frontispice

De la crise environnementale
à la reconstruction territoriale
Stratégies et tactiques de réemploi
de l’infrastructure ferroviaire
dans la vallée de la Roya

• Sommaire du no 13

Angelo Bertoni ENSA Strasbourg, AMUP Ornella Zaza Université Côte d’Azur, Transitions – Médias Savoirs Territoires

De la crise environnementale à la reconstruction territoriale : stratégies et tactiques de réemploi de l’infrastructure ferroviaire dans la vallée de la Roya, Riurba no 13, janvier 2022.
URL : https://www.riurba.review/article/13-crise/environnementale/
Article publié le 1er nov. 2023

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Angelo Bertoni, Ornella Zaza
Article publié le 1er nov. 2023
  • Abstract
  • Résumé

From environmental crisis to territorial reconstruction: Strategies and tactics for reusing railway infrastructure in the Roya Valley

The violent bad weather of October 2020 deeply damaged the territory of the Roya valley, an internal cross-border area between France and Italy. The Nice/Vintimille-Breil-Cuneo railway line, which crosses this mountain area, was the only infrastructure capable of responding to the emergency and has rekindled the debate on the reuse of stations, a significant heritage of the twentieth century, now largely abandoned. The article proposes to analyse and put into perspective the socio-spatial innovation experiences that allow the railway infrastructure to reveal itself as a territorial resource, capable of proposing new living practices in harmony with the built and natural environment.

Les violentes intempéries d’octobre 2020 ont profondément endommagé le territoire de la vallée de la Roya, une zone transfrontalière de montagne entre la France et l’Italie. La ligne ferroviaire Nice/Vintimille-Breil-Cuneo, qui traverse ce territoire, a été la seule infrastructure capable de répondre à l’urgence et a relancé le débat sur la réutilisation des gares, un patrimoine important du XXe siècle, aujourd’hui largement abandonné. L’article propose d’analyser et de mettre en perspective les expériences d’innovation sociospatiale qui permettent à l’infrastructure ferroviaire de se révéler comme une ressource territoriale, capable de proposer de nouvelles pratiques de vie en harmonie avec l’environnement bâti et naturel.

Cet encadré technique n’est affiché que pour les administrateurs
post->ID de l’article : 2306 • Résumé en_US : 2430 • Résumé fr_FR : 2426 •

Introduction

La nuit du 2 octobre 2020, la crue causée par la tempête Alex a dévasté la vallée de la Roya, située dans la partie orientale des Alpes-Maritimes, où les quelque 6 000 habitants des villages de Breil-sur-Roya, Saorge, Fontan, La Brigue et Tende se sont retrouvés isolés. Les réseaux d’eau et d’électricité ont été interrompus, de nombreuses sections de la route principale et une quinzaine de ponts ont été emportés, coupant les populations des ressources et services de base. L’exceptionnalité de cette crise environnementale a projeté ce territoire sur le devant de la scène nationale, remettant en même temps au cœur des débats en urbanisme les problématiques en matière de développement, d’aménagement et de mobilité durables, qui ont déterminé progressivement l’enclavement des territoires ruraux et de montagne.

La vallée de la Roya,
un territoire transfrontalier fragilisé

Le territoire traversé par le fleuve Roya chevauche le département des Alpes-Maritimes et la province d’Imperia (Italie) : le paysage méditerranéen de la basse vallée, avec ses terrasses d’oliviers entre Vintimille (Italie) et Breil-sur-Roya, laisse progressivement place aux falaises escarpées et aux villages perchés de Saorge, La Brigue et Tende. Ce territoire se situe en grande partie dans le parc national du Mercantour et possède, avec les gravures rupestres de la vallée des Merveilles et les nombreux sentiers de randonnée, un attrait touristique certain.

L’histoire de ce territoire est liée à celle des relations entre la France et l’Italie, et il a toujours joué un rôle stratégique de par sa position entre la Méditerranée et les Alpes, offrant une voie vers la riche vallée du Pô (Italie) et les pays au cœur de l’Europe. Jusqu’en 1860, l’ensemble de la vallée de la Roya appartient aux États de Savoie, et sa traversée est assurée par une route importante, devenue royale en 1815, qui permet de relier avec un service postal et voyageurs journalier la capitale, Turin, avec le port de Nice. Le rôle de cette route et de la vallée change à plusieurs reprises au cours du temps : d’abord, lors de l’annexion de la République de Gênes (1815), le lien entre Piémont et Méditerranée se décale vers la Ligurie ; ensuite, avec le Traité de Turin (1859) la nouvelle frontière franco-italienne s’établit entre Saorge et Tende. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, la vallée de la Roya se trouve ainsi divisée en trois parties : la basse et la haute vallée appartiennent à l’Italie, la moyenne vallée à la France. Cette situation change à nouveau en 1947, quand le traité de paix avec l’Italie redessine la frontière entre les deux pays et les cinq villages de Breil-sur-Roya, Saorge, Fontan, La Brigue et Tende deviennent français (Sanguin, 1983[1]Sanguin AL. (1983). « La bordure franco-italienne des Alpes-Maritimes ou les conséquences de la modification d’une frontière internationale », Méditerranée, n° 47-1, p. 17-25.). Dans l’après-guerre, ces villages connaissent le même déclin démographique et économique des autres territoires de montagne européens : l’économie pastorale et forestière, déjà impactée par le nouveau tracé de la frontière, est affectée par un important exode vers les bassins d’emploi du littoral, qui s’accentue avec l’essor du tourisme de masse sur la côte, entre Nice et Menton.

La ligne ferroviaire Nice/Vintimille-Breil-Cuneo,
une desserte internationale menacée 

Ces changements géopolitiques répétés ont affecté la construction de la ligne ferroviaire reliant Nice à Cuneo (Italie), dont les premières discussions remontent à la fin des années 1850 : au-delà des difficultés techniques représentées par le franchissement d’importants dénivelés par le biais de tunnels hélicoïdaux, le caractère transalpin de la ligne a nécessité la collaboration et la bonne entente entre les gouvernements français et italien. La ligne est enfin inaugurée le 31 octobre 1928 et immédiatement présentée comme ligne internationale : non seulement elle relie Nice et Vintimille à Turin, mais elle permet la desserte de Berne (Suisse) et, plus tard, celle de Bâle (Suisse) (Pardé, 1929[2]Pardé M. (1929). « La ligne Nice-Coni », Les Études rhodaniennes, n° 5-1, p. 165-167.).

Endommagée pendant la Deuxième Guerre mondiale, la ligne des « Deux Rivieras (Nice-Breil-Cuneo, 122 km et Vintimille-Breil-Cuneo, 68 km) » (Sanguin, 1983[3]Op. cit.) est rouverte en 1979, grâce à l’accord financier entre les gestionnaires français et italien, ce dernier prenant en charge la plupart des frais de reconstruction et d’entretien. La desserte ferroviaire permet des échanges importants jusqu’au début des années 2010, quand la convention partenariale est remise en cause pour des raisons financières et la cadence très fortement réduite.

La ligne ferroviaire a été la seule infrastructure de transport à résister à la catastrophe environnementale d’octobre 2020 et a permis pendant plusieurs mois d’accéder aux villages et de les ravitailler. Face à l’urgence, le train a assuré toutes les fonctions nécessaires : déplacement des personnes, approvisionnement en denrées alimentaires et en eau, évacuation des déchets, apport des engins de chantier pour les travaux de reconstruction. Certaines gares, et les terrains disponibles à proximité immédiate, ont été utilisés de différentes manières, renforçant des dynamiques déjà à l’œuvre autour de ces espaces longtemps délaissés. Ce renouvellement des usages a ravivé les mobilisations des habitants, société civile et élus, pour le maintien de cette ligne, pour repenser son mode de fonctionnement et réinvestir l’espace des gares, aujourd’hui sous-utilisé. Alors qu’elle était menacée de fermeture, cette ligne apparaît aujourd’hui comme une ressource territoriale clé.

Figure 1. Carte de situation des cinq villages français de la vallée de la Roya et de la ligne de train les traversant (auteur : Ornella Zaza, 2022).

Cette contribution part de cette situation d’urgence exceptionnelle et s’inscrit au sein d’une recherche-action qui associe une équipe pluridisciplinaire d’enseignants-chercheurs et de professionnels aux collectivités locales de la Roya et à la communauté d’agglomération de la Riviera française. Cette étude vise à comprendre et mettre en perspective les dynamiques aujourd’hui à l’œuvre dans ce territoire dévasté, à partir d’un regard centré sur son infrastructure ferroviaire : une première hypothèse s’appuie sur une vision stratégique partagée de développement, à partir de l’idée d’une réciprocité entre les métropoles et les territoires de montagne, aujourd’hui affaiblie au profit du seul développement touristique ; la deuxième considère les innovations sociospatiales comme une occasion pour repositionner l’infrastructure ferroviaire au cœur des enjeux de développement de la vallée, au-delà des logiques de desserte et de rentabilité associées à la mobilité. Pour cela, cette recherche-action mobilise un regard interdisciplinaire et multiscalaire, qui met en dialogue trois chantiers. Un chantier théorique vise à faire état d’un corpus académique complexe, hétérogène, transfrontalier et interdisciplinaire, concernant, d’une part, la transition des territoires de montagne et le rôle qu’y jouent les petites lignes de train, et d’autre part, les initiatives habitantes comme révélatrices d’autres stratégies de développement possibles. Son objectif est de resituer la recherche dans un débat sociétal et scientifique plus global, à la fois français et italien. Un chantier empirique est constitué de diverses missions sur le terrain, lors desquelles élus, acteurs économiques, acteurs associatifs et habitants sont interviewés : l’objectif de l’enquête de terrain est en particulier de parcourir les événements avant, pendant et après la tempête, et ainsi relever les pratiques, imaginaires, acteurs qui ont habité cette petite ligne de train à divers moments. En conclusion, un chantier opératoire vise à accompagner les acteurs locaux dans l’identification d’horizons possibles pour cette infrastructure ferroviaire. L’objectif est d’intensifier, sinon de créer, un dialogue entre habitants et acteurs publics, rendu difficile par les importants travaux de reconstruction d’urgence menés à la suite de la catastrophe écologique, en reconnaissant à la recherche-action un rôle dans les processus de changement grâce à son action de « résolution de problèmes qui peut contribuer à l’amélioration d’une situation jugée problématique » (Morrissette, 2013, p. 37[4]Morrissette J. (2013). « Recherche-action et recherche collaborative : quel rapport aux savoirs et à la production de savoirs ? », Nouvelles pratiques sociales, n° 25(2), p. 35-49.). Pour cela, deux ateliers participatifs avec les acteurs locaux et associatifs et un forum hybride avec les élus, société civile et acteurs de la recherche sont proposés.

L’article revient sur le démarrage des deux premiers chantiers, théorique et empirique. Tout d’abord, il esquisse un état des savoirs sur trois aspects majeurs qui concernent ce territoire en transformation : les nouveaux regards portés sur les territoires de montagne par les géographes et les urbanistes, notamment dans une perspective territorialiste ; la montée en puissance du concept d’innovation sociale pour analyser les nouvelles stratégies de développement des territoires ruraux et de montagne en crise ; l’urbanisme transitoire, dans sa capacité à faire émerger des projets partagés par les habitants, les acteurs locaux et les usagers. Ensuite, l’article se focalise sur les expériences récentes et en cours observées et relevées dans les gares et leurs environnements proches, capables de fédérer de nouvelles formes d’investissement citoyen, mais aussi comme expression de besoins économiques et de développement. En conclusion, sont présentés les résultats de cette première phase de la recherche et sont argumentées les pistes de travail à poursuivre.

Comprendre la transformation des territoires de montagne

Les résultats récents de la recherche en urbanisme et aménagement, et plus largement en sciences sociales, nous offrent des pistes intéressantes pour analyser le territoire de la vallée de la Roya. Trois d’entre elles semblent particulièrement porteuses : d’abord, les recherches qui mettent l’accent sur une nouvelle lecture des transformations économiques et démographiques des territoires de montagne, soulignant l’affirmation d’une conscience environnementale et citoyenne ; ensuite, les recherches sur l’innovation sociale, qui pointent la transformation des systèmes de gouvernance et des rapports sociaux comme un moyen pour l’émancipation des populations plus fragiles ; enfin, les recherches sur les nouvelles formes d’urbanisme transitoire, imaginées pour mieux répondre aux besoins des destinataires du projet.

Nouvelles perspectives
pour les territoires de montagne

Depuis la fin des années 1990, la prise de conscience de la crise environnementale, les bouleversements des modes de vie dans les aires métropolitaines et le besoin de chercher de nouvelles stratégies de développement ont encouragé à tourner le regard vers les territoires de montagne. Jusqu’alors considérés principalement comme destination touristique et réserve d’un patrimoine naturel exceptionnel, mais aussi comme un espace marginal, ces territoires ont fait l’objet d’un regain d’attention par les chercheurs français et italiens, qui ont rouvert le débat sur les théories territorialistes (Rollot et Schaffner, 2021[5]Rollot M, Schaffner M. (2021). Qu’est-ce qu’une biorégion ?, Marseille, Wildproject.).

Depuis longtemps, Alberto Magnaghi porte une critique de la métropole comme expression de la mondialisation, qui oublie, voire détruit, les ressources et identités locales (Giusti et Magnaghi, 1994[6]Giusti M, Magnaghi A. (1994). « L’approccio territorialista allo sviluppo sostenibile », Archivio di studi urbani e regionali, n° 51, p. 45-74.). Dans ses textes, l’urbaniste italien affirme une conception du territoire comme écosystème vivant, construit sur la synergie et la coévolution entre homme et nature : la construction d’une territorialité (Turco, 2010[7]Turco A. (2010). Configurazioni della territorialità, Milan, Franco Angeli.) devient alors l’enjeu du développement local durable, qui doit être pris en compte par la planification et ses acteurs (Magnaghi, 2000[8]Magnaghi A. (2000). Il progetto locale, Turin, Bollati Boringhieri.). Dans cette tradition territorialiste, le lieu, qui incarne la relation entre l’homme et son milieu, et les pratiques économiques, artisanales ou agricoles locales, sont menacés : la conscience des lieux, à travers la reconstruction de savoirs collectifs et l’autogouvernement des communautés locales, permet alors de révéler et valoriser des facteurs territoriaux singuliers (Magnaghi, 2017[9]Magnaghi A. (2017). La conscience du lieu, Paris, Eterotopia.).

En réaction aux débats sur la réorganisation administrative des territoires en France et en Italie, considérés comme l’expression de politiques qui visent l’émergence de polarités capables de rivaliser à l’échelle mondiale par des stratégies économiques, culturelles et touristiques, l’école territorialiste oppose la politique européenne de complémentarité et cohésion territoriale pour imaginer une organisation polycentrique du territoire, où la ville métropolitaine devient une fédération de municipalités. Le but serait la « réalisation d’équilibres écosystémiques à travers la continuité des réseaux écologiques, le bouclage local des cycles du métabolisme urbain (…), la reconstruction des relations de synergie entre villes et campagne (…), la qualité des relations communautaires de proximité et des espaces publics » (Magnaghi, 2017, p. 164[10]Op. cit.). Une position qui renvoie à la notion de « métro-montagne » proposée par le géographe Giuseppe Dematteis (2018[11]Dematteis G. (2018). « La metro-montagna di fronte alle sfide globali. Riflessioni a partire dal caso di Torino », Journal of Alpine Research. Revue de géographie alpine, n° 106(2).) à partir de ses recherches sur les échanges entre la montagne et l’aire métropolitaine de Turin, qui permettent de distinguer différentes situations d’interdépendance en raison du positionnement des territoires de montagne (haute, moyenne et basse) et des ressources naturelles et patrimoniales qu’ils contiennent.

Les trajectoires existantes et imaginées des territoires de montagne font particulièrement écho au cas d’étude de la vallée de la Roya : les choix stratégiques dans la création d’infrastructures et la hiérarchisation des investissements ont progressivement accentué la marginalisation de ces territoires, souvent loin des axes de communication majeurs et faiblement habités à cause du départ de ses populations actives (contrairement à la basse montagne), et ayant une très faible attractivité touristique (différemment de la haute montagne). La basse montagne frontalière entre la France et l’Italie enregistre un nombre important de ces situations de fragilité (Corrado, 2010[12]Corrado F. (2010). « Les territoires fragiles dans la région alpine : une proposition de lecture entre innovation et marginalité », Revue de Géographie Alpine, n° 98(3) [En ligne) : l’enjeu serait aujourd’hui de révéler leur potentiel en termes de dynamiques sociales et culturelles, dans le but d’affirmer une identité des lieux. Pour cela, certains auteurs français prônent de nouvelles méthodes d’observation pour ces territoires (Diaz, 2018[13]Diaz I (dir.). (2018). Massifs en transition. Vosges, Jura, Alpes du Nord, Paris, Parenthèses.) : construits à partir des résultats d’ateliers participatifs dans quatre contextes distincts (les hautes Vosges, le Jura, les Bauges et les Pyrénées catalanes), ces travaux ont permis de construire une réflexion sur les raisons de « vivre, s’installer et rester » dans la montagne à l’heure du changement climatique. Allant au-delà d’une appréciation esthétique, portée par une littérature qui a toujours souligné le caractère d’exception de ces lieux, ces travaux encouragent à comprendre les aspects qui façonnent la vie quotidienne des habitants et leur interaction avec le milieu, mettant l’accent sur leur évolution dans le temps. La distinction entre habitants et visiteurs est questionnée, à partir du fait que ce qui intéresse ces derniers (paysage, activités de plein air, productions locales) est souvent une raison qui a motivé les habitants à rester ou s’installer en montagne. Dans ces dynamiques, les services de mobilité quotidienne sont proposés comme une clé de lecture intéressante : la faible densité de ces territoires, la rareté des lignes de desserte et la diversité des publics concernés (population active, enfants et personnes âgées) provoquent un décalage entre les rythmes et la qualité de ces services et les attentes des usagers (Bonnet, 2018[14]Bonnet F. (2018). « Vivre la montagne au quotidien », dans Diaz I (dir.), Massifs en transition. Vosges, Jura, Alpes du Nord, Paris, Parenthèses.).

Une relecture de l’histoire sociale et politique des territoires de montagne contribue à opérer un changement de paradigme vers lequel convergent les positions de l’école territorialiste et celles des géographes du régionalisme italien, avec les réflexions portées dans le contexte français sur la transition des territoires de montagne. En Italie, la critique de la métropole et la mise en avant des limites de son modèle de développement ont conduit à l’expérience de la revue Scienze del territorio et, plus récemment, à la publication du Manifesto di Camaldoli per una nuova centralità della montagna (Erbani et Dematteis, 2019[15]Erbani F, Dematteis G. (2019). « Manifesto di Camaldoli per una nuova centralità della montagna (versione per la stampa) », Scienze del territorio, n° 9, p. 11-16.). En France, les contributions majeures ont été portées par la Revue de géographie alpine, et le nouvel intérêt pour les théories territorialistes américaines et italiennes a conduit à la publication de l’ouvrage Les territoires du vivant, un manifeste biorégionaliste (Rollot, 2018[16]Rollot M. (2018). Les territoires du vivant. Un manifeste biorégionaliste,Paris, Les Pérégrines.).Au cœur de ces productions se trouvent la question du peuplement et le développement de la montagne : garder les habitants présents aujourd’hui et encourager de nouveaux à s’installer constituent les enjeux majeurs pour réactiver l’économie locale et redonner vie à sa structure sociale. Ces productions, dans leurs convergences et diversités, peuvent nourrir le regard scientifique qui est porté sur la vallée de la Roya : dans un territoire de basse montagne déjà fragile, impacté violemment par un événement environnemental exceptionnel qui, dans certains villages, a mené la moitié de la population à partir, les acteurs institutionnels, mais surtout les habitants, néo-ruraux et acteurs locaux, essaient de réinventer de nouvelles façons pour faire renaître leur lieu de vie.

Les crises territoriales, terreau d’émergence
des innovations sociospatiales 

Face aux diverses crises sociales, économiques et environnementales qui ont traversé les territoires ruraux et de montagne, le concept d’« innovation sociale » a été progressivement invoqué depuis les années 1990 comme solution pour se démarquer des politiques de développement trop inspirées par des stratégies d’innovation technologique, jugées insatisfaisantes. L’accent mis sur l’importance des dynamiques organisationnelles et sociales, au-delà de la rentabilité économique, a conduit progressivement à la reconnaissance de la nature sociale de l’innovation et, par conséquent, à l’autonomisation du concept. L’innovation sociale est ainsi invoquée pour désigner la transformation des systèmes de gouvernance et, plus largement, la transformation des rapports sociaux par l’émancipation des populations plus exclues. Dans ce cadrage générique, elle invoque des initiatives qui peuvent être multiples et variées, à la fois d’ordre procédural, organisationnel ou institutionnel, qui se traduisent par des effets concrets en société (Klein et Harrison, 2006[17]Klein JL, Harrisson D (dir.). (2006). L’innovation sociale. Émergence et effets sur la transformation des sociétés, Québec, Presses de l’Université du Québec.). 

Plusieurs travaux se sont attachés à éclairer l’utilisation foisonnante de ce concept (Cloutier, 2003[18]Cloutier J. (2003). « Qu’est-ce que l’innovation sociale ? », Cahier du CRISES, n° ET0314. ; Hillier et al., 2004[19]Hillier J, Moulaert F, Nussbaumer J. (2004). « Trois essais sur le rôle de l’innovation sociale dans le développement territorial », Géographie, économie, société, n° 6(2), p. 129-152. ; Richez-Battesti et al., 2012[20]Richez-Battesti N, Petrella F, Vallade D. (2012). « L’innovation sociale, une notion aux usages pluriels : quels enjeux et défis pour l’analyse ? », Innovations, vol. 2, n° 38, p. 15-36. ; Browne, 2016[21]Browne PL. (2016). « La montée de l’innovation sociale », Quaderni, n° 90 [En ligne) et convergent vers les quatre caractéristiques de l’innovation sociale, qui font particulièrement écho au cas d’étude de la vallée de la Roya : sa naissance au sein du monde économique avec l’émergence des entrepreneurs sociaux ; son invocation face à une action publique jugée défaillante ; sa fonction sociale pour l’émancipation des populations marginalisées et le renforcement des valeurs démocratiques ; son apport particulier aux stratégies de développement territorial.

L’essor de la notion d’innovation sociale est à relier au domaine des sciences de gestion, selon lesquelles l’innovation sociale en entreprise aurait des effets bénéfiques plus larges sur le progrès social et environnemental (Hillier et al., 2004[22]Op. cit.). Ces analyses se concentrent particulièrement sur les entreprises ayant une activité économique marchande à but non lucratif (entreprise sociale) et vont jusqu’à personnifier l’innovation sociale dans la figure de l’entrepreneur social comme acteur du changement (Richez-Battesti et al., 2012[23]Op. cit.). Les anthropologues français identifient dans les pays du Sud les « passeurs d’innovation » qui, par la négociation, opèrent une action de médiation entre deux mondes divers (celui d’où provient l’innovation et celui qui la reçoit) (Olivier de Sardan, 1995[24]Olivier de Sardan JP. (1995). Anthropologie et développement. Essai en socioanthropologie du changement social, Paris, Karthala.). Selon les sociologues et urbanistes italiens, les « innovateurs metromontagnards » (innovatori metromontani) (Barbera et Parisi, 2019[25]Barbera F, Parisi T. (2019). Innovatori sociali. La sindrome di Prometeo nell’Italia che cambia, Bologne, il Mulino.) ou les « nouveaux montagnards » (nuovi montanari) (Corrado et al., 2014[26]Corrado F, Dematteis G, Di Gioia A (dir.). (2014). Nuovi montanari. Abitare le Alpi nel XXI secolo, Bologne, Franco Angeli.) seraient des « courtiers » en train de construire de nouveaux liens interrégionaux et de nouvelles réciprocités entre les centres urbains et l’arrière-pays. Les urbanistes français analysent les chefs de petites entreprises du numérique comme des « défricheurs » des territoires ruraux qui, en injectant de nouveaux services à la population, se transforment en acteurs locaux incontournables (Jambes, 2011[27]Jambes JP. (2011). « Développement numérique des espaces ruraux », Netcom, n° 25(¾), p. 165-178.).

Les cas d’études sont multiples et les définitions diverses, mais dans leur globalité les entreprises et entrepreneurs sociaux se caractérisent par un projet entrepreneurial qui naît de l’envie de trouver des solutions nouvelles à une situation de crise (économique, démographique, environnementale, etc.) au sein d’un territoire donné. Pour la plupart, ces figures intensifient et transforment les échanges (commerciaux, familiaux, culturels) entre les aires métropolitaines et l’arrière-pays, et incarnent le rêve d’une renaissance souhaitée pour une population en transformation au sein des territoires ruraux et de montagne.

Dans la littérature, au-delà d’une approche socioéconomique, l’on reconnaît également à l’innovation sociale un potentiel à enclencher une transformation sociétale plus profonde (Avelino et al., 2014[28]Avelino F, Wittmayer J, Haxeltine A et al. (2014). Game-changers and transformative social innovation. The case of the economic crisis and the new economy, European Union, TRANSIT, working paper.) et un renforcement des principes démocratiques. Cette conception de l’innovation sociale est principalement développée par le CRISES, laboratoire de recherche à Montréal (Klein et Harrison, 2006[29]Op. cit.), et par les chercheurs de l’IFRESI en France (Hillier et al., 2004[30]Op. cit.), aux côtés des organisations internationales (OCDE, UNESCO, UE) qui ont ensuite diffusé ces logiques au sein des États. Ces travaux insistent sur le contexte institutionnel dans lequel se développe l’innovation sociale : cela conduit principalement à une critique et à une volonté de changement des pratiques, règles ou normes de l’action publique. L’innovation sociale, parfois intégrée dans le concept d’« innovation publique » (Scherer, 2015[31]Scherer P (dir.). (2015). Chantiers ouverts au public, Paris, La documentation française.), serait donc un outil de modernisation des politiques publiques, et notamment des politiques sociales.

Cette vision d’une action insatisfaisante des institutions face aux questions sociales renforce l’émergence d’innovations sociales « du bas » qui, portées par les personnes concernées, les conduiraient vers des formes d’émancipation. À la différence de la participation citoyenne, entendue comme un processus institutionnel qui cherche à donner plus de place aux habitants dans l’action publique territoriale, l’innovation sociale se définit comme une initiative ascendante et non gouvernementale (Richez-Battesti et al., 2012[32]Op. cit.), reconnue par les acteurs qui la portent comme un projet fait par soi et pour soi. Dans cette acception, l’innovation sociale exige le passage d’une prise de conscience à une réelle autonomie (Chambon et al., 1982[33]Chambon JL, David A, Devevey JM. (1982). Les innovations sociales, Paris, PUF.) : l’innovation sociale n’est pas « optimale », au sens de l’efficacité ou de l’efficience, mais elle est « juste » dans le sens de l’intégration sociale qu’elle assure. Ainsi, elle est employée comme un concept analytique pour comprendre l’expérimentation de nouveaux procédés, lieux, acteurs, services, en réponse à la pression des mouvements sociaux, jusqu’à ce qu’ils soient reconnus par les institutions et intégrés dans l’action publique territoriale (Bouchard, 2006[34]Bouchard MJ. (2006). « De l’expérimentation à l’institutionnalisation positive : l’innovation sociale dans le logement communautaire au Québec », Public and Cooperative Economics, n° 77(2), p. 139-166.).

Le côté social de l’innovation fait donc référence à plusieurs niveaux : celui de l’intervention sociale, comme une piste pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion, et au sens sociétal, qui inclut des revendications environnementales et démocratiques plus globales. Elle concerne plusieurs niveaux de la société (la famille, les réseaux sociaux, les communautés territoriales…) et, à ce titre, elle est souvent reconnue comme le fruit de la coopération, plus ou moins conflictuelle, entre des acteurs au sein d’un territoire donné.

Du point de vue spatial, le concept d’innovation voit initialement son application massive surtout en milieu urbain et métropolitain, pour répondre à des logiques de concentration de capitaux (économiques et culturels) et d’émergence de stratégies, dispositifs et acteurs inédits au sein des nouveaux systèmes de gestion et gouvernance urbaines.

Initialement, la campagne et la montagne ont été plutôt exclues de ce récit urbain autour de l’innovation à cause des prétendues limitations technologiques, économiques et culturelles qui les caractériseraient. Cependant, depuis les années 2000, face à la crise économique, sociale et politique qui a traversé ces territoires, une série d’initiatives en soutien à « l’innovation rurale » ont été mises en place pour inciter de nouvelles stratégies de développement (dans les secteurs économique, foncier, social, infrastructurel…). Globalement, il s’est agi de souligner le potentiel d’innovation qui serait spécifique et endogène aux territoires ruraux et de montagne (Attali et al., 2014[35]Attali M, Dalmasso A, Granet Abisset AM (dir.). (2014). Innovation en territoire de montagne. Le défi de l’approche interdisciplinaire, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble. ; Fourny, 2018[36]Fourny MC (dir.). (2018). Montagnes en mouvement. Dynamiques territoriales et innovation sociale, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble.), en sortant d’une vision de l’arrière-pays comme le lieu de repli d’une modernité urbaine qui empiète. L’hypothèse optimiste est que, dans certains arrière-pays fragiles qui ont échappé aux grandes transformations productivistes, le terreau est fertile pour l’expérimentation de nouveaux modèles de développement durable. Ces analyses insistent globalement sur les ressources locales liées aux systèmes paysagers et agroproductifs, sur lesquelles l’innovation sociale peut s’appuyer, jusqu’à même transformer l’économie, la perception et la composition sociale des régions dans lesquelles elle s’inscrit (Koop et al., 2018[37]Koop K, Landel PA, Fourny MC, Senil N. (2018). « Quand l’innovation sociale change la dynamique des territoires de montagne », dans Fourny MC (dir.), Montagnes en mouvement. Dynamiques territoriales et innovation sociale, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, p. 21-43.).

Dans cette optique, la particularité de l’innovation sociale est de proposer des modèles de développement pour atteindre des objectifs certes économiques mais qui concourent globalement à l’accroissement du sentiment de justice sociale, l’idée étant de stimuler une économie capable d’intégrer les besoins non pris en compte par le marché concurrentiel et les démarches non capitalistes (Defourny et Monzon Campos, 1992[38]Defourny J, Monzon Campos JL (dir.). (1992). Économie sociale, entre économie capitaliste et économie publique, Bruxelles, De Boeck.). Certains auteurs (Hillier et al., 2004[39]Op. cit.) ont même proposé d’intégrer à l’analyse régionale une approche dite de développement territorialement intégré (Integrated Area Development), qui considère l’innovation sociale comme une solution susceptible de favoriser non seulement la croissance, mais aussi une forme de partage plus équitable des ressources et de leurs fruits.

Si une partie de la littérature conçoit la dimension spatiale de l’innovation sociale, le concept d’« innovations sociospatiales » peut renforcer davantage la relation entre les espaces et leurs sociétés, en suivant l’héritage des débats en sciences humaines et sociales (Castells, 1972[40]Castells M. (1972). La question urbaine, Paris, François Maspero.). À cet effet, les innovations sociales s’inscriraient dans des espaces particuliers, tout comme les divers territoires proposeraient des innovations spatiales propres à leurs contextes. L’idée est donc d’aller au-delà d’une vision de l’espace comme une scène, support ou même ressource pour l’innovation sociale, mais de voir l’espace comme un acteur même du changement, comme un acteur non humain qui façonne le territoire de la même façon que les humains qui l’habitent.

Cette approche semble particulièrement adaptée au cas d’étude de la vallée de la Roya : l’infrastructure ferroviaire de la ligne de train Nice/Vintimille-Breil-Cuneo, qui marque de façon matérielle cette vallée des Préalpes, propose des espaces particuliers, utilisés ou délaissés, temporaires ou permanents, qui sont mis en réseau par le train. Par les opportunités qu’elle propose et les contraintes qu’elle induit, l’infrastructure ferroviaire est un véritable acteur actif du changement, dans un territoire en reconstruction post-urgence environnementale. Dans ces dynamiques, l’innovation sociale portée par les divers acteurs sur le terrain est centrale, tout comme les innovations spatiales que la conformation du territoire et son infrastructure ferroviaire proposent, ouvrant ainsi de nouveaux horizons de projet.

L’urbanisme transitoire :
outil pour la coproduction de projets communs ?

La ligne de train qui traverse la vallée de la Roya montre à l’observateur plusieurs friches, espaces indéfinis, architectures délaissées. Le recensement de ce qui peut être vu comme un potentiel inexploité, une ressource présente ou des acteurs non humains du changement, conduit la réflexion vers la production scientifique qui, depuis la fin des années 2000, s’est intéressée à l’émergence d’une nouvelle forme d’urbanisme, orientée vers la réutilisation ou la rénovation de délaissés urbains. En rassemblant des théories et pratiques nées en milieu urbain sous tension, l’urbanisme transitoire est devenu à la fois une catégorie analytique et une approche opérationnelle pour faire évoluer les fonctions et les usages des espaces urbains délaissés, permettant de réexploiter les ressources existantes dans une démarche de développement durable, sensible à recycler et à économiser le foncier. Une nouvelle valeur est alors attribuée à ce qui était jusqu’alors un résidu de l’urbanisme, espace oublié ou marqué par l’indétermination spatiale et temporelle. L’urbanisme transitoire s’est ainsi progressivement affirmé, privilégiant les processus itératifs aux plans immuables, permettant, de par sa flexibilité, de prendre en compte les multiples acteurs du projet. Ce faisant, ce concept marque le passage définitif d’une vision fonctionnaliste et technicienne de la ville à un urbanisme à l’écoute des usages et des pratiques habitantes.

Les expériences d’urbanisme transitoire ont vu le jour principalement dans des contextes confrontés aux dynamiques métropolitaines, où la révolution des rythmes de vie a modifié les rapports à l’espace et au temps : l’aménagement doit alors prendre en compte de nouvelles valeurs, telles que la vitesse, l’urgence ou le nomadisme, pour permettre la cohabitation sur un même lieu d’usages et d’usagers devenus multiples. C’est dans les aires métropolitaines que la tertiarisation, la diminution du temps de travail ou les évolutions technologiques de l’information et de la communication contribuent à la transformation des cadres spatiotemporels. L’adaptabilité des espaces semble alors s’imposer, faisant émerger une « ville malléable » (Gwiazdzinski, 2007[41]Gwiazdzinski L. (2007). « Redistribution des cartes dans la ville malléable », Espace populations sociétés, n°2/3, p. 397-410.) où la souplesse des usages facilite l’affirmation de nouveaux rythmes urbains.

L’adaptabilité des aménagements urbains est ainsi pensée comme une nécessité, dans une période de bouleversements forts, liés à la crise économique et écologique. La notion d’adaptabilité et celle, assez directement associée, de réversibilité peuvent servir de repères dans l’émergence d’un « urbanisme léger » (Urban Catalysts, 2003[42]Urban Catalysts. (2003). Strategies for temporary uses – Potential for development of urban residual areas in European metropolises, Bruxelles, CORDIS.), capable de répondre au besoin de flexibilité fonctionnelle, à la complexité des logiques citadines et à la redéfinition des centralités urbaines. La réversibilité, comme tension entre la permanence d’une configuration spatiale et l’évolution de ses usages, s’affirme alors comme processus sociospatial caractérisé par des séquences temporelles de réajustement (Pradel, 2010[43]Pradel B. (2010). « Processus de réversibilité et rythmes des transformations urbaines : penser la ville à pile ou face ? », dans Scherrer F., Vanier M (dir.), Villes, territoires et réversibilité, Paris, Hermann, p. 237-248.). Les actions qui s’inscrivent dans le temps long n’apparaissent plus comme les seuls éléments légitimes de structuration sociale, et les actions à court terme sont aussi interprétées comme des catalyseurs pertinents.

À l’heure où de nombreuses collectivités locales cherchent à renouveler les méthodes d’implication des habitants, notamment en s’appuyant sur la capacité de contre-expertise des associations et en initiant, avec elles, des démarches de coopération (Nez, 2012[44]Nez H. (2012). « De l’expertise associative à la formation d’un contre-pouvoir. Action collective et concertation à Paris Rive Gauche », Espaces et sociétés, n° 151(4), p. 139-154.), l’urbanisme transitoire se propose de fournir un outil fédérateur permettant la participation des citoyens à la production des territoires. Les délaissés urbains offrent l’occasion d’expérimenter des manières inédites d’investir l’espace, comme plusieurs expériences récentes le montrent (camping éphémère, chantiers participatifs…). Libres de toute fonction, sans programmation déterminée et accueillant parfois des usages éphémères multiples, ces espaces sont immédiatement disponibles pour réfléchir au renouvellement de la ville (Bertoni et Leurent, 2017[45]Bertoni A, Leurent A. (2017). « L’aménagement temporaire, révélateur d’espaces et de pratiques pour le projet urbain », disP – The Planning Review, n° 53(3), p. 33-42.). L’état de friche correspond à une temporalité particulière, étape vers la transformation de l’espace et l’avènement d’un nouveau projet. Ce temps de veille (Ambrosino et Andres, 2008[46]Ambrosino C, Andres L. (2008). « Friches en ville : du temps de veille aux politiques de l’espace », Espaces et sociétés, n° 134, p. 37-51.) serait l’espace-temps idéal pour expérimenter de nouveaux usages, de manière temporaire, et pour agir éventuellement sur le projet final en cours de définition. Des stratégies se confrontent, et un urbanisme non planifié peut s’affirmer (Ascher, 1995[47]Ascher F. (1995). Métapolis ou l’avenir des villes, Paris, Odile Jacob.).

Cependant, après un certain enthousiasme pour l’urbanisme transitoire, d’autres auteurs commencent à souligner les risques cachés de ces initiatives, très souvent médiatisées comme des projets vertueux à la fois pour les collectivités (qui redonneraient vie à un foncier jusqu’alors oublié), les acteurs économiques (qui pourraient expérimenter et poursuivre des démarches économiques à but social) et les usagers (dont on imagine une appropriation et un accès égalitaires à ces espaces). En effet, plusieurs pointent le potentiel de l’urbanisme transitoire pour renforcer les processus de gentrification (Correia, 2018[48]Correia M. (2018). « L’envers des friches culturelles. Quand l’attelage public-privé fabrique la gentrification », Revue du Crieur, n° 11(3), p. 52-67.), le risque d’un renforcement de la plus-value du foncier, qui transformerait la valeur politique initiale en simple valeur économique (Desgouttes, 2019[49]Desgoutte J. (2019). « Les communs en friches », Métropolitiques [En ligne), ainsi que l’exclusion de certaines populations lointaines des codes culturels, esthétiques et comportementaux que les effets de standardisation de ces initiatives imposeraient, en contredisant l’initial désir d’ouverture imaginé (Watine, 2020[50]Watine J. (2020). « Entre idéal alternatif et récupération spéculative, quelle place pour le “droit à la ville” dans la requalification des friches industrielles en lieux culturels, CIST2020 – Population, temps, territoires, p. 421-424.).

Face à ces théories et expérimentations, certains acteurs intermédiaires impliqués dans la mise en œuvre de projets d’urbanisme transitoire ont également participé à quelques expériences en milieu rural, comme le collectif Etc. l’a fait pour la revitalisation de deux centres-bourgs du Parc naturel régional Livradois-Forez (2011-2013). Transposée dans un contexte rural et de montagne, l’idée est que les outils de l’urbanisme transitoire (tels que le diagnostic partagé avec les habitants, l’organisation d’ateliers participatifs, des interventions par des architectures légères et à petite échelle, etc.) pourraient contribuer à répondre aux multiples enjeux présents : réduire le développement des lotissements de maisons individuelles (consommateurs d’espaces naturels et agricoles), maintenir la population résidente au sein des villages (en proposant des stratégies économiques inédites) et attirer de nouveaux habitants dans un souci d’équilibre socioterritorial (par l’appropriation progressive et spontanée des espaces délaissés par les habitants sur place et les néoruraux).

La vallée de la Roya montre déjà des appropriations diverses de ces espaces délaissés, mais qui ne sont pas coordonnées par une vision d’ensemble sur le territoire : certaines initiatives existantes avant la tempête se renforcent, tandis que d’autres s’affaiblissent ; la gestion de l’urgence environnementale a fait émerger des pratiques inédites, en transformant la valeur d’usage et d’identité collective attribuée jusque-là aux friches ferroviaires ; de nouveaux projets se construisent et s’imaginent dans cette vallée en reconstruction, et qui cherchent, parfois de façon contradictoire, à tisser des trajectoires d’aménagement plus souhaitables pour ses habitants.

Déclin et renaissance des petites gares de la vallée de la Roya

La ligne de train qui traverse la vallée de la Roya possède à Breil-sur-Roya son point nodal, où se rejoignent la voie vers Vintimille et celle vers Nice. La gestion erratique de cette infrastructure a conduit à la situation de ces dernières années : en invoquant des raisons de sécurité sur un fond de désaccord économique entre gestionnaires français et italiens de la ligne, la réduction de la vitesse d’exploitation a drastiquement impacté le nombre de connexions entre France et Italie (de 12 à 2). Aujourd’hui, seule la partie entre Nice et Breil-sur-Roya bénéficie d’une desserte acceptable en nombre de trajets, mais insuffisante concernant la planification des correspondances. La dimension internationale de la ligne est devenue très anecdotique, et il est impossible de faire un aller-retour Nice-Cuneo dans la journée.

Parallèlement à cette basse intensité d’usages liés uniquement à la mobilité en train, les bâtiments des gares, qui par leurs architectures remarquables s’imposent dans le paysage de la vallée, ont été le support de diverses initiatives. Leurs environnements proches ont aussi fait l’objet de projets d’aménagement ou alors de délaissement de la part des institutions compétentes. Dans son ensemble, et selon les diverses phases de l’histoire plus récente de la ligne, l’infrastructure ferroviaire est ainsi habitée par des usages multiples, hantée par des projets inachevés, rêvée par des espoirs futurs de réaffectation.

Les bâtiments des gares :
des réaffectations passées, imaginées, futures

L’histoire des bâtiments des cinq gares est intimement liée à celle de la frontière franco-italienne : les gares de Breil-sur-Roya et Fontan-Saorge sont construites par le PLM, alors que celles de Saint-Dalmas-de-Tende, La Brigue et Tende par le réseau ferré italien. Deux d’entre elles se démarquent : celle de Breil-sur-Roya constitue le poste-frontière du côté français, son bâtiment voyageurs accueille aussi des logements pour le personnel ferroviaire et un buffet ; d’autres bâtiments techniques se trouvent sur l’important plateau occupé par cette infrastructure. La gare de Saint-Dalmas-de-Tende, pour les mêmes raisons, est encore plus impressionnante pour le volume de son bâtiment principal (plus de 5 000 m2).

Ces gares sont aujourd’hui en décalage par rapport à la population desservie et au nombre de trains qui s’y arrêtent : les bâtiments de la plupart d’entre elles sont fermés depuis plusieurs décennies et ont eu depuis des trajectoires diverses. Certains ont fait l’objet de projets de transformation trop ambitieux qui n’ont pas vu le jour, d’autres ont été progressivement investis par des usages encore fragiles, mais plus en adéquation avec le contexte socioéconomique existant.

La gare de La Brigue (figures 2 à 4), rachetée par la commune à la SNCF dans les années 2000, a été donnée en location à un prix symbolique à une association de jeunes néoruraux pour l’installation d’une scierie : en échange, l’association Lô Recampoum (« les gens qui viennent d’ailleurs » en patois brigasque) promettait à la commune des travaux d’entretien. Bien que la scierie occupe le bâtiment de gare depuis, le projet est aujourd’hui menacé : malgré le soutien de la mairie, en raison de l’entretien implicite de ce patrimoine historique autrement en ruine, son activité économique subit la concurrence des pays de l’Est. La production de la scierie s’appuie principalement sur des ressources locales proches mais, à cause du terrain en forte pente, l’abattage et le transport du bois restent un travail artisanal, compliqué et très coûteux. Les acteurs locaux cherchent ainsi de nouvelles stratégies pour que la scierie puisse continuer son activité, dont la valorisation des déchets dérivés du traitement du bois en matériel de chauffage. Malheureusement, cette technologie n’est pas adaptée économiquement pour les petites habitations de la vallée, et l’alimentation d’une grande chaufferie centrale en projet à Roquebrune-Cap-Martin est confrontée à des limites infrastructurelles. Ce projet, territorialement cohérent, ne peut pas s’appuyer sur la ligne de train : le trajet de 55 km entre La Brigue et la côte serait à réaliser en camion, car il manque la double voie sur ce tronçon, et le chargement de marchandises serait nuisible aux passages des trains-voyageurs. Un nouvel élan se dessine aujourd’hui avec une diversification des activités et l’esquisse d’un tiers-lieu.

Figure 2. Entrée de la gare de La Brigue, qui héberge un projet de scierie associative (cliché : Ornella Zaza, 2021).
Figure 3. Atelier extérieur annexe au bâtiment de gare, dédié au découpage du bois (cliché : Ornella Zaza, 2021).
Figure 4. Croquis de situation et des usages (durables ou temporaires) de la gare de La Brigue (auteur : Ornella Zaza, 2021).

La gare de Saint-Dalmas-de-Tende (figures 5 à 8) a fait l’objet d’un ambitieux projet hôtelier, Le Relais de la Marquise, qui devait transformer radicalement le bâtiment et son environnement proche : hôtel, restaurant, spa, villas, un centre pour séminaires et un théâtre de verdure. Lancé en 2011 et encore d’actualité en 2016, ce projet a été depuis abandonné. Plus en phase avec le contexte de Tende, l’association Passeurs d’humanité, qui milite pour l’accueil et le droit de transit des personnes migrantes, a organisé pour l’édition 2021 de son festival d’été « Un autre rapport des êtres humains au monde du vivant », une performance-installation par douze artistes sur les fenêtres murées de l’imposant bâtiment de gare. Les conséquences de la tempête Alex traversent ces réalisations : la Roya devient par exemple un fleuve-serpent, symbolisant la dangerosité qu’elle évoque désormais pour les habitants de la vallée.

La pérennisation de ce type d’usages à travers la création d’un tiers-lieu dans le bâtiment de gare n’a pas rencontré la faveur des élus, alors que la mémoire de la gare utilisée en 2016 pour abriter une cinquantaine de migrants est encore vive. Cependant, ces initiatives évoquent aujourd’hui des possibilités pour le futur des gares. Plusieurs membres du Comité franco-italien pour la défense et le développement de la ligne ferroviaire soulignent, par exemple, le caractère patrimonial de cette infrastructure et évoquent des usages potentiels pour les halls voyageurs : support de communication pour les activités culturelles des villages et vitrines de leurs productions locales, ils deviendraient des portes d’entrée pour les visiteurs et des lieux de partage pour les habitants.

Figure 5. Parvis de la gare de Saint-Dalmas-de-Tende, investi de façon temporaire par la base logistique du chantier de reconstruction en cours (cliché : Angelo Bertoni, 2021).
Figures 6 et 7. Affichage des œuvres artistiques sur les entrées condamnées de la gare de Saint-Dalmas-de-Tende, à l’occasion du 4e festival des Passeurs d’humanité (cliché : Ornella Zaza, 2021).
Figure 8. Croquis de situation et des usages (durables ou temporaires) de la gare de Saint-Dalmas-de-Tende (auteur : Ornella Zaza, 2021).

Mobilités multiples et attractivité commerciale
autour des gares

La réduction de la fréquence de la desserte ferroviaire de la ligne Nice-Breil-Cuneo a été accompagnée par le renforcement de l’offre de transports publics multimodale et intermodale : juste avant la tempête, la ligne de bus Menton-Vintimille-Tende assurait jusqu’à 12 trajets par jour, faisant des gares de Breil, La Brigue et Tende des points d’accroche de son parcours. Cette desserte semble mieux correspondre au bassin de vie des habitants de la vallée, qui font référence au littoral entre Vintimille et Monaco pour l’emploi, les loisirs et les achats, alors que Nice constitue plutôt la connexion avec le réseau ferré national et l’aéroport.

De l’offre de transport en commun dans la vallée font aussi partie une ligne de bus touristique, de juin à septembre, qui dessert Casterino et la vallée des Merveilles depuis Tende, et une ligne de transport à la demande de Vievola à La Brigue.

Sans vraiment concurrencer l’usage de la voiture, le train et le car soutiennent donc le rôle des gares comme polarités intermodales. La gare de Fontan-Saorge (figures 9 et 10), située à environ un kilomètre des villages qu’elle dessert et dont elle prend le nom en est un exemple : installation d’un arrêt de bus de la ligne Menton-Tende, un espace de parking et le départ de sentiers de randonnée complètent l’offre ferroviaire en affirmant le rôle territorial de la gare.

Figure 9. L’entrée et la salle d’attente de la gare de Fontan-Saorge (cliché : Ornella Zaza, 2021).
Figure 10. Croquis de situation et des usages (durables ou temporaires) de la gare de Fontan-Saorge (auteur : Ornella Zaza, 2021).

À Breil-sur-Roya (figure 11), c’est presque un quartier de gare qui s’est construit progressivement, bénéficiant de la centralité de la gare par rapport à la ligne et aux différents modes de transports présents dans la vallée. La présence de l’Écomusée du haut pays et du train, de la caserne des sapeurs-pompiers et de la base de FORCE 06 a été plus récemment complétée par la construction du seul supermarché de la vallée. La présence d’un buffet au sein de la gare et d’une salle voyageurs dotée d’un guichet contribue à l’animation de ce secteur aujourd’hui en développement.

Figure 11. Croquis de situation et des usages (durables ou temporaires) de la gare de Breil-sur-Roya (auteur : Ornella Zaza, 2021).

Ainsi, des logiques planificatrices similaires appliquées à une grande partie du réseau ferroviaire français sont aussi mises en œuvre dans la vallée de la Roya : des zones de parking, plus ou moins importantes, sont implantées en dehors de chaque gare ; des abris voyageurs ont été installés pour répondre aux fonctions essentielles liées au voyage, comme consulter les horaires de la ligne ou s’asseoir dans l’attente du train. Dans certaines gares, l’accès aux quais est encore assuré par l’entrée monumentale des anciens bâtiments, bien qu’ils soient fermés au public (c’est le cas de la gare de Fontan-Saorge) ; dans d’autres, l’ancien passage a même été condamné, et l’accès aux trains a été reporté au niveau du nouvel abri voyageurs (c’est le cas des gares de La Brigue et de Saint-Dalmas-de-Tende).

La crise environnementale :
les usages temporaires de la « ligne de vie »,
vecteurs d’un possible horizon commun
pour les villages de la vallée ?

La tempête Alex a remis sous les feux des projecteurs la ligne de train. Si les réaffectations des gares à d’autres usages, impulsés par les institutions locales ou alors par des initiatives habitantes (plus consensuelles ou plus contestataires) ont vu le jour avant la tempête, la crise environnementale a ravivé les enjeux liés au maintien de la ligne ferroviaire et au devenir des gares. Au lendemain de la tempête, le train est devenu le seul moyen pour rejoindre la vallée et approvisionner les villages restés isolés. Si des gares provisoires ont été créées pour faciliter l’arrivée et la distribution des engins et des matériaux pour la reconstruction (figure 12), les bâtiments voyageurs et les entrepôts des gares ont servi à plusieurs usages. À Breil-sur-Roya, les anciens appartements des cheminots ont permis de reloger provisoirement les habitants qui avaient dû quitter le centre-bourg ; à Fontan-Saorge, le parking a été utilisé comme campement pour les ouvriers de différents chantiers ; à Saint-Dalmas-de-Tende, un centre logistique des chantiers en cours sur la commune a été créé. La ligne sera rapidement appelée par les habitants de la vallée « ligne de vie », incarnation de cette infrastructure essentielle pour la (sur)vie du territoire que plusieurs habitants et usagers défendent depuis longtemps. La tempête a donc apporté des arguments décisifs dans la bataille pour soustraire la ligne ferroviaire au déclin annoncé. Des travaux importants ont été réalisés pour permettre rapidement la réouverture de la ligne dans son intégralité et elle bénéficie aujourd’hui d’un important financement, environ 240 millions d’euros, issu du protocole d’accord signé par l’État entre la région Sud et SNCF Réseau pour pérenniser plus de 400 km de lignes de desserte fine du territoire, dont les travaux seront étalés sur 10 ans.

Figure 12. L’entrée au quai provisoire à Saint-Dalmas-de-Tende, utilisée pendant les jours qui ont suivi la tempête d’octobre 2020 et aujourd’hui fermée (cliché : Ornella Zaza, 2021).

Certaines gares gardent aujourd’hui les empreintes laissées par la gestion de la crise et ces usages informels. À Tende (figure 13), le bâtiment de la gare abrite provisoirement la mairie, la gendarmerie et d’autres services administratifs, montrant tout le potentiel du bâtiment à l’interface entre l’hôpital et le cœur du village.

Figure 13. Croquis de situation et des usages (durables ou temporaires) de la gare de Tende (auteur : Ornella Zaza, 2021).

Un laboratoire pour une métropole transfrontalière

La tempête Alex a ravivé les regards sur le territoire transfrontalier de la vallée de la Roya et sur sa ligne de train auparavant menacée de fermeture, tout en alimentant les débats déjà intenses depuis les années 1990 sur le besoin de renouveler le regard sur les territoires de montagne.

Les théories des territorialistes italiens et des géographes français poussent vers un regard endogène et complexe : loin d’être un territoire « du vide », la vallée de la Roya cherche des nouvelles relations d’équilibre avec la métropole niçoise et les centres urbains du littoral, qui soient moins prédatrices et moins caractérisées par des rapports de dépendance (figure 14). Pour cela, les innovations sociospatiales activées par les acteurs locaux autour des gares face à l’urgence environnementale acquièrent une importance cruciale : l’infrastructure ferroviaire Nice/Ventimille-Breil-Cuneo, de par sa matérialité spécifique et sa réalité sociale, est un véritable acteur du changement autour duquel de nouvelles stratégies territoriales peuvent être imaginées. Dans ce contexte, les espaces délaissés qui sont dessinés par la ligne de train représentent une opportunité à saisir, pour accueillir les besoins des acteurs locaux et les attentes des néoruraux, mais aussi pour contribuer à un plus grand rayonnement « métro-montagnard ».

Figure 14. Revendications des habitants affichées sur des banderoles lors du 1er anniversaire de la tempête (cliché : Angelo Bertoni, 2021).

Cette situation exceptionnelle permet de dégager quelques réflexions conclusives, qui s’appuient sur les premières observations de terrain et alimentent les futures pistes de la recherche. Le relevé des divers usages durables, temporaires, éphémères, imaginés, montre tout d’abord un foisonnement d’initiatives riches, mais qui manquent de lien entre elles. Le terrain montre pour l’instant une logique d’opportunité (offerte par les ressources locales spécifiques à chaque village, les profils socioéconomiques divers, les espaces disponibles variés…), plutôt qu’une vision commune et stratégique de développement à toute la vallée. Ensuite, la réutilisation des bâtiments des gares par des initiatives associatives et citoyennes diverses dévoile l’émergence de nouvelles collaborations entre les collectivités locales et la société civile à valoriser.

La première phase de la recherche-action laisse ainsi émerger des hypothèses. Tout d’abord, se confirme le besoin d’un regard, déjà entamé, sur la mobilité au-delà d’une logique de desserte du territoire et de rentabilité, mais comme support et vecteur d’enjeux socio-économiques. Ensuite, dans un souci de réciprocité entre villes et arrière-pays, le passage d’une économie du tourisme à une économie du temps libre pourrait faire sortir le développement local de la saisonnalité et fournir aux habitants une qualité de vie au quotidien. Enfin, la ligne ferroviaire pourrait contribuer à reconfigurer durablement les relations multipolaires entre les espaces métropolitains de part et d’autre de la frontière franco-italienne, mais aussi à repenser l’intégration fonctionnelle entre les différents villages au sein de la vallée.


[1] Sanguin AL. (1983). « La bordure franco-italienne des Alpes-Maritimes ou les conséquences de la modification d’une frontière internationale », Méditerranée, n° 47-1, p. 17-25.

[2] Pardé M. (1929). « La ligne Nice-Coni », Les Études rhodaniennes, n° 5-1, p. 165-167.

[3] Op. cit.

[4] Morrissette J. (2013). « Recherche-action et recherche collaborative : quel rapport aux savoirs et à la production de savoirs ? », Nouvelles pratiques sociales, n° 25(2), p. 35-49.

[5] Rollot M, Schaffner M. (2021). Qu’est-ce qu’une biorégion ?, Marseille, Wildproject.

[6] Giusti M, Magnaghi A. (1994). « L’approccio territorialista allo sviluppo sostenibile », Archivio di studi urbani e regionali, n° 51, p. 45-74.

[7] Turco A. (2010). Configurazioni della territorialità, Milan, Franco Angeli.

[8] Magnaghi A. (2000). Il progetto locale, Turin, Bollati Boringhieri.

[9] Magnaghi A. (2017). La conscience du lieu, Paris, Eterotopia.

[10] Op. cit.

[11] Dematteis G. (2018). « La metro-montagna di fronte alle sfide globali. Riflessioni a partire dal caso di Torino », Journal of Alpine Research. Revue de géographie alpine, n° 106(2).

[12] Corrado F. (2010). « Les territoires fragiles dans la région alpine : une proposition de lecture entre innovation et marginalité », Revue de Géographie Alpine, n° 98(3) [En ligne].

[13] Diaz I (dir.). (2018). Massifs en transition. Vosges, Jura, Alpes du Nord, Paris, Parenthèses.

[14] Bonnet F. (2018). « Vivre la montagne au quotidien », dans Diaz I (dir.), Massifs en transition. Vosges, Jura, Alpes du Nord, Paris, Parenthèses.

[15] Erbani F, Dematteis G. (2019). « Manifesto di Camaldoli per una nuova centralità della montagna (versione per la stampa) », Scienze del territorio, n° 9, p. 11-16.

[16] Rollot M. (2018). Les territoires du vivant. Un manifeste biorégionaliste, Paris, Les Pérégrines.

[17] Klein JL, Harrisson D (dir.). (2006). L’innovation sociale. Émergence et effets sur la transformation des sociétés, Québec, Presses de l’Université du Québec.

[18] Cloutier J. (2003). « Qu’est-ce que l’innovation sociale ? », Cahier du CRISES, n° ET0314.

[19] Hillier J, Moulaert F, Nussbaumer J. (2004). « Trois essais sur le rôle de l’innovation sociale dans le développement territorial », Géographie, économie, société, n° 6(2), p. 129-152.

[20] Richez-Battesti N, Petrella F, Vallade D. (2012). « L’innovation sociale, une notion aux usages pluriels : quels enjeux et défis pour l’analyse ? », Innovations, vol. 2, n° 38, p. 15-36.

[21] Browne PL. (2016). « La montée de l’innovation sociale », Quaderni, n° 90 [En ligne].

[22] Op. cit.

[23] Op. cit.

[24] Olivier de Sardan JP. (1995). Anthropologie et développement. Essai en socioanthropologie du changement social, Paris, Karthala.

[25] Barbera F, Parisi T. (2019). Innovatori sociali. La sindrome di Prometeo nell’Italia che cambia, Bologne, il Mulino.

[26] Corrado F, Dematteis G, Di Gioia A (dir.). (2014). Nuovi montanari. Abitare le Alpi nel XXI secolo, Bologne, Franco Angeli.

[27] Jambes JP. (2011). « Développement numérique des espaces ruraux », Netcom, n° 25(¾), p. 165-178.

[28] Avelino F, Wittmayer J, Haxeltine A et al. (2014). Game-changers and transformative social innovation. The case of the economic crisis and the new economy, European Union, TRANSIT, working paper.

[29] Op. cit.

[30] Op. cit.

[31] Scherer P (dir.). (2015). Chantiers ouverts au public, Paris, La documentation française.

[32] Op. cit.

[33] Chambon JL, David A, Devevey JM. (1982). Les innovations sociales, Paris, PUF.

[34] Bouchard MJ. (2006). « De l’expérimentation à l’institutionnalisation positive : l’innovation sociale dans le logement communautaire au Québec », Public and Cooperative Economics, n° 77(2), p. 139-166.

[35] Attali M, Dalmasso A, Granet Abisset AM (dir.). (2014). Innovation en territoire de montagne. Le défi de l’approche interdisciplinaire, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble.

[36] Fourny MC (dir.). (2018). Montagnes en mouvement. Dynamiques territoriales et innovation sociale, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble.

[37] Koop K, Landel PA, Fourny MC, Senil N. (2018). « Quand l’innovation sociale change la dynamique des territoires de montagne », dans Fourny MC (dir.), Montagnes en mouvement. Dynamiques territoriales et innovation sociale, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, p. 21-43.

[38] Defourny J, Monzon Campos JL (dir.). (1992). Économie sociale, entre économie capitaliste et économie publique, Bruxelles, De Boeck.

[39] Op. cit.

[40] Castells M. (1972). La question urbaine, Paris, François Maspero.

[41] Gwiazdzinski L. (2007). « Redistribution des cartes dans la ville malléable », Espace populations sociétés, n°2/3, p. 397-410.

[42] Urban Catalysts. (2003). Strategies for temporary uses – Potential for development of urban residual areas in European metropolises, Bruxelles, CORDIS.

[43] Pradel B. (2010). « Processus de réversibilité et rythmes des transformations urbaines : penser la ville à pile ou face ? », dans Scherrer F., Vanier M (dir.), Villes, territoires et réversibilité, Paris, Hermann, p. 237-248.

[44] Nez H. (2012). « De l’expertise associative à la formation d’un contre-pouvoir. Action collective et concertation à Paris Rive Gauche », Espaces et sociétés, n° 151(4), p. 139-154.

[45] Bertoni A, Leurent A. (2017). « L’aménagement temporaire, révélateur d’espaces et de pratiques pour le projet urbain », disP – The Planning Review, n° 53(3), p. 33-42.

[46] Ambrosino C, Andres L. (2008). « Friches en ville : du temps de veille aux politiques de l’espace », Espaces et sociétés, n° 134, p. 37-51.

[47] Ascher F. (1995). Métapolis ou l’avenir des villes, Paris, Odile Jacob.

[48] Correia M. (2018). « L’envers des friches culturelles. Quand l’attelage public-privé fabrique la gentrification », Revue du Crieur, n° 11(3), p. 52-67.

[49] Desgoutte J. (2019). « Les communs en friches », Métropolitiques [En ligne].

[50] Watine J. (2020). « Entre idéal alternatif et récupération spéculative, quelle place pour le “droit à la ville” dans la requalification des friches industrielles en lieux culturels, CIST2020 – Population, temps, territoires, p. 421-424.