phase d’échanges et d’essais, et se trouve relayé dans la presse spécialisée. Si la formation reste orpheline de toute reconnaissance officielle – il n’existe pas de diplôme délivré au terme des deux années d’études –, elle séduit toutefois de nombreux élèves en récoltant les bénéfices d’un contexte – politico-intellectuel et institutionnel – favorable à la planification urbaine[25]Citons la Loi d’orientation foncière de 1967, qui institue le principe de l’élaboration conjointe des nouveaux documents d’urbanisme réglementaires : le Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme, et le Plan d’occupation des sols..

« Metz-Nancy, métropole d’équilibre » (1964-65) :
un atelier professionnel équivoque

Les problématiques abordées en ateliers sont le reflet de celles portées par le ministère de tutelle et émanent des réseaux constitués par les enseignants[26]Le premier contrat d’atelier – l’aménagement du territoire situé dans le prolongement de la Défense – est signé avec André Prothin (1902-1971), directeur général de l’Établissement Public pour l’Aménagement de la région de La Défense (EPAD) et ancien directeur de l’administration centrale de l’Équipement, où travaillait André Gutton. Voir Gutton A. (1952-62), op. cit., t. 2, p. 359.. En 1964-1965, le quatrième atelier professionnel, « Metz-Nancy, Métropole d’équilibre », porte pour la première fois sur la province. Il est, d’une part, l’expression d’un état de la pensée urbanistique française, particulièrement les réflexions lancées par la jeune Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR) – créée l’année précédente –, qui préconise le développement en priorité de huit métropoles d’équilibre[27]Il s’agit de Lyon-Saint-Étienne, Marseille-Aix, Toulouse, Bordeaux, Nantes-Saint-Nazaire, Lille-Roubaix-Tourcoing, Strasbourg et Nancy-Metz. Selon Olivier Guichard (1920-2004), délégué à l’Aménagement du territoire et à l’Action régionale, les huit villes sont choisies selon les critères de forte densité humaine spontanément constituée et de la présence de services ou activités supérieures. Voir Guichard O. (1965). « Introduction », Urbanisme, n° 89, p. 5. (figure 3). Il traduit, d’autre part, l’attachement de Gutton à ce territoire : nancéien d’origine, il a travaillé, avec Joseph Marrast (1881-1971), au plan d’aménagement de la ville de Nancy, de 1937 à 1954. Comme le souligne Rose-Marie Dion, ces derniers souhaitent dépasser le plan d’aménagement de la ville pour réaliser un projet régional d’urbanisme de la région de Nancy, alors encline à l’instabilité de ses activités industrielles (Dion, 1974[28]Dion RM. (1974). « Effets des processus volontaristes dans la formation d’une région urbaine : Nancy et les plans d’aménagement et d’extension dans la première moitié du XXe siècle », Revue Géographique de l’Est, t. 14, n° 3-4, p. 245-311.). Pour répondre au groupement d’urbanisme du « grand Nancy[29]Le groupement d’urbanisme de Nancy (dit alors « régional »), composé de 14 communes, est créé par le décret du 19 février 1937, à la suite du décret-loi du 25 juillet 1935 relatif à la création de projets régionaux d’urbanisme.», ils prévoient le renfort d’équipements tertiaires – notamment le centre hospitalier et universitaire –, la définition de nouveaux tracés de transports – notamment une autoroute militaire de contournement de Nancy[30]Ibid., p. 300. – et, au titre du zonage, l’établissement d’une zone industrielle du canal à la Meurthe. Si leur projet de cité lorraine sert le cadre des dispositions de la loi du 15 juin 1943, il ne sera pas approuvé après la guerre par le Comité national d’urbanisme, qui pointe l’imprécision de nombreuses données. Démissionnaires, André Gutton et Joseph Marrast sont remplacés en 1956 par l’architecte-urbaniste lyonnais Charles Delfante (1926-2012), nommé par le ministère de la Construction pour mener à bien l’étude du plan d’aménagement de la ville. Jeune diplômé de l’ENSBA et connu pour avoir signé le premier plan d’urbanisme de Firminy, dit « Firminy vert », Charles Delfante doit cette nomination à Robert Auzelle, qui n’est autre que son ancien professeur à l’IUUP (Delfante et Dally-Martin, 1994, p. 28[31]Delfante C, Dally-Martin A. (1994). Cent ans d’urbanisme à Lyon, Lyon, Ed. Lyonnaises d’art et d’histoire.). Encouragée par le décret de 1958 relatif aux Zones à Urbaniser en Priorité (ZUP)[32]Décret n° 58-1464 du 31 décembre 1958 relatif aux Zones à urbaniser en priorité., son action s’inscrit dans la politique volontariste d’aménagement du territoire[33]La cité du Haut-du-Lièvre est l’une de ses réalisations les plus emblématiques.. En 1964, le rapport Hautreux-Rochefort[34]Hautreux J, Rochefort M. (1964). « Les métropoles et la fonction régionale dans l’armature urbaine française », Construction-Aménagement, n° 17, 38 p. inaugure une politique destinée à aider au rééquilibrage du territoire national et à repenser la hiérarchie de l’armature urbaine (Bloch-Lainé, 1965[35]Bloch-Lainé F. (1965). « Justification des choix », Urbanisme, n° 89, p. 6.). André Gutton et Robert Auzelle se saisissent de ce nouveau chapitre de l’urbanisation nancéienne pour fonder l’atelier professionnel du SATG de l’année 1964-65.

Figure 3. Esquisse représentant les métropoles d’équilibre du territoire français imaginées par la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (source : © Urbanisme, 1965, n° 89, p. 3).

Urbanisme de recherche et quête d’indépendance doctrinale

Les élèves de 2e année du SATG se voient confier, par la DATAR et la Direction de l’aménagement foncier et de l’urbanisme du ministère de la Construction, l’atelier « Metz-Nancy, métropole d’équilibre ». Anticipant les critiques qui pourraient être formulées à l’encontre de ce dispositif d’atelier commandé et financé par l’État central, Robert Auzelle précise qu’il ne se substitue pas à des « urbanistes privés ou à des bureaux d’études » mais formule des hypothèses d’aménagement susceptibles « d’aider l’administration à définir son programme » et favoriser la création de la métropole lorraine prévue dans la planification nationale (Auzelle, 1965[36]Auzelle R. (1965). « Contribution à l’établissement d’un programme pour la métropole lorraine », Urbanisme, n° 89, p. 50.). Ce premier effort d’imagination se veut résolument pratique, puisque les études ont vocation à servir de base à des travaux ultérieurs, notamment économiques, afin de fonder une orientation ou des choix sur des données chiffrées.

Le binôme Nancy-Metz[37]« Aménagement du territoire. Métropoles d’équilibre et aires métropolitaines », 7 vol. Voir vol. IV, OREAM Metz-Nancy-Thionville. Données et orientations pour l’aménagement d’une métropole Lorraine, Paris, La documentation française, 1969,78 p. place le modèle métropolitain dans une perspective polycentrique et constitue un pari politique pour ces villes voisines : leur division entraîne des rivalités et l’impossibilité d’une programmation intégrée d’un espace urbain commun ; à l’inverse, leur union peut faire naître une communauté nouvelle (Antoine et Weill, 1976, p. 18[38]Antoine S, Weill G. (1965). « Les métropoles d’équilibre et leurs régions », Urbanisme, n° 89.). Le cas de la Lorraine est en cela emblématique, car l’absence d’un « centre de gravité » – due à des facteurs historiques (Dion, 1974[39]Op. cit.) et géographiques (Vidal de la Blache, 1917[40]Vidal de La Blache P. (1917). La France de l’Est (Lorraine, France), Paris, Armand Colin, 280 p.) – se traduit par la dualité des centres d’attraction de Metz et Nancy, qu’un projet métropolitain tente de réunir.

Les élèves complètent l’analyse des documents d’urbanisme par des enquêtes et relevés in situ. Cette démarche de travail encourage la constitution de groupes pluridisciplinaires, car le SATG recrute des élèves diplômés issus d’horizons variés (sociologie, géographie, architecture…) dont certains, comme les architectes sortis de l’ENSBA, comptent déjà près d’une dizaine d’années d’études à leur actif et, très souvent, une expérience professionnelle (la durée des études imposait en effet aux jeunes gens de « gratter en agence » pour subvenir aux besoins de leurs familles). Elle les invite par ailleurs à coordonner un travail d’enquêtes propice à la définition d’un thème d’étude et l’émission d’hypothèses d’aménagement. Selon Robert Auzelle et André Gutton, cette manière de faire, « non conformiste et d’un style nouveau » (Dion, 1974[41]Op. cit.), aboutit à des résultats encourageants. Contrairement à l’ENSBA, où les rendus s’effectuent par atelier, des séances collectives sont régulièrement organisées afin de favoriser l’esprit critique entre les équipes. Les enseignants engagent des débats d’égal à égal avec les élèves, bouleversant ainsi le traditionnel rapport de maître à élève. Ils interviennent par ailleurs davantage dans le domaine intellectuel que graphique, afin de laisser aux jeunes gens une large autonomie de recherche et d’expression. Enfin, les restitutions finales, organisées en séance publique – face aux élus et aux commanditaires (figure 4) – constituent un temps fort, tant sur le plan pédagogique que professionnel. Là encore, les débats sont encouragés pour consolider le développement du projet, là où, aux Beaux-Arts, les séances de jugement s’effectuent à huis-clos par les membres du jury, sans personnalités extérieures, et ne donnant lieu à aucune explication, ni aux lauréats ni aux élèves éliminés.

Figure 4. André Gutton et Robert Auzelle à la mairie de Boulogne-Billancourt à l’occasion de l’exposition de travaux du SATG, en 1971 (source : SIAF / Cité de l’architecture et du patrimoine / Archives d’architecture du XXe siècle, 242 IFA 54).

Contributions à l’établissement d’un programme pour la métropole lorraine

Au terme d’une année de travail, sept propositions sont formulées et publiées dans un dossier spécial de la revue Urbanisme[42]Dossier « Contribution à l’établissement d’un programme pour la métropole lorraine, par le Séminaire et atelier Tony Garnier », Urbanisme, 1965, n°89, « Métropoles d’équilibre », p. 60-61. consacré aux métropoles d’équilibre. Malgré leur diversité, plusieurs orientations communes s’esquissent : situer la réflexion dans un contexte européen afin de tirer le meilleur parti possible du territoire transfrontalier ; élargir la zone intéressée par la métropole pour créer des communautés « à l’échelle de l’homme » (Auzelle, 1965[43]Auzelle R. (1965). « Premières conclusions », Urbanisme, n° 89, p. 59.) essentiellement basées sur le couple habitat/travail ; et révéler les beautés d’un paysage souvent méconnu. Ces propositions diffèrent cependant dans leurs échelles d’intervention et stratégies de développement. Certaines[44]Notamment l’équipe « Une métropole en quatre centres ». considèrent Sarrebruck et Sarrelouis comme un noyau complémentaire de la métropole (figure 6) ; d’autres[45]Notamment l’équipe « Groupement de noyaux urbains à équipements supérieurs complémentaires ». envisagent plutôt le développement d’une région urbaine incorporant Thionville, Lunéville et Toul (figure 5) ; d’autres encore[46]Notamment l’équipe « Organisation linéaire à fonctions multiples avec accroissement des villages ». accordent une importance à la ville de Pont-à-Mousson pour les avantages liés à sa position centrale (figure 7). Les mêmes hésitations se manifestent dans la répartition des zones d’emplois. Certaines équipes[47]Notamment l’équipe « Organisation linéaire à fonctions multiples avec accroissement des villages ». envisagent de grouper les pôles de telle sorte qu’un moyen de réseau de transports métropolitain (autoroute et RER) assure les liaisons habitat/travail tandis que celles habitat/loisirs se feraient par un réseau de routes (figure 8). D’autres[48]Notamment l’équipe « Une métropole linéaire de deux millions d’habitants ». préconisent un chapelet de villes allant de 20 000 à 300 000 habitants, reliées entre elles par autoroute et métro suspendu (figure 9), certaines[49]Notamment les équipes « Métropole polynucléaire lorraine » et « Doublement démographique localisé : de la nébuleuse urbaine à la métropole régionale ». envisagent d’équilibrer l’épine dorsale de la vallée de la Moselle par le biais de noyaux urbains capables d’absorber l’accroissement démographique estimé à 70 000 habitants d’ici 20 ans (figures 10 et 11). Il y a là une série sous-jacente d’options fondamentales : marche à pied hygiénique entre l’habitat et le travail, transport en commun rationnellement organisé et créateur de temps libre, motorisation intensive et dispersion des lieux de résidence, d’activités et de loisirs. Enfin, c’est le rapport entre Nancy et Metz qui est envisagé. Si de nombreuses équipes accentuent leur spécificité – Nancy, ville universitaire et industrielle, et Metz, ville d’affaire et capitale régionale – d’autres[50]Notamment l’équipe « fédération de groupements urbains et d’un parc régional ». envisagent leur complémentarité (figure 12), voire leur union (figure 5), effaçant ainsi leurs rivalités stériles en créant un ensemble de noyaux urbains qui accueilleraient des équipements supérieurs complémentaires tout en assumant leur caractère particulier[51]Notamment l’équipe « Groupement de noyaux urbains à équipements supérieurs complémentaires », qui envisage Metz comme centre d’affaires et commercial, Gorze comme centre d’accueil et hôtellerie, Pagny comme manifestations artistiques, Vandières comme pôle administratif central, Pont-à-Mousson comme équipement social et hospitalier, Dieulouard comme loisirs et sports, Foret de Haye comme réserve naturelle et parc, et Liverdun-Nancy comme université et centre de recherche..

Figure 5. « Metz-Nancy, métropole d’équilibre », atelier du SATG, 1964-65. Hypothèse 6 : « Groupement de noyaux urbains à équipements supérieurs complémentaires », par l’équipe composée de P. Aguttes, F. Calsat, B. Fonquernie, L-P. Lachaud, P. Delalieu (source : © Urbanisme, 1965, n° 89, p. 57).
(À g.) Figure 6. « Metz-Nancy, métropole d’équilibre », atelier du SATG, 1964-65. Hypothèse 7 : « Une métropole en quatre centres », par l’équipe composée de F. Peterhansel, N. Franguiadakis, J. Falise (source : © Urbanisme, 1965, n° 89, p. 58).
(À dr.) Figure 7. « Metz-Nancy, métropole d’équilibre », atelier du SATG, 1964-65. Hypothèse 4 : « Organisation linéaire à fonctions multiples avec accroissement des villages », par l’équipe composée de J-P. Hardy, L. Dolfus, V. Morabia, puis H-J. Maisonneuve, É. Pamart (source : © Urbanisme, 1965, n° 89, p. 55).
(En bas) Figure 8. Hypothèse 4, schéma des relations habitat-travail et habitat-loisirs.
(À g.) Figure 9. « Metz-Nancy, métropole d’équilibre », atelier du SATG, 1964-65. Hypothèse 2 : « Une métropole linéaire de deux millions d’habitants », par l’équipe composée de G. Bauer, F. Doat, G. Garcia, J. Nadaud, I. Tchen (source : © Urbanisme, 1965, n° 89, p. 52).
(À dr.) Figure 10. « Metz-Nancy, métropole d’équilibre », atelier du SATG, 1964-65. Hypothèse 1 : « Métropole polynucléaire lorraine », par l’équipe composée de P-A. Kobakhidze, R. Legras, V. Melchoff, C. Moyat et J. Noizette (source : © Urbanisme, 1965, n° 89, p. 51).
(À g.) Figure 11. « Metz-Nancy, métropole d’équilibre », atelier du SATG, 1964-65. Hypothèse 3 : « Doublement démographique localisé : de la nébuleuse urbaine à la métropole régionale », par l’équipe composée J-J. de Alzua, R. Helmi, R. Chaix, A. Yehia (source : © Urbanisme, 1965, n° 89, p. 53).
(À dr.) Figure 12. « Metz-Nancy, métropole d’équilibre », atelier du SATG, 1964-65. Hypothèse 5 : « Fédération de groupements urbain et d’un parc régional », par l’équipe composée de A. Fort, D. Gojon, D. Payan, D. Ricou (source : © Urbanisme, 1965, n° 89, p. 56).

Les travaux d’élèves sont exposés à deux reprises, à Metz et à Nancy. Selon Auzelle, ils sont salués par les élus, qui soulignent combien les hypothèses présentées encouragent la métropole lorraine à participer « plus activement à la puissance européenne » (Auzelle, 1965[52]Op. cit.). Si, à Metz, les travaux du SATG font croire à la réalisation de fiançailles espérées avec Nancy, l’adhésion aurait cependant été moins nette auprès des élus nancéiens, qui perçoivent l’altération du projet métropolitain annoncé par la DATAR.

La préférence des enseignants R. Auzelle et A. Gutton va à l’hypothèse « Une métropole en quatre centres » (figure 6) car elle constitue « le point de départ d’une organisation administrative en profondeur effaçant les coupures du passé en libérant ces régions de tous complexes et orientant résolument vers l’avenir » (idem). La multiplication de centres urbains effacerait les vicissitudes historiques qui ont divisé la Lorraine par l’organisation de pôles rivaux. Le triptyque habitat/culture/loisirs constituerait un élément essentiel de l’organisation d’une ville polynucléaire de 150 000 habitants à densité variable, accueillant des équipements supérieurs à l’échelle de la métropole et à proximité d’un parc régional de tourisme dans la vallée mosellane. Nancy et Sarrebruck accueilleraient les fonctions tertiaires et universitaires, tandis que Metz développerait sa vocation commerciale et d’affaires. La restructuration des zones industrielles existantes rendrait à la Lorraine son appartenance au groupe des bassins miniers ouest-européens, et le développement des équipements de grands axes de circulations, reliés à un aérodrome européen, lui assurerait une position privilégiée au carrefour des grands courants d’échanges. Cette proposition, qui ne tient pas compte des limites administratives des départements et des frontières, fait toutefois rêver R. Auzelle. Parce qu’elle « permet de mieux apprécier […] l’inadaptation de notre arsenal législatif et le vieillissement de nos structures » ; il y voit même la possibilité d’un « Brasilia Lorrain » (idem).

Conclusion

Le SATG constitue une expérience singulière de formation à l’urbanisme – un établissement de formation prenant la forme d’une association financée par des contrats de l’État –, dont la genèse doit être comprise dans l’épaisseur d’un contexte professionnel qui se structure et en lien avec un système d’enseignement Beaux-Arts en crise. Il s’assigne comme mission, particulièrement à travers les ateliers professionnels d’urbanisme, non pas de créer des « urbanologues » (Gohier, 1974[53]Gohier J. (1974). « Former des professionnels », Urbanisme, n° 142, p. 76.), c’est-à-dire des spécialistes éminents d’une seule discipline scientifique, mais des planificateurs capables de s’emparer, par le biais de la recherche, de problèmes d’aménagement complexes. Plus largement, la pratique des ateliers professionnels au SATG participe de la structuration d’une discipline qui, comme le soulignait Georges Meyer-Heine (1905-1984) à l’institut d’aménagement régional d’Aix-en-Provence, s’apparente à une science, analytique, descriptive et synthétique des diverses connaissances permettant d’appréhender l’urbanisation sous toutes ses formes, à une pratique destinée à gérer la cité en fonction des textes en vigueur et de méthodes règlementaires, et enfin à une politique, c’est-à-dire une action résultant d’une stratégie et débouchant sur des objectifs à long terme mûrement choisis (Meyer-Heine, 1974[54]Meyer-Heine G. (1974). « Réflexions sur une pédagogie de l’aménagement », Urbanisme, n° 142, p. 69.).

Le cas particulier de l’atelier « Metz-Nancy, métropole d’équilibre » illustre le mécanisme d’élaboration des sujets d’ateliers par A. Gutton et R. Auzelle – activer des réseaux professionnels et s’emparer d’une politique publique d’aménagement en débat – mais il questionne également la dépendance du SATG vis-à-vis de l’État et de ses phases d’aménagement volontariste. Cela occasionne une mise en situation pédagogique et professionnelle inédite que des entretiens auprès d’anciens élèves – en l’absence d’archives pédagogiques – permettraient de confirmer. Quant à l’impact des travaux menés sur les villes de Metz et de Nancy, il faut noter que la politique d’expansion, conduite dès 1973, aboutit à la création d’une région urbaine nancéienne – déjà pensée par A. Gutton et J. Marrast dans les années 1930 – qui intègre les sièges d’arrondissement de Toul, Nancy, Lunéville, et correspond au pôle sud d’une aire métropolitaine Metz-Nancy[55]Cohen J. (2002). « Métropoles d’équilibre », Strates, hors-série [En ligne. Mais si, en 2011, le pôle métropolitain du Sillon lorrain[56]Gingembre J. (2018). « Le Sillon Lorrain : quelle recomposition territoriale dans un espace multipolaire ? », Carnets de géographes, n° 11 [En ligneDOI regroupe les intercommunalités d’Épinal, de Nancy, de Metz et de Thionville, en 2016 et en 2018, la communauté urbaine du Grand Nancy et la communauté d’agglomération de Metz ont atteint le statut de métropole, mettant fin à un projet commun métropolitain tel qu’il a été envisagé depuis les années 1960.


[1] Bastin A, Scherrer F. (2018). « Note de recherche – La pédagogie de l’atelier en urbanisme : une revue de la littérature scientifique internationale », Riurba, n° 5.

[2] Long JG. (2012). « Stage of the Studio: revisiting the potential of studio pedagogy in US-based planning programs », Journal of Planning Education and Research, n° 32(4), p. 431-448.

[3] Heumann LF, Wetmore LB. (1984). « A partial history of planning workshops: The experience of ten schools from 1955 to 1984 », Journal of Planning Education and Research, n° 4(2), p. 120-130.

[4] Rosier J, Slade C, Perkins T et al.(2016). « The benefits of embedding experiential learning in the education of planners », Planning Practice and Research, n° 31(5), p. 486-499.

[5] Baudoui R. (1988). La naissance de l’École des Hautes Études Urbaines et le premier enseignement de l’urbanisme en France, des années 1910 aux années 1920, Paris, ARDU/École d’architecture Paris-Villemin.

[6] Busquet G, Carriou C, Coudroy de Lille L. (2005). Un ancien institut… Une histoire de l’Institut d’urbanisme de Paris, Créteil, université de Paris XII, Val-de-Marne.

[7] Matus Carrasco D. (2018). « Diplômes et diplômés en urbanisme : Paris 1919-1969 », thèse en architecture et aménagement de l’espace, sous la direction de J.-P. Frey à l’université de Nanterre-Paris X [En ligne].

[8] Buyck J, Martin S, Prévot M, Romano F. (2018). « Genèse des formations en urbanisme en France : Grenoble, un “laboratoire urbain” pas comme les autres ? », Territoire en mouvement, n° 39-40 [En ligne] [DOI]

[9] Gomes P, Bognon S. (2018). « L’atelier pédagogique en urbanisme : apport des commanditaires à l’apprentissage par problèmes appliqués », Territoire en mouvement,n° 39-40 [En ligne] [DOI]

[10] Cheneau-Deysine G. (2018). « Le séminaire et atelier Tony Garnier, 1961-1974 : un enseignement appliqué de l’urbanisme à la confluence des Beaux-Arts et de l’Équipement », Colonnes, n° 34, p. 42-46.

[11] Diener A. (2020a). « De l’École des beaux-arts aux Instituts d’urbanisme. Repenser l’enseignement par l’atelier au sein du Séminaire et atelier Tony Garnier (1961-1974) » [En ligne].

[12] Diener A. (2020 b). « L’enseignement d’André Gutton. Une démarche construite entre l’Institut d’urbanisme de l’université de Paris et l’École des beaux-arts (1921-1974) », HEnsA20, cahier n° 8, p. 22-27 [En ligne].

[13] Pour les publications issues d’enseignements, citons notamment : Gutton A. (1952-1962). Conversations sur l’architecture. Cours professés à l’École nationale supérieure des beaux-arts, 5 t., Paris, Vincent, Fréal & Cie ; Auzelle R. (1967). Cours d’urbanisme à l’IUUP, Première année, intelligence du milieu et stratégie d’aménagement, t. 1, Paris, Vincent, Fréal & Cie. Pour les travaux menés dans le cadre du SATG, citons notamment : Auzelle R. (1974). « Séminaire et atelier Tony Garnier, 1961-1973 », Urbanisme, n° 142, p. 81-120 ; STG. (1961-1962). Les cahiers de l’atelier d’urbanisme, n° 8. Pour les métropoles d’équilibre et le cas de Metz-Nancy, citons notamment : Urbanisme. (1965), n° 89.

[14] Les archives de la section d’architecture de l’École des beaux-arts, aux Archives nationales, sous la série AJ/52. Ces archives ont été dépouillées dans le cadre de la thèse publiée de l’auteure : Diener A. (2022). Enseigner l’architecture aux Beaux-Arts (1863-1968). Entre réformes et traditions, Rennes, PUR, 422 p.

[15] Brandt C et al. (2013). « A Theoretical Framework for the Studio as a Learning Environment », International Journal of Technology and Design Education, n° 23(2), p. 329-348.

[16] Article 2 du décret n° 62-511 du 13 avril 1962, portant statut particulier du corps des urbanistes de l’État, Journal Officiel de la République Française du 19 avril 1962, p. 4087.

[17] Le conseil d’administration est composé de Georges Liet-Veaux, Eugène Beaudouin, Henri-Jean Calsat, Jean Canaux, Georges Meyer-Heine, Roger Millet et Robert Auzelle. Voir Gutton A (1952-62), op. cit., t. 2, p. 357.

[18] Après la Seconde Guerre mondiale, Bardet ne parvient pas à imposer la formule d’atelier d’urbanisme appliqué en France métropolitaine, ni même à Alger, où il fonda l’Institut d’urbanisme de l’université d’Alger, en 1945 ; il la développa davantage à l’Institut international et supérieur d’urbanisme appliquée (actuel ISURU), entre 1947 et 1977.

[19] De nombreux élèves de l’École des beaux-arts dénoncent, notamment dans les années 1950, le caractère désuet des sujets de concours d’émulation auxquels ils doivent répondre durant leur scolarité, ainsi que l’absence d’un enseignement de l’urbanisme. Pierre Dufau (1908-1985) en témoigne notamment dans son récit : Dufau P. (1989). Un architecte qui voulait être architecte, Paris, Londreys.

[20] Les thèmes des séminaires de recherche développés lors de la première année d’étude au SATG, de 1962-63 à 1967-68, sont : la rénovation urbaine (1962-63), la locomotion terrestre routière (1963-64), les migrations alternantes (1964-65), propos sur le logis (1965-66), l’espace (1966-67), les densités (1967-68).

[21] Les thèmes des missions et travaux confiés à l’atelier lors de la seconde année d’étude au SATG, de 1961-62 à 1971-72, sont : la zone de la Défense (1961-62), le quartier des Halles à Paris (1962-63), la région de Paris et l’utilisation future de l’aéroport du Bourget (1963-64), Metz-Nancy, métropole d’équilibre (1964-65), Dijon et sa région (1965-66), La haute vallée de l’Oise (1966-67), L’aménagement de la région forestière des Yvelines (1968-69), L’aménagement d’un secteur parisien (gare du Nord et gare de l’Est) (1969-70), Banlieue nord de Paris (1971-72).

[22] Auzelle R. (1974). « Séminaire et atelier Tony Garnier, 1961-1973 », Urbanisme, n° 142, p. 81-120.

[23] Claude V. (2006). Faire la ville. Les métiers de l’urbanisme au XXe siècle, Paris, Parenthèses.

[24] Au cours de ces 13 années d’activité, le SATG a mobilisé 114 personnalités pour les conférences et études en atelier, parmi lesquelles Françoise Choay, Pierre Merlin, Paul-Henry Chombart de Lauwe (1913-1998), voire même Ionel Schein (1927-2004)…, c’est-à-dire un corps enseignant éclectique : tant des universitaires que des praticiens, des sociologues, des architectes, voire même des personnalités impliquées dans l’administration, comme André Prothin.

[25] Citons la Loi d’orientation foncière de 1967, qui institue le principe de l’élaboration conjointe des nouveaux documents d’urbanisme réglementaires : le Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme, et le Plan d’occupation des sols.

[26] Le premier contrat d’atelier – l’aménagement du territoire situé dans le prolongement de la Défense – est signé avec André Prothin (1902-1971), directeur général de l’Établissement Public pour l’Aménagement de la région de La Défense (EPAD) et ancien directeur de l’administration centrale de l’Équipement, où travaillait André Gutton. Voir Gutton A. (1952-62), op. cit., t. 2, p. 359.

[27] Il s’agit de Lyon-Saint-Étienne, Marseille-Aix, Toulouse, Bordeaux, Nantes-Saint-Nazaire, Lille-Roubaix-Tourcoing, Strasbourg et Nancy-Metz. Selon Olivier Guichard (1920-2004), délégué à l’Aménagement du territoire et à l’Action régionale, les huit villes sont choisies selon les critères de forte densité humaine spontanément constituée et de la présence de services ou activités supérieures. Voir Guichard O. (1965). « Introduction », Urbanisme, n° 89, p. 5.

[28] Dion RM. (1974). « Effets des processus volontaristes dans la formation d’une région urbaine : Nancy et les plans d’aménagement et d’extension dans la première moitié du XXe siècle », Revue Géographique de l’Est, t. 14, n° 3-4, p. 245-311.

[29] Le groupement d’urbanisme de Nancy (dit alors « régional »), composé de 14 communes, est créé par le décret du 19 février 1937, à la suite du décret-loi du 25 juillet 1935 relatif à la création de projets régionaux d’urbanisme.

[30] Ibid., p. 300.

[31] Delfante C, Dally-Martin A. (1994). Cent ans d’urbanisme à Lyon, Lyon, Ed. Lyonnaises d’art et d’histoire.

[32] Décret n° 58-1464 du 31 décembre 1958 relatif aux Zones à urbaniser en priorité.

[33] La cité du Haut-du-Lièvre est l’une de ses réalisations les plus emblématiques.

[34] Hautreux J, Rochefort M. (1964). « Les métropoles et la fonction régionale dans l’armature urbaine française », Construction-Aménagement, n° 17, 38 p.

[35] Bloch-Lainé F. (1965). « Justification des choix », Urbanisme, n° 89, p. 6.

[36] Auzelle R. (1965). « Contribution à l’établissement d’un programme pour la métropole lorraine », Urbanisme, n° 89, p. 50.

[37] « Aménagement du territoire. Métropoles d’équilibre et aires métropolitaines », 7 vol. Voir vol. IV, OREAM Metz-Nancy-Thionville. Données et orientations pour l’aménagement d’une métropole Lorraine, Paris, La documentation française, 1969,78 p.

[38] Antoine S, Weill G. (1965). « Les métropoles d’équilibre et leurs régions », Urbanisme, n° 89.

[39] Op. cit.

[40] Vidal de La Blache P. (1917). La France de l’Est (Lorraine, France), Paris, Armand Colin, 280 p.

[41] Op. cit.

[42] Dossier « Contribution à l’établissement d’un programme pour la métropole lorraine, par le Séminaire et atelier Tony Garnier », Urbanisme, 1965, n°89, « Métropoles d’équilibre », p. 60-61.

[43] Auzelle R. (1965). « Premières conclusions », Urbanisme, n° 89, p. 59.

[44] Notamment l’équipe « Une métropole en quatre centres ».

[45] Notamment l’équipe « Groupement de noyaux urbains à équipements supérieurs complémentaires ».

[46] Notamment l’équipe « Organisation linéaire à fonctions multiples avec accroissement des villages ».

[47] Notamment l’équipe « Organisation linéaire à fonctions multiples avec accroissement des villages ».

[48] Notamment l’équipe « Une métropole linéaire de deux millions d’habitants ».

[49] Notamment les équipes « Métropole polynucléaire lorraine » et « Doublement démographique localisé : de la nébuleuse urbaine à la métropole régionale ».

[50] Notamment l’équipe « fédération de groupements urbains et d’un parc régional ».

[51] Notamment l’équipe « Groupement de noyaux urbains à équipements supérieurs complémentaires », qui envisage Metz comme centre d’affaires et commercial, Gorze comme centre d’accueil et hôtellerie, Pagny comme manifestations artistiques, Vandières comme pôle administratif central, Pont-à-Mousson comme équipement social et hospitalier, Dieulouard comme loisirs et sports, Foret de Haye comme réserve naturelle et parc, et Liverdun-Nancy comme université et centre de recherche.

[52] Op. cit.

[53] Gohier J. (1974). « Former des professionnels », Urbanisme, n° 142, p. 76.

[54] Meyer-Heine G. (1974). « Réflexions sur une pédagogie de l’aménagement », Urbanisme, n° 142, p. 69.

[55] Cohen J. (2002). « Métropoles d’équilibre », Strates, hors-série [En ligne].

[56] Gingembre J. (2018). « Le Sillon Lorrain : quelle recomposition territoriale dans un espace multipolaire ? », Carnets de géographes, n° 11 [En ligne] [DOI]